Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 21h30
Débat sur l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en seine-saint-denis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je tiens d'abord à remercier nos collègues François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokuendo pour l'excellent rapport qu'ils ont livré à la réflexion de notre assemblée – enfin ! Cet exercice original est réussi.

Ils ont réussi, en moins d'une centaine de pages, à dépeindre fidèlement et avec précision, s'agissant de l'éducation, de la sécurité et de la justice, l'échec ainsi que l'impuissance de l'État depuis des décennies dans le département de la Seine-Saint-Denis, où j'ai la chance d'avoir grandi.

Même si le rapport n'aborde pas les autres failles – tout aussi importantes – que l'on constate en matière de logement, d'accès aux soins, de transports ou d'équipements sportifs, il aura au moins eu l'avantage de donner un écho sans précédent aux inégalités que dénoncent les élus du département depuis des décennies, non par plaisir – parfois même avec un peu de honte, car nous avons l'impression d'être des pleureuses – , mais par exigence, afin que ses citoyens ne soient plus relégués au dernier rang de la République.

Même si les gouvernements successifs ont toujours prétendu avoir à coeur, au moins dans le verbe, de supprimer ces inégalités en lançant de multiples plans – un peu comme un concours Lépine de la meilleure idée – , la République a toujours échoué dans notre département. Il faut savoir l'admettre. Votre rapport, chers collègues, aide à le faire admettre.

Dans les domaines de la sécurité, de l'éducation et de la justice, mis en avant par le rapport, comme dans les autres, le constat est le même : les politiques publiques qui y ont été menées se sont toujours avérées inadaptées et inefficaces.

Pourtant, s'agissant de l'un des départements les plus peuplés de France et du plus jeune, où le niveau de vie est l'un des plus faibles, où le chômage atteint des sommets, où le taux de criminalité est parmi les plus élevés et où les habitants cumulent difficultés et fragilités – comme un patient arrivant à l'hôpital et présentant une polypathologie – , la logique aurait voulu que l'État adopte – sur le long terme et non en fonction des majorités politiques – une véritable stratégie adaptée au territoire et à ses habitants. Évidemment, tel n'est toujours pas le cas, comme le constatent les auteurs du rapport.

Je passe sous silence les sous-effectifs, les personnels inexpérimentés, le turnover élevé et les carences dans les moyens, toujours mis en avant pour justifier les dysfonctionnements de l'État en Seine-Saint-Denis. Ces explications sont incompréhensibles et inacceptables pour les habitants du département, que M. Nunez connaît bien pour y avoir exercé sur le plan professionnel.

Comment ne pas ressentir le sentiment d'injustice qui transparaît peut-être dans mes propos dès lors que les délais d'audiencement excluent la possibilité d'avoir accès à la justice comme partout ailleurs dans notre pays ? Comment comprendre qu'une audience soit annulée en raison d'une panne de chauffage ou d'une infiltration d'eau dans les toits du palais de justice ?

Comment ne pas se sentir abandonné lorsque vous constatez que, désormais, dans ma circonscription, vous ne pouvez pas porter plainte le week-end, sauf si vous acceptez que votre plainte soit traitée de façon expéditive – bien plus que de l'autre côté du périphérique – en raison du manque d'officiers de police judiciaire ?

Comment ne pas dénoncer une rupture d'égalité dès lors que votre enfant doit se satisfaire d'un enseignement dispensé par des enseignants inexpérimentés – même s'ils sont dévoués – dont les absences sont toujours faiblement remplacées ?

Les habitants de la Seine-Saint-Denis ont bien compris qu'ils sont abandonnés par la République. Au demeurant, c'est la raison pour laquelle vous ne les avez pas trouvés parmi les gilets jaunes, madame et messieurs les membres du Gouvernement. La plupart d'entre eux ont fini par baisser les bras et ont renoncé à espérer.

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