Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 15h00
Débat sur l'accès aux droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

… nous avons fait une vingtaine de préconisations, dont une plus grande stabilité des droits et l'amélioration de l'accueil des personnes, notamment en faisant des conseils départementaux les chefs de file uniques de la lutte contre le non-recours.

C'est également pour lutter contre le non-recours que nous avons défendu le principe d'un revenu de base, que vous avez choisi de rejeter par dogmatisme, nous démontrant ainsi que si votre majorité se prévaut d'une culture de l'expérimentation, celle-ci ne vaut plus dès lors qu'elle est demandée par l'opposition.

Vous partez du principe que votre futur revenu universel d'activité sera plus efficace que deux ans et demi de travail associant 18 départements, des citoyens, des chercheurs et des parlementaires !

Faute d'incarnation de votre schéma redistributif, cette logique nous interroge. Au prétexte de simplifier les aides existantes et de lutter contre la pauvreté, vous conditionnez l'aide sociale à une activité. Cette approche est très contestable et nous n'y souscrivons pas. Elle n'est pas avant-gardiste, mais d'essence purement libérale. La contrepartie induit une transformation durable des logiques de l'aide sociale, en la durcissant.

Faut-il être à ce point déconnecté des réalités pour imaginer avoir besoin d'inciter au travail une personne au RSA vivant avec 550 euros par mois – à moins que ce ne soit de l'hypocrisie, alors que Pôle emploi ne propose au mieux que 400 000 offres à plus de 5 millions de demandeurs d'emplois ? Qu'en est-il, dans votre schéma, des jeunes de 18 à 24 ans, des personnes handicapées et des personnes âgées ?

Cette transformation brutale des minima sociaux en une prestation unique est expérimentée en Angleterre. Les premiers résultats montrent que les coûts sociaux sont très importants, ce qui doit nous alerter sur les risques encourus. Le rapport rédigé par Christophe Sirugue en 2016 décrivait les enjeux et les difficultés d'une approche trop radicale. L'étude de France Stratégie commandée par le Gouvernement confirme que le regroupement envisagé des « prestations de solidarité » dans une allocation sociale unique pourrait faire plus de perdants que de gagnants, en fonction des scénarios.

Par ailleurs, ce discours stigmatisant autour de la conditionnalité de l'aide reviendrait à différencier les « bons pauvres », qui travailleraient, et les « mauvais pauvres », qui seraient des assistés. Ces clichés sont un vrai risque pour notre cohésion nationale et sont loin de contribuer à l'apaisement dont notre pays a aujourd'hui socialement besoin.

Cette logique de copier-coller libéral ne pourra pas être acceptable alors que vous refusez d'envisager le rétablissement de l'ISF ou une vraie redistribution des richesses. Dès lors, vous avez été imprudents de dédaigner notre demande d'expérimentation, car vous auriez pu y confronter votre modèle. Si, forts de vos certitudes, vous ne tenez pas compte des êtres humains en simplifiant des dispositifs qui sont leur seul filet de sécurité et de survie, vous allez au-devant de grandes difficultés.

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