Intervention de Jean-Michel Blanquer

Séance en hémicycle du vendredi 15 février 2019 à 9h30
Pour une école de la confiance — Après l'article 6

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Tout d'abord, quelques éléments de réponse de nature à vous rassurer, monsieur Le Fur. La réforme du baccalauréat sera clairement un progrès pour les langues régionales et je suis heureux de vous dire que la réalité ne sera pas ce que vous craignez : l'élève pourra toujours choisir deux langues étrangères et une langue régionale, soit trois langues vivantes, LVA, LVB et LVC. Je sais qu'on prétend souvent le contraire dans des articles de presse, mais ce n'est pas exact.

De même, monsieur Acquaviva, je ne suis pas vraiment en désaccord avec vous : il est en effet bien connu que la politique de la langue française sous la IIIe République a parfois rejeté en dehors de l'école les langues régionales. Mais si on fait une analyse historique de ce qui s'est passé, on s'aperçoit que ce fut un peu plus subtil, que les instituteurs ont pu utiliser la langue régionale – qu'eux-mêmes maîtrisaient – pour amener les élèves vers le français, et pas forcément dans une logique d'opposition de l'une avec l'autre. Il y a eu évidemment tous les cas figure et c'est un point d'histoire très intéressant.

Inutile que je redise que nous sommes tous dans le même bateau. Mon seul point de divergence avec vous, c'est que je pense qu'on n'a jamais intérêt, sur ce sujet comme sur d'autres, à défendre une cause sous l'angle de la victimisation. En réalité, cela ne la sert pas. Aujourd'hui, il y a clairement un progrès s'agissant de la reconnaissance de la langue corse. Dire le contraire ne sert pas sa cause, d'abord parce que ce n'est pas conforme à la vérité, et en plus parce que cela suscite du pessimisme.

Il faut avoir de l'optimisme ! Les langues régionales ont de la vitalité et nous devons les renforcer, en étant attentifs aux effets contre-productifs qui existent, y compris politiques, alors qu'en l'espèce il s'agit d'un enjeu culturel fondamental. C'est ensemble que nous devons faire preuve d'un optimisme responsable, c'est-à-dire raisonnable, parce qu'il doit y avoir des règles et un principe de proportionnalité. Ainsi, sur vos amendements comme sur d'autres, il faut être très attentif au fait que vouloir être force de proposition ne doit pas conduire à obliger les acteurs, que ce soit les élèves ou les professeurs, à un apprentissage qu'ils ne le désirent pas. On doit être sur une position à la fois optimiste et équilibrée. C'est en tout cas celle qui guide l'ensemble de mes approches.

S'agissant de vos amendements, je partage l'avis de Mme la rapporteure. L'article 2 de la Constitution dispose que le français est la langue de la République. On ne peut donc pas mettre le français sur le même plan que les langues régionales. Mais il est important de rappeler que le premier alinéa de l'article L. 121-3 prévoit déjà que les élèves doivent maîtriser la langue française ainsi que deux autres langues. L'une d'entre elles peut être une langue régionale. Quant à la deuxième disposition que vous proposez, elle est redondante, puisque l'article prévoit déjà que des exceptions peuvent être justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères. C'est d'ailleurs ce qui se passe sur le terrain.

Enfin, le dernier alinéa de vos amendements introduirait un enseignement en langue régionale au-delà de la parité horaire avec le français, selon la méthode dite de l'immersion linguistique. Cette disposition méconnaîtrait les décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, qui ont rappelé qu'enseigner et pratiquer la vie scolaire principalement en langue régionale est contraire à l'article 2 de la Constitution.

Je connais bien cet enjeu de l'immersion linguistique. J'ai d'ailleurs déjà proposé d'approfondir cette question, notamment avec les inspections générales, pour voir quel bilan pédagogique on peut faire des expériences déjà menées. Je suis prêt à évoluer sur cette question, dans le respect bien entendu des dispositions constitutionnelles, mais il faut être très attentif à ce que les méthodes d'immersion ne contreviennent pas au droit ni à une acquisition solide de la langue française. Il s'agit donc d'un sujet sur lequel il faut faire preuve d'une grande finesse pédagogique. Pour toutes ces raisons j'émets un avis défavorable, même si je crois que nous sommes d'accord sur les objectifs.

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