Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 21h30
Débat sur l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en seine-saint-denis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Il en va de même de la justice. Indépendamment de l'état matériel préoccupant du tribunal de grande instance, il faut deux mois pour divorcer à Paris ; il en faut entre quatre et six en Seine-Saint-Denis.

J'ai également mille exemples à l'esprit au sujet de la police. J'ai été particulièrement étonnée de constater que le poste de chargé des relations entre la police et la population, dans une zone prioritaire on l'on en recrutait un, est resté vacant pendant dix mois. On pourrait multiplier les exemples de telles situations. Je pourrais y passer la soirée.

Cette situation est le fruit de choix politiques qui ne datent pas d'hier, et dont vous héritez pour une large part. Mais, en accentuant l'austérité et la réduction des dépenses publiques, et redistribuant les richesses aux plus riches, vous avez récemment contribué à aggraver la situation concrète de la majorité de la population de notre département, dont le taux de pauvreté est de 28,6 %, contre 14,7 % dans l'hexagone.

Parce que nous avons reçu des milliards de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – , beaucoup pensent que l'État donne beaucoup, mais que ça ne marche pas. Ce rapport va à l'encontre de cette idée reçue et rétablit la vérité : si l'on a amélioré le bâti, le niveau de vie n'a pas été ripoliné. Le nombre de bénéficiaires potentiels du revenu de solidarité active – RSA – a explosé, quand les services publics s'appauvrissaient. Les moyens alloués aux collectivités territoriales se sont réduits drastiquement : cette saignée, on l'a connue partout ; mais, en Seine-Saint-Denis, nous sommes à l'os. N'est plus fourni que le minimum de ce que doivent offrir les services publics.

Nous ne faisons pas la manche. Ce que nous exigeons, c'est l'égalité ; c'est donc d'abord une politique sonnante et trébuchante – un plan de rattrapage, évidemment étalé dans le temps, afin de résorber ces profondes inégalités. Mais nous attendons aussi qu'on porte sur notre département un regard différent, loin de la stigmatisation que nous subissons bien souvent, loin du mépris dont les habitants de notre territoire font souvent l'objet.

Nous voulons enfin un autre modèle de développement territorial. Un plan de rattrapage est indispensable, bien sûr ; mais il faut aussi mettre fin à ce développement des grandes métropoles où d'un côté se concentrent les richesses et les emplois, et d'un autre côté s'élèvent des cités-dortoirs où il est bien difficile de trouver un emploi et d'impulser un dynamisme économique.

Ce que nous attendons de la puissance publique, ce sont des investissements, mais aussi des politiques qui permettront de développer les transports, de lutter contre les déserts médicaux, de développer l'activité économique, d'assurer la survie des commerces de proximité. Tout cela, c'est ce qui permettrait tout simplement aux habitants de notre département d'accéder au droit à la ville. Il est profondément inadmissible qu'ils soient relégués dans un territoire de seconde zone.

Nous avons lu, bien sûr, la lettre du Premier ministre, et pris connaissance des propos tenus par Emmanuel Macron hier soir. Je dois saluer ici les tout petits pas franchis, sous la pression des élus de tous bords, mobilisés à la suite de ce rapport, mais aussi des associations et des habitants en colère.

Malgré ces annonces, nous sommes aujourd'hui – c'est peu de le dire – loin du compte. Mais je voudrais aussi insister sur un problème de sens : lorsqu'il était candidat, le Président de la République pensait que les jeunes devaient rêver d'être milliardaires ; hier, il a dit que la Seine-Saint-Denis, c'est la Californie sans la mer. Je vous le dis très simplement : le rêve américain n'est pas le nôtre. Notre rêve est peut-être plus ambitieux, et en tout cas différent : nous voudrions que la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » ne sonne plus creux aux oreilles des habitants de notre département. La promesse républicaine doit être tenue : voilà ce que nous demandons, ni plus, ni moins, mais vite.

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