Intervention de Victorien Erussard

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Victorien Erussard, fondateur et capitaine d'Energy Observer :

En tant qu'officier de la marine marchande, de pont et de machine, j'ai pu voir de près quels problèmes posaient ces grosses machines thermiques que sont les navires de croisière avec les émissions élevées de particules fines et de CO2. En tant que coureur au large, à l'occasion de nombreuses courses transatlantiques comme la Route du Rhum, j'ai eu l'occasion de naviguer sur des bateaux très techniques qui avancent non grâce à des énergies fossiles mais avec la force du vent. Un jour, j'ai subi un black-out énergétique au beau milieu de l'Océan atlantique et j'ai vraiment regretté que le navire ne soit pas assez intelligent pour exploiter le vent et le soleil. D'où l'idée de créer un navire à la pointe de la technologie qui soit un symbole des énergies de demain, Energy Observer. Ce démonstrateur de trente mètres a été développé avec de nombreux partenaires industriels français et le laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (LITEN) du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) situé à Grenoble. Il est propulsé grâce aux énergies renouvelables et à de l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau de mer et dispose d'un double système stockage.

Nous avons constaté des défaillances sur les batteries. Elles ont une densité massique problématique car elles sont extrêmement lourdes. Le stockage de l'hydrogène sur notre bateau contient 7,35 fois plus d'énergie. Par ailleurs, nous nous heurtons au problème du cycle de vie. Vous avez tous constaté avec vos téléphones portables qu'au bout de quelques mois, les batteries se déchargent plus vite. L'hydrogène n'est pas une source d'énergie primaire mais un vecteur d'énergie. Il faut utiliser de l'énergie pour le produire mais l'avantage, c'est qu'il peut être produit n'importe où. Il suffit de maximiser la production des énergies renouvelables. À l'image de l'agriculture raisonnée, il s'agit d'une production locale et responsable.

Nous testons les capacités de l'hydrogène à travers un tour du monde qui durera six ans. Après la France en 2017, la Méditerranée en 2018, nous parcourrons l'Europe du Nord. Nous passerons même par le canal de la Mer blanche pour rejoindre le Spitzberg.

Je suis convaincu que la rupture technologique et la transition énergétique se feront par l'hydrogène. Le GNL pose certains problèmes. Je sais que la Compagnie maritime d'affrètement Compagnie générale maritime (CMA-CGM), qui a investi dans neuf porte-conteneurs au GNL, s'intéresse déjà à l'hydrogène. Certes, avec le GNL, il y a 50 % de particules fines et 15 % d'émissions de CO2 de moins, mais il suffit de 4 % de fuites pour que les émissions de CO2 soient aussi importantes qu'avec le charbon. Les publications scientifiques montrent qu'il ne peut s'agir d'une vraie solution. L'hydrogène, lui, ne produit pas de CO2 en cas de fuite. À poids égal, il libère quatre fois plus d'énergie que le charbon, trois fois plus que l'essence et deux fois plus que le gaz. Dès lors que vous diminuez les atomes de carbone dans l'énergie, la densité énergétique devient en effet de plus en plus importante. La masse volumique de l'hydrogène est, quant à elle, extrêmement faible : il est soixante-dix fois plus léger que l'air.

On entend beaucoup dire dans les médias et ailleurs que le rendement de l'hydrogène n'est pas bon. En réalité, il faut prendre en compte son rendement global. Il constitue un bon vecteur énergétique. Pour la conversion de l'énergie photovoltaïque en batterie, le rendement est de l'ordre de 90 %. Les moteurs électriques ont un rendement exceptionnel, de l'ordre de 97 %, mais ils alourdissent le poids des navires ce qui nécessite de consommer beaucoup plus d'énergie pour avancer. La production de l'hydrogène implique certes de passer par l'électrolyse, le stockage, la compression et la pile à combustible mais elle repose sur des systèmes beaucoup plus légers et une utilisation des matières premières beaucoup plus vertueuse.

Je considère que la transition énergétique doit se faire très rapidement à travers l'hydrogène. En France, nous avons du retard. Nous voyons tous nos voisins européens mais aussi les Japonais, les Chinois, les Coréens investir massivement dans cette énergie. Une accélération est nécessaire !

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