Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 15h00
Mesures d'urgence contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Même si elle ne figure pas explicitement parmi les quatre grands thèmes abordés dans le cadre du grand débat national, nous savons tous ici combien la difficulté d'accès à un médecin préoccupe quotidiennement nos concitoyens. Nous, députés de la nation, pouvons témoigner des nombreux courriers et alertes que nous recevons de la part d'élus locaux, mais aussi de citoyens qui nous alertent sur le départ prochain à la retraite de leur médecin de famille, qui ne sera pas remplacé.

Vous l'avez récemment souligné, madame la ministre, lors de vos voeux, la santé est « un service public qui n'est pas au rendez-vous ». Le sujet de la désertification médicale revient très, voire trop, régulièrement, puisque nous n'avons pas encore trouvé la bonne solution, le bon dosage pour garantir tout à la fois la liberté d'installation des médecins et leur bonne répartition dans les territoires. Les dispositifs d'incitation à l'installation ont été jugés trop onéreux et inefficaces, ce qui nous oblige à trouver d'autres méthodes.

Nous examinons aujourd'hui un texte qui tente de répondre à ce problème. Si notre groupe a salué les propositions contenues dans le plan « ma santé 2022 », il est indéniable que les mesures présentées ne trouveront pas leur pleine application avant l'horizon 2025, voire 2030. En attendant, notre position de parlementaires nous oblige à apporter des réponses au désarroi de nos concitoyens, confrontés quotidiennement à la difficulté d'obtenir un rendez-vous chez un professionnel de santé.

C'est pourquoi je remercie le groupe Socialistes et apparentés, et plus particulièrement le rapporteur Guillaume Garot, d'avoir inscrit à l'ordre du jour de nos travaux cette proposition de loi. Car, même si nous ne partageons pas toutes vos conclusions, nous soulignons l'effort et l'abnégation constante dont vous faites preuve sur ce sujet pour tenter de restaurer, en France, une santé de proximité.

Cette proposition de loi fait par ailleurs écho à la commission d'enquête qu'a créée notre groupe, l'année dernière, sur l'égal accès aux soins et la lutte contre la désertification médicale. Nous retrouvons dans votre texte, pour partie, les constats posés et certaines propositions formulées dans le rapport final présenté par notre collègue Philippe Vigier.

Vous proposez tout d'abord, à l'article 1er, de faire du conventionnement des médecins un outil de régulation pour rééquilibrer l'offre de soins dans les zones insuffisamment dotées. Sans remettre en cause la liberté d'installation des médecins, vous conditionnez leur conventionnement à la densité d'offre de soins sur le territoire.

Sur la forme, nous trouvons la méthode quelque peu injuste et discriminante, puisque ces contraintes d'installation s'appliqueront aux nouveaux médecins cherchant à s'installer, sans affecter ceux qui ont déjà établi un cabinet et ont une patientèle stable. Je vous concède, monsieur le rapporteur, que vous ne pouvez malheureusement pas changer les règles au cours du jeu. Je pense notamment à tous ces étudiants qui se sont engagés dans des études très longues et fastidieuses, à qui nous annonceront soudainement que leur liberté d'installation est compromise, du moins dans certaines zones qu'ils avaient peut-être envisagées.

Par ailleurs, cette mesure ne garantit en rien la présence de médecins dans les zones rurales. Vous vous attachez à limiter l'installation dans les zones sur-dotées, sans intervenir sur l'attractivité des zones sous-dotées. Les mesures de contrainte à l'installation appliquées au Canada ou en Allemagne, citées tout à l'heure, auxquelles votre proposition est similaire, ont conduit à l'échec : certes, les nouveaux médecins ne se sont pas installés dans les villes, mais ils n'ont pas non plus fait le choix des zones rurales, préférant établir leur cabinet à la périphérie des villes.

Pour rendre réellement attractives les zones sous-denses, il vous aurait fallu proposer des dispositifs pour améliorer les conditions d'exercice des médecins. Ce que proposera, je l'espère, le futur projet de loi sur la santé, avec le développement d'assistants médicaux qui pourront permettre aux médecins libéraux de s'affranchir de certaines tâches, notamment administratives, et de dégager ainsi du temps pour se consacrer à leur coeur de métier, c'est-à-dire soigner.

Peut-être serait-il plus opportun de mieux valoriser les espaces santé, qui permettent à des praticiens hospitaliers d'exercer la médecine de ville à temps partiel. Ainsi, ils permettent tout à la fois de fidéliser le praticien hospitalier et d'augmenter l'offre en médecine de ville. Ce modèle permet aussi de conforter l'offre et l'avis médical en juxtaposant plusieurs disciplines.

Enfin, il faut non seulement rendre plus attractive pour les médecins l'installation dans certains territoires, mais aussi rendre plus attractive la médecine de ville. Nous savons que neuf médecins sur dix choisissent d'exercer dans le milieu hospitalier. Ce n'est pas en bridant l'installation des médecins libéraux que nous pourrons améliorer ce chiffre et rétablir l'équilibre entre ville et hôpital.

Notre groupe demeure donc très réservé sur votre proposition de conventionnement sélectif qui pourrait, je le crains, manquer son effet. Nous continuerons à soutenir et à garantir la liberté d'installation des médecins, mais nous leur demandons de faire des efforts pour mieux répondre aux besoins de santé exprimés par nos concitoyens.

Votre texte propose également de s'appuyer sur les compétences des médecins ayant obtenu leur diplôme hors de l'Union européenne, en réduisant de trois à un an la période probatoire obligatoire, à la condition que ces médecins exercent dans une zone sous-dotée. Cette proposition ayant été émise par le rapport de notre commission d'enquête, notre groupe y est évidemment favorable. À la lecture de l'avant-projet de loi Santé transmis au conseil d'État, nous avons toutefois constaté que le Gouvernement proposait de porter cette période à deux ans.

Nous donnons également un avis favorable à l'article 4 de votre texte, qui crée un nouveau statut de « médecin de renfort », distinct du cadre actuel du remplacement et applicable uniquement dans les déserts médicaux. Là encore, il s'agit d'une proposition du rapport de la commission d'enquête UDI-Agir.

Votre texte propose enfin de s'appuyer sur les pharmaciens d'officine. À travers un dispositif expérimental, ces professionnels très appréciés des Français pourront dispenser certains médicaments à prescription médicale obligatoire.

Les pharmaciens ne sont pas prescripteurs. Ce souhait n'a d'ailleurs jamais été exprimé par la profession. Cependant, à l'instar des médecins, ils sont présents en continu dans tout le territoire en raison de règles d'installation bien plus contraignantes, il est vrai. La pharmacie constitue donc aujourd'hui un lieu de santé de proximité dans les territoires, grâce à un formidable maillage territorial. Selon une enquête menée par Pharma Système, le pharmacien reste le professionnel de santé que les Français voient le plus souvent, devant leur médecin généraliste.

Dans le cadre de la campagne de vaccination antigrippale, ces professionnels ont déjà démontré qu'ils pouvaient aider. L'expérimentation a en effet rencontré un vif succès, avec plus de 700 000 patients vaccinés en pharmacie. Pourquoi donc ne pas aller plus loin, notamment pour traiter des pathologies mineures ? Les pharmaciens ont déjà vu leurs missions évoluer, ils se tiennent prêts à aller plus loin.

Nous soutenons donc votre proposition, le cadre choisi de l'expérimentation nous paraissant très cohérent. C'est pourquoi nous proposerons un amendement visant à rétablir en l'état l'article 5, supprimé en commission des affaires sociales.

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