Intervention de Béatrice Piron

Séance en hémicycle du mercredi 6 février 2019 à 15h00
Débat sur l'école dans la société du numérique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Piron :

Le 10 octobre dernier, la mission d'information sur l'école dans la société du numérique remettait son rapport. Ce texte, fruit de neuf mois de travail sous la houlette de Bruno Studer, que je remercie, nous a permis de formuler vingt-cinq propositions concrètes. En tant qu'ingénieure en informatique et commissaire aux affaires culturelles et à l'éducation, j'ai eu beaucoup de plaisir et d'intérêt à participer à cette mission, où j'ai aussi beaucoup appris.

Le numérique est en train de révolutionner nos emplois, nos interactions sociales et notre rapport au monde. Il est grand temps que l'école prenne ce train en marche. En effet, plus de la moitié des enfants qui y entrent aujourd'hui exerceront un métier qui n'existe pas encore. Nous devons les préparer à cette évolution en leur donnant les bases indispensables pour cela.

Le baccalauréat général de 2021 est une opportunité pour faire émerger de nouvelles disciplines. Au sein du tronc commun, tous les lycéens auront accès à un enseignement scientifique incluant l'usage d'outils numériques, comme les logiciels de calcul ou de simulation et les tableurs. Les plus passionnés pourront, de plus, choisir la spécialité « numérique et sciences informatiques » pour se former aux algorithmes et aux langages de programmation.

J'espère que cette nouvelle organisation du lycée permettra à plus de jeunes, tout particulièrement aux jeunes filles, de s'orienter vers les métiers du numérique qui recrutent. Je saisis l'occasion qui m'est ici donnée pour féliciter, à cet égard, l'organisation Femmes@numérique, qui oeuvre pour encourager les jeunes filles à choisir cette voie.

Nous étions nombreux à défendre la proposition n° 7 du rapport, la création d'un CAPES informatique, entérinée le 7 janvier par M. le ministre, que je remercie pour cette avancée. Mon collègue et rapporteur Bruno Studer a déjà insisté sur la place de l'éducation aux médias et à l'information – EMI – , qui donne aux élèves du secondaire les clefs pour s'informer et faire le tri entre fake news et faits vérifiés. Le développement de l'esprit critique des jeunes citoyens est primordial.

Les enfants utilisant les écrans de plus en plus tôt, il est également nécessaire de les informer bien avant le collège. Parmi les vingt-cinq propositions figure ainsi le renforcement de la formation des enseignants du premier degré. En effet, les enfants peuvent découvrir la logique et le codage très jeunes. À cet égard, je salue aussi notre collègue Danièle Hérin, qui effectue un travail remarquable pour l'apprentissage du code dès le plus jeune âge.

Mais le numérique n'est pas toujours sans danger. Hier, mardi 5 février, avait lieu le Safer internet day, rendez-vous annuel mondial destiné à promouvoir un internet meilleur. Actuellement, 30 % des élèves avouent en effet avoir subi une agression en ligne, et plusieurs adolescents victimes de cyberharcèlement se suicident chaque année.

Nous ne pouvons pas parler d'éducation sans évoquer le rôle des parents. Ils sont des acteurs et des modèles cruciaux pour l'éducation des jeunes, y compris sur le sujet du numérique et du temps-écran. Combien de parents, cependant, connaissent-ils la règle du « 3-6-9-12 » de Serge Tisseron, pourtant relayée par beaucoup de pédiatres et pédopsychiatres ? Les enfants ne devraient pas être laissés devant un écran avant l'âge de trois ans, ou seuls face à internet avant neuf ans. Pourtant, aujourd'hui, les enfants âgés de un à six ans consomment en moyenne plus de quatre heures trente d'internet par semaine, les sept-douze ans plus de six heures, et les treize-dix-neuf ans sont connectés en moyenne quinze heures par semaine. N'est-ce pas trop ?

Beaucoup de parents, mal à l'aise avec l'utilisation des outils numériques, sont dans l'incapacité de paramétrer leur box ou le smartphone de leurs enfants. Certains sont même contraints de s'appuyer sur les capacités de leurs enfants pour accéder aux services publics dématérialisés et accomplir des formalités d'adulte. Les personnes en situation d'illectronisme représentent aujourd'hui, rappelons-le, 25 % de la population adulte.

Aider ces parents, c'est aussi aider leurs enfants à mieux entrer dans le monde de demain, et c'est également réduire l'injustice sociale. Dans la société du numérique, nous avons le devoir d'adapter l'école de la République, pour nos enfants évidemment, mais aussi en limitant les clivages générationnels ou sociaux. De ce point de vue, je remercie aussi M. le secrétaire d'État Mounir Mahjoubi pour le pass numérique, qui contribuera à cette éducation des citoyens.

Je souhaitais aussi vous informer de l'excellente initiative que représente le projet Pix, service public gratuit en ligne qui permet à tous de s'auto-évaluer, mais aussi de développer ses compétences numériques. Que les adolescents et leurs parents l'utilisent pour comparer leurs connaissances, parfois très différentes !

Je voudrais enfin demander à M. le ministre comment l'école pourrait s'ouvrir aux parents au-delà de la fameuse « mallette des parents », insuffisamment connue et parfois pauvre sur le sujet qui nous occupe, pour les aider à mieux accompagner leurs enfants dans le monde numérique.

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