Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 21h30
Fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Dans le cas présent, il s'agit tout d'abord d'une exigence de justice pour le monde agricole, premier exposé à ces produits, alors que l'agriculture intensive ne lui permet plus de vivre dignement. La France est le deuxième consommateur de produits phytosanitaires de l'Union européenne et le huitième en quantité par hectare. Si l'utilisation massive de pesticides dans le contexte d'une agriculture intensive visait avant tout à l'efficacité agronomique, ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'ont crû les préoccupations environnementales et de sécurité sanitaire.

En 2009, la réglementation européenne a évolué sur le sujet en plaçant la santé humaine et l'environnement avant l'intérêt agronomique. Avec les plans écophyto 1 et 2, nous avons mis en place des programmes visant à la rationalisation et à la réduction de l'emploi de ces produits afin de protéger les cultures. Ces programmes ont eu le mérite de souligner l'avance de la France sur ce sujet par rapport à ses partenaires européens, mais ils ne peuvent produire de résultats que s'ils s'inscrivent dans la durée. C'est pourquoi nous saluons l'annonce du Gouvernement sur la poursuite du programme. Ces plans comportent d'ailleurs un volet formation particulièrement utile pour sensibiliser les opérateurs à l'application d'alternatives aux produits phytosanitaires et à l'importance des mesures de protection individuelle.

Soulignons également les progrès de l'agriculture biologique, qui est sortie de la confidentialité pour se positionner en alternative crédible face aux productions conventionnelles. Elle est peu à peu entrée dans les habitudes de consommation des Français et s'invite désormais à la table de tous.

Dans le même temps, certaines substances particulièrement toxiques ont été interdites et le nombre de substances commercialisées a été considérablement réduit. Au-delà des objectifs de réduction voire d'interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, objectifs que nous partageons tous, il nous appartient de prendre toute la mesure de leur impact sanitaire.

Sans m'appesantir sur le sujet du chlordécone, également à l'ordre du jour de nos travaux de ce soir avec une proposition de loi distincte, quelles sont les responsabilités à établir face à la réalité d'une contamination dont les effets seront perceptibles durant plus de cinq siècles ? Les effets consécutifs à l'utilisation massive de produits phytopharmaceutiques sont de mieux en mieux documentés, même si les études restent encore à approfondir. Les conclusions du rapport rendu en janvier 2018 par trois corps d'inspection sur la création d'un fonds d'aide aux victimes des produits phytopharmaceutiques sont également éclairantes en la matière. Le rapport a souligné le risque réel pour la santé qu'occasionnait l'utilisation de ces produits.

De même, la mission d'information commune de l'Assemblée, présidée par notre collègue Élisabeth Toutut-Picard, a souligné les effets avérés desdits produits sur la santé humaine et l'environnement, tout en relevant cependant la grande difficulté d'établir les causalités de la survenue de pathologies, en raison de l'effet cocktail et de la multitude des molécules utilisées dans le passé ou en ce moment.

La présente proposition, à l'initiative de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, s'inscrit dans le prolongement de ces travaux. Elle rejoint des débats que nous avons déjà eus dans cette enceinte ou au Sénat sur l'opportunité de créer un fonds d'indemnisation des victimes, lors de l'examen de la loi EGAlim et du PLFSS.

Nous nous rejoindrons tous sur la nécessité de modifier les tableaux recensant les maladies professionnelles agricoles, qui ne sont pas à la hauteur et qui ne garantissent aujourd'hui qu'une réparation partielle. Cela n'est plus suffisant.

S'il paraît nécessaire de créer un fonds pour compléter le dispositif actuel de réparation, nous sommes cependant partagés sur le périmètre des potentielles victimes éligibles. L'ouverture aux victimes environnementales, sur des critères difficilement quantifiables et malaisés à définir, ne devrait se faire que dans un second temps. À ce sujet, nous sommes d'avis d'attendre les conclusions du rapport dont la loi EGAlim prévoit la remise avant la fin du mois d'avril, lequel doit nous donner des orientations et davantage de précisions sur le financement et les modalités de création d'un fonds d'indemnisation.

Il nous paraît sage d'attendre les propositions du Gouvernement, qui est le plus légitime pour agir sur ce sujet, du fait de tous les moyens dont il dispose. Notre regard sur un tel dispositif est bienveillant et nous nous réjouissons de pouvoir en débattre ce soir en séance. Le groupe UDI-Agir réserve sa position de vote, qu'il prendra au moment de la conclusion de la discussion, en l'espérant en rapport avec les nombreuses attentes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.