Intervention de éric Lombard

Réunion du mercredi 16 janvier 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

En ce qui concerne le plan d'action faisant suite à la réduction des loyers sociaux, il s'agit en réalité du plan de 10 milliards d'euros que j'ai évoqué en introduction. Cette vigoureuse mesure de soutien contribue au maintien du rythme de construction. S'y ajoute la décision prise par le Gouvernement de maintenir le taux du livret A à 0,75 %, soit un soutien au secteur de l'ordre de 160 milliards d'euros d'encours de financement. Peut-être est-il trop tard pour débattre du sens de ce taux pour les épargnants mais force est de constater qu'en 2018, ce placement aura été excellent par rapport à bien d'autres.

S'agissant de l'évolution du secteur, nous vérifions avec la plus grande attention que le niveau de construction se maintient. Au-delà du plan de 10 milliards d'euros, nous alimentons la filiale CDC Habitat, qui a bénéficié de deux augmentations de capital de 300 et de 400 millions d'euros afin qu'elle ait sa propre activité – elle prévoit d'ailleurs de construire 20 000 logements sociaux en 2019 – et qu'elle se tienne à la disposition des organismes qui le souhaiteraient pour leur proposer des options d'adossement – car dans ce contexte, tout le monde parle à tout le monde – leur permettant d'accéder au capital de la Caisse.

Nous allons examiner de plus près la question de la régulation européenne et reviendrons vers vous.

J'en viens à Icade. C'est une très belle entité, au conseil d'administration de laquelle nous occupons la majorité des sièges. Les décisions d'investissement qu'elle prend sont validées par la commission de surveillance de la Caisse. Sans abonder son capital, nous estimons pouvoir influencer ses politiques. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai indiqué publiquement, en récapitulant tout à l'heure le portefeuille de la Caisse, qu'Icade resterait dans son périmètre, non seulement parce que son nom signifie « Immobilière Caisse des dépôts » mais aussi parce que c'est un aménageur important. J'ajoute qu'elle détient des dizaines d'hectares en Seine-Saint-Denis, le long du périphérique parisien, qui constituent un outil d'aménagement majeur du Grand Paris, et qu'elle détient des surfaces encore plus vastes autour d'Orly. Il n'est donc selon nous pas nécessaire d'injecter davantage de capital, le capital existant devant être mieux utilisé dans les territoires ; en revanche, il est important que la CDC conserve son poids au sein d'Icade.

En matière internationale, madame Dalloz, vous soulevez deux sujets. CDC Capital International, tout d'abord, est le partenaire de fonds d'investissement et son activité relève depuis la fin de l'année dernière de Bpifrance ; nous ne nous en occupons donc plus, car il s'agissait en quelque sorte d'une distraction par rapport à nos activités principales. En revanche, la Caisse des dépôts exerce un rôle international concernant les techniques de développement des organismes similaires en Afrique. Nous estimons que cette mission importante relève pleinement de notre mandat car elle poursuit un but d'intérêt général, même international. Une équipe très compétente y est donc affectée. Nous allons inaugurer cette année une banque des dépôts au Burkina Faso et je me rendrai à l'automne à Dakar pour célébrer le cinquième anniversaire de la création de la Caisse des dépôts du Sénégal. Nous conserverons ce rôle qui me semble utile.

S'agissant du PIA, il se trouve que je faisais le point hier avec le secrétaire général pour l'investissement, qui m'annonçait justement la tenue d'un audit périodique afin de vérifier que les sommes versées par l'État au titre de la gestion que nous exerçons sur le PIA sont bien dépensées. En 2018, nous avons de nouveau renforcé notre système de comptabilité analytique de sorte que chacun puisse bien mesurer le coût de chaque activité, qui est partagé avec l'État et dont je tiens la présentation détaillée à votre disposition. Les remboursements sont effectués de manière très précise par les services du secrétariat général pour l'investissement. En clair, tout est mesuré et suivi, et nous pourrons vous transmettre directement les éléments pertinents.

M. Bricout m'a interrogé sur la gouvernance future. L'évolution du conseil d'administration de La Poste sera envisagée au Sénat lors de l'examen de l'article 54 de la loi PACTE ; nous verrons ce qu'il en sera. Je souhaite néanmoins que nous conservions la gouvernance respective de chaque grande entité et que nous maintenions leur autonomie de gestion. Il est important de disposer d'ensembles de taille suffisante mais les unités opérationnelles ne doivent pas non plus être trop grandes, au risque d'être gênées dans leur développement. Les mandats de Bpifrance, de La Banque postale, de la Banque des territoires seront donc bien maintenus.

