Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du lundi 11 février 2019 à 16h00
Pour une école de la confiance — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Vous direz que les syndicats sont d'éternels grincheux qui ne défendent qu'eux-mêmes. Pas vraiment ! Lors des assemblées générales académiques, qui se sont tenues à la fin du mois de janvier dans toute la France, leurs revendications excédaient de beaucoup la défense de leurs propres intérêts. Ainsi, ils réclament également le retrait de Parcoursup et de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, ainsi que l'abrogation des réformes du bac et du lycée.

Ils dénoncent l'esprit de ces réformes, qui consistent à enfermer si tôt – dès l'âge de 15 ans – des jeunes dans des ornières d'enseignement qui leur interdiront l'accès, s'ils changent d'avis, à certains cursus du supérieur. Ils découvrent, s'il en était besoin, le caractère inégalitaire de ce lycée à la carte, qui n'offrira pas le même menu à tous les élèves. Ils s'indignent de l'absence de lisibilité de la réforme et du manque de moyens pour la mettre en oeuvre. Quant à ce projet de loi, ils en demandent également le rejet, que j'ai l'honneur d'exprimer ici.

Monsieur le ministre, j'ai bien saisi votre façon de passer outre leurs avertissements et leur expertise. Toutefois, le projet de loi pour une école de la confiance a réussi le tour de force de dresser contre lui la quasi-totalité des syndicats représentés au Conseil supérieur de l'éducation.

« C'est le vieux monde qui résiste », direz-vous encore. Eh bien non ! Ces mêmes revendications sont en effet portées par un autre mouvement, hors du cadre syndical classique : le mouvement des « stylos rouges ».

Certains de leurs témoignages sont édifiants. L'un d'eux raconte : « On paie de notre poche des plastifieuses, des cartouches pour les imprimantes, des livres… Donnez-nous les moyens d'acheter du matériel ! » Comment ne pas voir ici une similitude avec d'autres fonctionnaires, eux aussi contraints d'acheter eux-mêmes leur équipement de travail ? Cependant, votre Gouvernement est moins prompt à répondre aux doléances des enseignants, qui sont pourtant parmi les plus mal payés, par comparaison avec leurs collègues des pays membres de l'OCDE, pour un temps d'instruction plus long et des classes plus surchargées.

Vous n'écoutez pas les personnels éducatifs, ni dans les instances représentatives nationales, ni lorsqu'ils défilent dans la rue. Vous les forcez donc à choisir d'autres formes d'actions.

Ainsi, dans ma circonscription, les lycées Olympe de Gouges, à Noisy-le-Sec, et Jean Renoir, à Bondy, sont en grève continue depuis ce mardi 5 février. À Toulouse, 130 professeurs ont démissionné de leurs responsabilités de professeurs principaux : ils n'ont pas envie de supporter la mise en oeuvre d'un volet non négligeable de votre réforme du lycée visant à leur confier l'orientation des élèves, assurée jusqu'à présent par les psychologues de l'éducation nationale et les CIO – centres d'information et d'orientation – , que vous avez respectivement supprimés et fermés, alors même que l'orientation devient votre priorité en même temps qu'un véritable casse-tête.

Ces enseignants hurlent leur désespoir, non seulement face à la détérioration de leurs propres conditions de travail, mais aussi de celles de leurs élèves et à l'avenir que vous leur réservez.

Au demeurant, ces derniers ont également compris à quelle sauce ils allaient être dévorés par l'impitoyable machine à tri que vous construisez. Ils se sont mobilisés au printemps dernier à ce sujet. Menant une répression sans précédent, le gouvernement dont vous êtes membre a appliqué une loi sécuritaire destinée à réprimer les bandes violentes pour mater les velléités démocratiques de notre jeunesse. S'agit-il là des méthodes de l'école bienveillante et de l'accompagnement à l'apprentissage démocratique ? Est-ce par le biais d'humiliations, comme à Mantes-la-Jolie, que vous pensez préparer la jeunesse à la démocratie ? Est-ce à l'aide de gaz lacrymogènes et des flash-balls que vous comptez museler leur contestation ? Il y a dix jours, d'ailleurs, l'une de ces armes a broyé le pied d'un jeune représentant syndical que vous connaissez bien, monsieur le ministre : il s'agit de Louis Boyard. À ce propos, M. Castaner a remis en cause ce qui s'est passé, véhiculant ainsi fake news sur fake news.

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