Intervention de Christophe Bouillon

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon, rapporteur :

La deuxième grande série de constats et de préconisations porte sur le rôle des financements publics directs de l'État à l'appui des investissements verts. L'un des principaux obstacles, pour les opérateurs économiques, tient à la nature même des investissements verts, qui présentent en général plus de risques à court terme que les investissements très carbonés, ou des durées d'amortissement plus longues, ou encore qui nécessitent une accélération de l'innovation. La mission a donc examiné les cofinancements publics sous leurs différentes formes, par exemple le cofinancement direct de l'innovation dans le cas des investissements d'avenir, mais aussi les instruments de garantie de tarifs à l'achat des énergies renouvelables et, enfin, les subventions ou crédits d'impôt ciblant les ménages, comme pour la rénovation énergétique des bâtiments.

Pour soutenir l'innovation dans la transition écologique, l'État intervient par les PIA, qui ont, dès l'origine, pris en compte les critères environnementaux. L'enveloppe atteint aujourd'hui 7 milliards d'euros, dont 4,8 milliards d'euros engagés pour 10,7 milliards d'euros de cofinancement. En 2016, un précédent rapport de la MEC avait identifié un risque de redéploiement de crédits au détriment des projets verts, plus longs à engager. Mais la situation s'est améliorée. Un effet d'entraînement sur les investissements privés est recherché, car il s'agit systématiquement de cofinancements qui sont l'objet d'une évaluation ex-anteex-post. Le choix des projets manifeste une nouvelle sélectivité. Seul un quart des projets présentés en matière d'énergies renouvelables ont été sélectionnés, par exemple. Nous documentons plusieurs succès significatifs des PIA et avons pu constater que l'État a su assumer son rôle dans la prise de risque, comme l'atteste l'échec de certains projets soutenus.

Les différents opérateurs des PIA ont fait évoluer leurs outils d'intervention pour couvrir de nouvelles étapes de financement, comme le post-amorçage avec le fonds Frontier Venture de Bpifrance, ou encore pour accélérer les déploiements commerciaux des technologies innovantes dans les premières unités commerciales, avec le fonds First of a Kind de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

En conséquence, nous invitons à sanctuariser les crédits des PIA dédiés spécifiquement à la transition écologique ainsi que ceux du Grand plan d'investissement, et à prévoir un nouveau PIA à compter de 2020 afin de couvrir les nouveaux besoins de financement. Nous proposons de flécher vers la transition écologique les retours financiers des programmes les plus anciens.

En matière de soutien aux énergies décarbonées, les aides à l'innovation issues du PIA sont indissociables de mécanismes de garantie à l'achat qui réduisent le risque de l'investissement. Retracés dans le dans le compte d'affectation spéciale (CAS) Transition énergétique, les dispositifs de tarifs d'achats publics mobilisent aujourd'hui des montants considérables – supérieurs à 5 milliards d'euros par an et qui devraient dépasser 7 milliards d'euros en 2022 – principalement issus d'engagements souscrits il y a quelques années. L'efficacité de cette dépense est cependant attestée par la diminution continue des tarifs d'achat consentis dans les nouveaux appels d'offres, ce qui montre qu'en une dizaine d'années, grâce à l'intervention publique, un marché des énergies renouvelables compétitif a pu se structurer.

L'enjeu aujourd'hui consiste surtout à opérer des choix de soutien public afin de mener une véritable politique industrielle – et j'insiste sur ce mot – liée aux filières des énergies renouvelables, et de favoriser l'émergence d'acteurs français sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

Par ailleurs, nous soulignons le succès du soutien aux énergies renouvelables thermiques, qui présentent des gains environnementaux importants pour des coûts réduits et avec de fortes retombées territoriales. Nous invitons à augmenter les moyens du fonds chaleur dans le cadre de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie et à en tirer les conséquences dans l'adoption des crédits de l'ADEME lors de l'examen de chaque projet de loi de finances.

Les financements publics en appui de l'investissement privé permettent également d'aider les ménages à retrouver des marges de manoeuvre. En matière de mobilité, l'accès des ménages aux véhicules sobres en carbone reste trop limité. C'est l'un des principaux facteurs de difficulté liés à la trajectoire carbone. Cependant, avec le CAS Aide à l'acquisition de véhicules propres, nous sommes enfin dotés d'un outil budgétaire lisible pour financer directement des aides à l'achat de véhicules plus sobres en carbone à partir de recettes issues même de cette fiscalité sur les véhicules plus émissifs. Nous proposons de conforter la dynamique budgétaire de la prime à la conversion afin d'accélérer le retrait des véhicules les plus polluants. Mais nous considérons qu'il faut aussi améliorer les indicateurs de performance de ce CAS afin de mesurer les effets des niveaux de malus et des niveaux de dettes sur les flux d'achat selon la catégorie de véhicules, ainsi que les effets redistributifs selon les ménages et les territoires.

Des améliorations importantes sont également possibles pour investir dans la rénovation énergétique des logements.

Les aides incitatives sont nombreuses et mobilisent un total de 3,5 milliards d'euros. Nous appelons aujourd'hui le Gouvernement à mieux articuler les dispositifs pour éviter les effets d'aubaine et à simplifier les critères d'éligibilité au profit des foyers les plus modestes.

La moitié du CITE bénéficie aujourd'hui aux 20 % de ménages les plus aisés, alors que les locataires et le logement collectif n'en bénéficient presque pas. Nous proposons de transformer dans les meilleurs délais le CITE en une prime mieux ciblée vers les ménages modestes.

Il faut également développer l'ensemble des solutions d'accompagnement des ménages afin qu'ils engagent les travaux de rénovation énergétique dont le coût initial peut être rentabilisé sur la durée par une baisse des charges d'énergie. Les réseaux bancaires doivent systématiser l'offre d'éco-prêts à taux zéro, par exemple. Le financement du programme Habiter mieux, porté par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), doit être pérennisé. Au niveau territorial le plus fin, il faut détecter et accompagner les ménages en situation de précarité énergétique.

Nous proposons ainsi de soutenir les sociétés de tiers-financement, souvent issues d'initiatives des régions, qui permettent d'associer une offre d'ingénierie financière et une offre technique d'accompagnement d'un projet de rénovation énergétique. Afin d'accélérer leur développement, sur la base d'une analyse de performance de leurs portefeuilles de créances, il pourrait être envisagé de les aider à se refinancer par la constitution d'actifs verts issus de ces créances.

Afin de révéler, sur la durée, la valeur verte des logements, nous proposons de réfléchir à des mécanismes progressifs de signaux-prix incitant les propriétaires à investir dans la rénovation énergétique des logements – par exemple une modulation de la fiscalité du foncier ou des cessions en fonction de la performance énergétique des logements ou encore, comme c'est désormais le cas au Royaume-Uni, en fixant une période de transition suffisamment longue au terme de laquelle les biens les moins performants ne pourraient plus être mis en location.

Concernant l'immobilier tertiaire, nous présentons une proposition d'incitation fiscale aux opérations de crédit-bail immobilier incluant un volet « efficacité énergétique ».

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