Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 9h30
Mesures d'urgence contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Avec cette proposition de loi portant mesures d'urgence contre la désertification médicale, le groupe Socialistes et apparentés a souhaité s'attaquer à la question des difficultés d'accès aux soins dans notre pays, et plus particulièrement dans nos territoires. Nous avons la préoccupation de procurer à tous les Français des soins de qualité, accessibles dans tous les territoires et couverts par la sécurité sociale aussi souvent que possible. Notre conviction est que la santé se doit d'être à la portée de tous nos concitoyens, quels que soient leurs revenus et leurs origines. Notre ambition, c'est une politique de santé publique sans discriminations, juste et efficace.

Cela peut paraître une évidence, mais il convient néanmoins de le dire : la santé est au coeur des préoccupations des Français, comme on l'a vu récemment. Le bonheur commence par la bonne santé, vous pouvez avoir toutes les merveilles du monde à vos pieds, cela ne vaudra pas la peine si votre santé fait défaut. Par ailleurs, il existe un lien assez direct entre santé et développement : une population en bonne santé a confiance en l'avenir et se montre productive, tant économiquement que socialement.

C'est pourquoi les socialistes ont toujours été attachés au principe universel du droit à la santé, consacré dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. L'article 25 de cette déclaration, relatif au droit à la santé et à la protection sociale, affirme que : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires () ». C'était dans cette logique que nous avions voté la création de la couverture maladie universelle, sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui assure l'accès aux soins et le remboursement des soins et des médicaments à tous les Français. C'est aussi cette logique qui avait conduit Marisol Touraine à généraliser le tiers payant lors du quinquennat précédent : dispenser les Français d'avancer le coût des soins devait permettre de lever les freins économiques à l'accès aux soins. Aujourd'hui, toujours avec la même ambition, nous vous proposons d'adopter cette proposition de loi destinée à lutter, par diverses mesures, contre la désertification médicale.

Ce texte part d'un constat simple : l'égalité face à la santé se dégrade et une part de plus en plus importante de la population se voit contrainte de renoncer à des soins ou de les reporter. Dans ma circonscription, à Saint-Gaudens, le nombre de médecins est passé de trente-deux en 2016 à quatorze à la fin de l'année 2018. De plus en plus de citoyens se retrouvent sans médecin référent, et, je peux vous le dire, la colère gronde. Les dispositifs auxquels vous avez fait allusion, madame la ministre, ne montrent pour le moment pas d'efficacité – peut-être parce que les financements ne suivent pas. Il s'agit donc pour les socialistes d'alerter sur cet état de fait et de promouvoir l'effectivité du droit à la santé, ainsi que les conditions de l'égalité de tous dans l'accès à des soins de qualité.

Régulièrement, nous nous intéressons ici aux problèmes économiques d'accès aux soins, et nous avons voté avec vous la nouvelle CMU complémentaire, CMU-c, ainsi que le « reste à charge zéro » pour les lunettes et les prothèses dentaires et auditives. Mais nous avons oublié, madame la ministre, de traiter les problèmes géographiques et territoriaux d'accès aux soins. En effet, la désertification médicale de certaines zones rurales ou de certaines banlieues ajoute une inégalité territoriale dans l'accès aux soins. Les déserts médicaux en zone rurale et en banlieue, liés à la liberté d'installation des médecins libéraux, posent de graves problèmes de santé, qui finissent par avoir un coût humain et financier très important pour notre société. Car dans ces territoires, les maladies ne sont pas traitées lorsqu'il convient de le faire, mais lorsqu'il est insupportable de vivre avec elles, et c'est l'hôpital qui intervient en dernier recours, quand cela est encore possible. S'ajoutent à cela les fermetures d'établissements et de maternités de proximité, qui éloignent une partie de la population des soins adaptés.

Aussi, nous proposons avec ce texte, non pas de régler tous les problèmes d'accès aux soins, mais de contribuer à renforcer l'égal accès aux soins de tous les Français et de faciliter le recours à des soins de qualité.

Pour ce faire, nous proposons cinq mesures : le conventionnement territorialisé des médecins ; la constitution de territoires innovants en matière de santé dans les zones à faible densité médicale ; la réduction à un an de la période probatoire des médecins titulaires de diplômes étrangers ; l'assouplissement des modalités d'assistance aux médecins exerçant en zone sous-dense ; la mise en place d'un cadre expérimental relatif à la dispensation de certains médicaments.

Il va de soi que notre proposition de loi est un ensemble cohérent, au sein duquel les mesures sont interdépendantes. Il ne s'agit donc pas d'un menu dans lequel le groupe LaREM pourrait choisir à la carte ce qu'il souhaite voir adopter et ce qu'il rejettera avec une certaine démagogie.

Il n'est pas question ici de satisfaire les intérêts particuliers de tel ou tel syndicat de médecins, ni de s'en faire le porte-parole ou de flatter telle ou telle corporation, mais bien de défendre l'état de santé de nos concitoyens, donc l'intérêt supérieur de la nation. N'est-ce pas là une belle idée ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.