Intervention de Lénaïck Adam

Séance en hémicycle du jeudi 7 février 2019 à 9h30
Débat sur la montagne d'or — Débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLénaïck Adam :

La Guyane, jadis enfer vert, bonne à ne recevoir que des bagnards – ou aujourd'hui des djihadistes, pour notre collègue Dupont-Aignan – est désormais le paradis vert qu'il faut absolument mettre sous cloche. Tous les moyens sont bons pour s'opposer systématiquement à toute tentative d'exploitation industrielle. Le moyen utilisé aujourd'hui est la prohibition du cyanure, par le biais d'une proposition de résolution qui fait fi de toutes les expertises d'organismes français de renom. Chers collègues, avez-vous lu les rapports du BRGM – Bureau de recherches géologiques et minières – et de l'INERIS consacrés justement à l'utilisation du cyanure dans le traitement des minerais aurifères en Guyane ? Certainement pas, pour beaucoup d'entre vous qui préférez réécrire les différents rapports commandités par des activistes environnementaux. Je rappelle que nous sommes tous des profanes sur ce sujet et qu'il faudrait être prudent. L'heure est à l'honnêteté intellectuelle.

Monsieur le ministre d'État, si vous jugez que les directives européennes qui organisent la gestion des déchets de l'industrie extractive sont insuffisantes, dites-le nous ! Je rappelle que la Commission européenne a rejeté en 2017 une demande d'interdiction complète de l'usage du cyanure. De même, si vous jugez votre administration et vos contrôleurs environnementaux insuffisamment qualifiés, dites-le nous ! Si les plus de 1 200 sites français classés Seveso manipulant des substances dangereuses pour l'homme et l'environnement doivent fermer par précaution, dites-le nous ! Enfin, dites-nous franchement si nous perdons notre temps à réfléchir à la valorisation de la ressource aurifère en Guyane et aux moyens de faire profiter la Guyane et les Guyanais des retombées de l'or !

Pour ma part, je ne suis pas opposé à une législation fiable visant à structurer et encadrer la filière aurifère. Au contraire, si le code minier doit être actualisé, il faut commencer par là. Mais compter uniquement sur les subsides de l'État, qui se font de plus en plus rares, c'est condamner la Guyane à demeurer dans une dépendance totale.

Par ailleurs, les Guyanais veulent avancer sur la question statutaire, détenir plus d'autonomie et exercer plus de compétences. Or un territoire qui tend vers l'autonomie ne peut demeurer dans le carcan de l'économie de comptoir. C'est une évidence qu'autonomie et maîtrise des ressources naturelles vont de pair. La Nouvelle-Calédonie, territoire français dont l'autonomie est pleine, en est l'illustration avec le nickel : le nord de l'île était sinistré, tout comme l'ouest guyanais, et les Kanaks ont fait le choix du nickel, bien qu'ils soient aussi très respectueux de leur environnement. Alors, monsieur le ministre d'État, pourquoi ce qui a été bon pour la Nouvelle-Calédonie ne le serait pas pour la Guyane ? N'est-il pas temps pour le Gouvernement de se positionner sur la question de l'exploitation aurifère, tant industrielle qu'artisanale car nos artisans locaux disparaissent à petit feu ?

Je suis le député d'une circonscription où se trouvent de nombreux sites aurifères d'importance, dont celui du projet Montagne d'or. À Saint-Laurent-du-Maroni, capitale de cette circonscription, plus de 70 % de la population en âge de travailler est inactive. Il faut leur fournir du travail, tout de suite, pas dans dix ans avec d'hypothétiques projets non financés. Nous ne sommes pas en train de dire que l'activité aurifère a vocation à absorber toute la misère de la Guyane, mais elle doit y contribuer puisqu'elle existe chez nous.

Certains de mes collègues se montrent aujourd'hui très prompts à monter au créneau contre l'exploitation industrielle aurifère. Je veux dire aux Guyanais que ce sont parfois les mêmes collègues qui votent contre nous quand il s'agit de mettre à disposition de la Guyane les crédits que je demande pour l'aider à rattraper son retard par rapport à l'hexagone.

Je le dis solennellement, je ne suis pas le défenseur de la Montagne d'or. À l'heure actuelle, aucun dossier n'existe, ni en préfecture ni dans les autres services de l'État. Le moment venu, les promoteurs de ce projet déposeront un dossier, qui pourra être accepté ou rejeté. Pour ma part, je défends le droit de chaque Guyanais à exploiter les richesses minières de son pays, dans le respect de notre environnement.

Au-delà du projet dont nous discutons, la question essentielle est la suivante : monsieur le ministre d'État, la France est-elle pour l'interdiction ou l'encadrement de l'activité aurifère en Guyane ? Je vous demande bien retenir cette question : elle est essentielle pour avancer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.