J'en viens aux territoires ruraux. Je fais partie de ceux qui ont le privilège d'être en relation régulière avec l'association des maires ruraux de France, dont j'ai encore longuement rencontré le président, Vanik Berberian, lors du Congrès des maires. Nous disposons déjà des outils adaptés aux collectivités de moins de 10 000 habitants : ils ne sont pas nouveaux. Il s'agit du capital que nous investissons, de la participation dans des SEM, des financements des fonds d'épargne. En revanche, il faut accélérer et amplifier la mise à disposition de ces outils au service des projets, et accélérer le déploiement des crédits d'ingénierie pour préparer les projets en amont.

Cela étant dit, nous faisons exactement la même chose pour les territoires ruraux que pour les villes plus importantes. Dans tous les cas, la réalité opérationnelle est celle-ci : il faut travailler correctement avec les élus sur leurs projets. À Brioude, où je me suis rendu, par exemple, il existe des projets de rénovation du centre-ville et d'installation de salles, par exemple. Si un maire entend réaliser des projets de la sorte, nous vérifions naturellement la situation de l'endettement de sa commune car il ne faut à l'évidence ni engager les fonds de la Caisse des dépôts de façon risquée ni mettre les communes en difficulté, puis nous mobilisons les outils de financement des projets. Pipriac, un bourg de 2 000 habitants environ, connaissait par exemple un problème d'organisation car le centre-ville était traversé par une route dont certains bâtiments étaient trop proches. Des travaux ont donc été engagés pour déplacer la mairie, et nous avons conduit des travaux d'ingénierie pour aménager le centre de ce bourg situé aux confins de la Bretagne et de la belle région Pays de la Loire chère à Mme la présidente.

Par ailleurs, nous sommes associés aux contrats de développement territoriaux : comme l'ANCT, ils constituent pour nous un outil dans le cadre duquel nous travaillons naturellement avec l'État.

Dans les territoires d'industrie, chacun doit jouer son rôle : nous finançons les collectivités locales et les SEM, et laissons à d'autres – notamment Bpifrance – le soin de financer les entreprises. Je vous en donnerai brièvement trois exemples. À Montceau-les-Mines, nous avons créé un centre de formation destiné à des spécialistes du secteur ferroviaire venus de toute l'Europe – c'est un très beau projet que j'ai inauguré il y a quelques mois. À Laval, une SEM d'aménagement dans laquelle nous sommes coactionnaires avec la ville permet d'accueillir des entités de Thalès. À Chalon-sur-Saône, nous avons contribué à la dépollution d'une friche Kodak afin qu'elle puisse accueillir d'autres entreprises. En clair, nous réalisons plutôt des opérations d'aménagement pour préparer l'arrivée d'entreprises qui, elles, sont financées par d'autres moyens. Nous consacrons 100 millions d'euros par an à ce projet. Avec les différents effets de levier, nous comptons donc engager 3 milliards d'euros au cours des quatre prochaines années.

Nous nourrissons de grandes ambitions pour les universités et souhaitons d'ailleurs qu'elles s'en saisissent davantage. Notre plan campus permet de rénover des universités : j'ai inauguré celle de Bordeaux il y a quelques mois. Nous disposons également de sociétés de réalisation, en Nouvelle-Aquitaine par exemple, pour réhabiliter le patrimoine immobilier. Cependant, pour que nous puissions intervenir, il faut que les universités elles-mêmes se saisissent de leur patrimoine ; c'est une option qui dépend d'elles. Nous les encourageons à le faire et nous les conseillons d'ailleurs le cas échéant. Enfin, dans le cadre du PIA, nous finançons des sociétés universitaires et de recherche.

Je ne saurais répondre sur-le-champ à la question concernant les prêts étudiants garantis par Bpifrance, mais ces garanties sont financées par des enveloppes du Trésor dont je crains qu'elles n'aient tendance à se raréfier.

L'ESS est tout à fait essentielle. Nous avons transféré à Bpifrance la création d'entreprises par les grands réseaux que sont France Active, Initiative France ou encore l'ADIE, parce que Bpifrance, désormais bien installée dans son rôle de financeur des moyennes et grandes entreprises, veut s'orienter davantage en direction des territoires les plus éloignés – sur ce plan, nous sommes en cohérence avec elle – et vers les quartiers pour devenir ce que Nicolas Dufourcq appelle la « BPI des quartiers ». Cet outil de financement de la création de petites entreprises avec les réseaux susmentionnés est efficace et aura mieux sa place au sein de la chaîne de valeur de Bpifrance, depuis les grandes entreprises jusqu'aux très petites entreprises, que dans celle de la Caisse des dépôts proprement dite et de la banque des territoires, qui sont plus orientées vers les collectivités locales et le logement social.

