Intervention de Gilles Andréani

Réunion du mardi 29 janvier 2019 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes :

Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour l'intérêt que vous portez à notre travail. Nombre de questions sont précises et techniques ; je me permettrai donc de me référer à mon équipe, notamment en ce qui concerne les comparaisons internationales et les mérites respectifs des différents systèmes que nous avons étudiés.

Il est très difficile de rapporter des hausses de crédits et d'effectifs à une efficacité globale. Je vous l'ai dit, la hausse des crédits qui ne se traduit pas par une augmentation suffisante du nombre de magistrats et de fonctionnaires s'explique en partie par l'effet retard du mécanisme de recrutement. Cela est dû également à différentes lacunes dans la façon dont ces nouveaux moyens ont été répartis entre les juridictions. Il s'agit de l'hypothèse centrale de notre rapport : le ministère ne dispose pas, aujourd'hui, des données et des procédures qui lui permettraient d'aller là où les besoins sont les plus pressants.

Ce constat n'est pas incompatible avec la question du coût de la justice française, comparée aux autres systèmes. Nous pourrions commencer par mesurer la différence, procédure par procédure. La CEPEJ, si la France y participait, serait le cadre idéal pour procéder à toute mesure.

Cela dit, le rapport commence par poser le constat évident qu'il y a un retard global de financement de la justice française en dépit des augmentations votées ces quinze dernières années : 0,18 % du produit intérieur brut contre 0,34 % pour l'Allemagne et 0,29 % pour les pays autres que les pays de common law, c'est-à-dire les pays au système judiciaire comparable au nôtre.

Monsieur le président, la comptabilité analytique est effectivement un objectif. Ce que nous proposons aujourd'hui est une première étape : pouvoir imputer les coûts directs en personnel des ressources humaines consacrées aux différents types de procédures. En comptabilité analytique, on commence toujours par les coûts directs, les coûts indirects étant répartis ensuite. Les coûts directs ne peuvent pas être affectés de façon satisfaisante aux grandes activités du ministère. Il faut commencer par là ; c'est une première étape. Après, rien n'empêche à d'autres de faire l'effort de rattacher à ces coûts directs d'autres coûts directs - tels que les frais d'enquête – et ensuite, les coûts de structure que sont l'immobilier, les charges communes du ministère, etc.

Concernant les outils informatiques, de nombreuses questions ont été posées. Mais nous ne parlons pas de la même chose. Quand vous évoquez les crédits ouverts en loi de finances 2018, c'est-à-dire 327 millions d'euros en AE pour le plan de transformation numérique du ministère, vous parlez de la transformation complète de la chaîne pénale et de la chaîne civile : ce sont les projets informatiques les plus importants en cours au ministère, Cassiopée et Portalis, qui ne sont pas achevés et qui représenteront, un jour ou l'autre, à la fois des gains de productivité très important et une simplification du travail judiciaire – une simplification de la relation en l'usager et le justiciable.

Les systèmes dont nous avons parlé, OUTILGREF et PHAROS, sont des outils de gestion du personnel, PHAROS n'étant, en réalité, qu'un centre d'informations dans lequel des données sont déversées – c'est très peu de chose. Ces outils peuvent être mis à niveau à relativement peu de frais. Cela n'a rien à voir avec Cassiopée ou Portalis.

Je ne peux pas répondre à la question de savoir si le ministère dispose du niveau d'investissement nécessaire pour sa transformation numérique – pour mener à bien cette numérisation complète des deux grandes chaînes d'activité du ministère. Je n'ai pas la réponse à cette question, mais c'est un sujet que nous étudierons. C'est un investissement informatique considérable et nécessaire !

Permettez-moi de faire une remarque un peu générale sur la conduite des grands projets informatiques. Il existe une tendance, au sein des administrations publiques, et plus spécifiquement de l'administration de l'État, à sous-investir – même si les chiffres peuvent impressionner – en matière informatique, alors même qu'il conviendrait d'investir plus dans ce type de grands projets, qui ont pour vocation à transformer le travail et la relation avec l'usager.

S'agissant des indicateurs de performance du ministère, le premier problème commun à ces indicateurs est la qualité du renseignement, du fait des différentes lacunes qui existent dans la collecte et le traitement des données auxquels le rapport fait allusion.

Monsieur le rapporteur spécial, concernant les vertus des différents systèmes étrangers, le rapport conclut très clairement en faveur du système allemand. Il nous paraît le plus proche de nos préoccupations et le plus simple. Le système norvégien est plus ambitieux, puisqu'il intègre et objective la complexité des affaires, et le système israélien est un système de découpage en phases des procédures – séduisant, mais plus compliqué. Le système allemand nous paraît le plus susceptible de couvrir les besoins de la justice française.

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