Intervention de Rodrigue Kokouendo

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 21h30
Débat sur l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en seine-saint-denis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRodrigue Kokouendo, rapporteur du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà une mission qui fait bouger les lignes depuis quelques mois.

C'était une innovation que de confier à une mission parlementaire l'évaluation des politiques publiques sur un territoire limité, pour les aspects qui touchent à la justice, l'éducation et la sécurité.

Sa publication a provoqué de nombreuses réactions et suscite bien entendu beaucoup d'attentes. En effet, si le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques a porté son choix sur la Seine-Saint-Denis, c'est que, conscient des problématiques de ce département, il s'attendait non à dresser un simple état des lieux mais à formuler des propositions concrètes.

À l'heure où certains se plaignent que leurs députés ne sont pas assez proches de la réalité du terrain, ce rapport, commandé en 2017, apporte la preuve du contraire.

Je remercie les plus de 120 personnes auditionnées, enseignants, magistrats, élus locaux, experts, tous les personnels de l'État et toutes les associations, toujours si actives, qui ont participé à cette enquête et nous ont accordé de leur temps.

Ce rapport et les préconisations qu'il comporte vont maintenant s'enrichir de nos échanges et se nourrir des débats qui se déroulent actuellement dans notre pays.

Présent hier à Évry-Courcouronnes, j'ai entendu certains maires et présidents d'associations demander à juste titre, par exemple, la multiplication des classes préparatoires dans le 93, ainsi que l'extension du dédoublement des classes de cours préparatoire – CP – jusqu'à la fin du cycle 3.

Depuis la sortie de ce rapport en mai dernier, j'ai lu beaucoup de commentaires négatifs ou tendancieux sur la faillite de l'État. Ils sont évidemment exagérés. Personne ne peut dire que celui-ci s'est désintéressé de la Seine-Saint-Denis. Reste que toutes les mesures prises par les gouvernements successifs se sont révélées le plus souvent insuffisantes, inefficaces ou inefficientes. Il est évident que les problématiques d'Aubervilliers, où le taux de pauvreté est de 44,3 %, ne seront pas les mêmes que celle de Gournay-sur-Marne, où il est de 5,5 %.

Comment inciter des enseignants expérimentés à s'investir en Seine-Saint-Denis, alors que 64 % des enseignants affectés dans ce département sont des néo-titulaires, contre 21 % au niveau national ? Une mixité des profils enseignants expérimentés et jeunes semble être une bonne option pour assurer une politique d'éducation efficace.

On relève également que la difficulté de remplacer les enseignants absents engendre un manque d'environ une année sur l'ensemble de la scolarité des élèves, ce qui conduit à un taux d'échec plus important dans la Seine-Saint-Denis que dans d'autres départements. Dans ces conditions, comment nous assurer que les outils d'évaluation sont adaptés, fiables et comment redonner confiance en l'école de la République ?

Dans le rapport, nous abordons également la sécurité : des zones de non-droit ; une police en sous-effectif chronique, souvent insuffisamment formée ; une économie souterraine dévastatrice – stupéfiants, recrudescence de la prostitution des mineurs – estimée à plusieurs milliards d'euros, qui mobilise fortement les moyens de la police au détriment d'autres missions, comme la lutte contre les vols et les agressions, ou la sécurité routière.

En ce qui concerne l'organisation de la justice, les tribunaux, malgré des efforts récents, restent débordés ; le délai de traitement des dossiers est anormalement élevé ; le taux de rotation des magistrats – d'environ un tiers par an – est important et des postes restent régulièrement non pourvus.

Mais surtout, la Seine-Saint-Denis reste un territoire mal connu, où le préfet estime entre 150 000 à 200 000 le nombre de personnes en situation irrégulière, alors que beaucoup de nos interlocuteurs ont fait état de jusqu'à 400 000 personnes hors radars, évaluation sans doute plus proche de la réalité.

C'est le constat de base : l'État doit se donner les outils efficaces de recensement et de suivi de la population. Notre rapport évoque des solutions fiables, qui existent ailleurs en Europe.

Enfin, c'est en conjuguant les efforts de chacun sur le terrain et non plus en agissant chacun de son côté que l'État et les collectivités territoriales seront plus efficaces dans l'élaboration et la mise en oeuvre de solutions fiables.

Bien qu'il n'ait pas été évoqué précisément dans le rapport, chaque fois que nous aurons à traiter des zones prioritaires de la politique de la ville, le logement sera toujours un élément déterminant. À cet égard, je salue la nomination d'une magistrate chargée de l'habitat indigne au parquet de Bobigny, ainsi que la création d'une société immobilière et foncière qui sera dotée de 80 millions d'euros pour lancer des actions ciblées.

Depuis des décennies, la Seine-Saint-Denis assume la charge d'une politique éminemment sociale, ouverte, généreuse, attentive aux plus défavorisés. C'est aussi le département le plus dynamique avec 36,4 % de créations d'entreprises au second trimestre 2018, et le plus jeune, avec un énorme potentiel de développement.

J'espère que tous les commentateurs – politiques, médias, réseaux sociaux – auront à coeur de mettre en avant, chaque fois que c'est possible, son patrimoine historique et architectural, son activité culturelle très riche et ses entreprises de pointe dans de nombreux domaines.

Il faut que nos amis séquano-dionysiens soient fiers de leur territoire. J'attends beaucoup de nos travaux dans ce sens.

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