En revanche, nous conservons la mission de financement de l'ESS à proprement parler, car les sources de financement sont rares dans ce secteur. Nous ne réduirons pas notre engagement en faveur des activités de ce secteur – je pense par exemple à l'initiative des « territoires zéro chômeur », qui m'est chère et dont je souhaite le développement. C'est un chantier auquel nous continuons naturellement de travailler.

En ce qui concerne la crise des emprunts toxiques et la coordination entre l'Agence France Locale et La Banque postale, disons les choses simplement : elles sont en concurrence. L'Agence France Locale a été créée afin de permettre aux grandes collectivités d'éviter le recours aux banques en leur offrant une solution à moindre coût. C'est d'ailleurs une évolution tout à fait bienvenue puisqu'elle permet aux collectivités de bénéficier de moyens supplémentaires, même si seules les plus grandes d'entre elles sont concernées.

J'en viens à la SFIL. L'État souhaite que nous la reprenions, ce qui est cohérent avec l'objectif visant à constituer un grand pôle de financement public. La SFIL conserve une taille importante avec un bilan de plus de 80 milliards d'euros. La part des prêts toxiques est très réduite parce que les équipes de la SFIL, auxquelles je rends hommage, ont accompli un excellent travail, mais il reste néanmoins quelques prêts toxiques. Dans les travaux que nous entamerons avec l'État, nous prêterons la plus grande attention – toute décision devant être validée ou non par la commission de surveillance – à la teneur de l'actif, à la manière dont sont gérés les bilans qui sont souvent complexes et qui contiennent de nombreux échanges financiers, ou swaps. Tout cela fera l'objet d'une analyse très fine. Dans les discussions que nous avons avec le ministère de l'économie et des finances, nous lions cette opération au projet de rapprochement avec La Poste. Cela aurait du sens, en effet : la SFIL, par l'intermédiaire de la CAFFIL, est le véhicule de financement de l'activité de financement des collectivités locales de La Banque postale, mais aussi un outil de refinancement du financement export. Il existe donc des synergies entre la SFIL, La Banque postale et Bpifrance. Encore une fois, cependant, il nous faudra être très attentifs car, malgré le travail remarquable des équipes de la SFIL, il reste des points à examiner. Selon moi, l'architecture d'ensemble ne s'en trouve pas compliquée mais simplifiée, au contraire, puisque les trois établissements financiers – Bpifrance, Banque des territoires et Banque postale – rassembleront tous les outils de développement, en plus du véhicule de refinancement qui s'ajoutera aux capacités financières propres de la Caisse des dépôts.

En ce qui concerne l'AFD, monsieur El Guerrab, nous avons fait les choses à l'envers, en quelque sorte : nous avons failli nous marier mais ne l'avons pas fait et, pourtant, nous avons tout de mêmes des enfants ensemble, si j'ose dire. Nous avons par exemple financé le développement de fonds d'investissement comme Stoa, à hauteur de 700 millions d'euros. Le rapprochement est certes caduc mais nous avons des partenariats – nous appelons cela « l'alliance », même si la référence à Renault est sans doute audacieuse par les temps qui courent... Quoi qu'il en soit, cette alliance entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations offre des possibilités de mobilité à leurs équipes respectives et nous permet de coordonner notre action en Afrique. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une « politique des petits pas » puisque nous ne voulons pas aller plus loin, mais nous voulons préserver cette relation proche et des activités en commun.

Je regrette que M. Aubert m'ait interrogé sur la lisibilité, car cela signifie que je n'ai pas été clair dans mon propos. Résumons : le fil directeur de l'action de la Caisse des dépôts consiste à lutter contre les fractures territoriales et contre les inégalités. Voilà la mission qui agrège l'action de la direction des retraites et de la solidarité, de la banque des territoires et, demain, de La Poste.

M. Paluszkiewicz m'a interrogé sur notre intérêt pour l'équilibre des comptes des collectivités locales. Nous sommes un établissement financier – j'ai d'ailleurs constitué une direction des risques indépendante – et nous examinons donc les comptes pour ne mettre ni nos clients ni la Caisse en difficulté.

Les entreprises en difficulté, précisément, échappent à notre rôle – et à celui de Bpifrance aussi, d'ailleurs. Elles relèvent des services de Bercy qui disposent des moyens d'action nécessaires, comme on le constate hélas trop souvent. La Caisse des dépôts, quant à elle, n'a pas vocation à intervenir en finançant des entreprises, a fortiori lorsqu'elles sont en difficulté. Je suis trop attentif à l'usage qui est fait des deniers qui nous sont confiés sous la surveillance de Mme la présidente pour m'engager dans cette direction.

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