Intervention de Camille Bourgeon

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Camille Bourgeon, fonctionnaire technique à la division de l'environnement marin de l'Organisation maritime internationale (OMI) :

Le transport maritime possède aujourd'hui une dimension internationale indéniable. Prenons l'exemple d'un navire possédé par un armateur norvégien, immatriculé à Singapour, affrété par une entreprise suisse ou française, qui va opérer dans toutes les mers du globe : à quel État rattacher ses émissions de gaz à effet de serre ? C'est très compliqué. Depuis la ratification du protocole de Kyoto, les États parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) reconnaissent la responsabilité de l'OMI pour limiter et réduire les émissions du transport maritime international et celle de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour limiter et réduire les émissions en provenance de l'aviation civile.

L'OMI est une agence spécialisée des Nations unies, fondée en 1948. Son siège est à Londres. Elle compte aujourd'hui 174 États membres, dont la France qui est un membre actif. Elle comporte également plus de quatre-vingts organisations internationales, intergouvernementales ou non gouvernementales, des représentants d'armateurs, mais également des associations environnementales, qui ont un statut consultatif. L'organe de l'OMI chargé des questions environnementales est le Comité de la protection du milieu marin (MEPC), qui se réunit trois fois tous les deux ans. Il est l'organe en charge du développement et de la mise à jour du droit international en matière de protection du milieu marin et de prévention des pollutions causées par les navires. L'OMI a notamment élaboré deux grandes conventions : la Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires, dite MARPOL, et la Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires.

Au sein des Nations unies, l'organisation a la réputation d'être relativement technique et de produire un nombre significatif d'instruments de nature obligatoire. Plus de cinquante instruments internationaux, conventions et instruments obligatoires ont été adoptés depuis sa création et sont en vigueur ou en cours de ratification à travers le monde. Elle a également édité plus de mille guides et directives.

Comme l'ont dit mes collègues, la réduction des émissions atmosphériques est une priorité de l'OMI. Si j'insiste sur les émissions de gaz à effet de serre, se pose également la question des polluants atmosphériques locaux. L'annexe VI de la convention MARPOL traite d'ailleurs d'abord de cette question – oxydes de soufre et d'azote. En 2011, les États membres ont ajouté un chapitre 4 à l'annexe VI sur l'amélioration du rendement énergétique des navires et, partant, la réduction de la consommation et des émissions de gaz à effet de serre associées.

En 2011, deux grandes mesures d'amélioration de la performance énergétique des navires ont été adoptées. L'indicateur opérationnel de l'efficacité énergétique des navires neufs (EEDI) est un standard de performance, et non pas technique, qui laisse toute liberté aux armateurs et aux chantiers pour développer les mesures les plus adaptées afin d'atteindre les objectifs de performance, qui sont de plus en plus stricts. Par exemple, un porte-conteneurs construit en 2025 devra être 30 % plus performant, en matière de consommation d'énergie, que le même bateau construit en 2008. Aujourd'hui, près de 4 000 navires sont certifiés EEDI.

Pour l'ensemble des navires, soit 60 000, l'OMI a adopté le plan de gestion de l'efficacité énergétique des navires (SEEMP), un système permettant de superviser les efforts d'amélioration de la performance énergétique à bord, dans une logique d'amélioration continue. Qui plus est, depuis le 1er janvier 2019, les plus gros navires, qui émettent 85 % des gaz à effet de serre du secteur, doivent collecter leurs données de consommation de soute à destination de l'OMI, afin d'informer les futures décisions de l'organisation.

À la suite de l'adoption, en décembre 2015, de l'Accord de Paris, qui a représenté un événement majeur, non seulement pour le monde mais aussi pour le secteur, même si le transport maritime n'y est pas explicitement cité, l'OMI a souhaité développer une stratégie fixant des objectifs de réduction des émissions. L'accord est ambitieux, puisqu'il a défini un objectif d'au moins 50 % de réduction des émissions absolues, dans un secteur qui est quasiment exclusivement dépendant des énergies fossiles. La stratégie a été adoptée en avril 2018.

En octobre 2018, le MEPC a adopté un programme de travail pour déterminer les objectifs de la stratégie qui s'appliquera après la prochaine session du MEPC, en 2019 : lancement d'une étude pour quantifier les émissions de gaz à effet de serre et les mettre à jour entre 2012 et 2018 ; adoption d'une procédure pour étudier l'impact des mesures proposées sur les États ; début de l'examen de propositions concrètes, dont certaines ont été citées, de court, moyen et long termes, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur. Parmi les nombreuses options sur la table, il est difficile de savoir celles qui seront retenues par l'OMI et les États membres.

Certaines propositions visent à renforcer les exigences de l'EEDI pour les navires neufs ; d'autres à réduire la vitesse des navires en activité. À moyen et long termes, c'est un changement de paradigme qui s'esquisse. Les futurs carburants utilisés par le transport maritime font l'objet de discussions. Un effort de recherche, de développement et d'innovation a été exigé des États développés. Il est également nécessaire de définir un cadre réglementaire pour réduire les risques d'investissement dans les nouvelles technologies. Si certaines existent déjà, c'est toute la question de leur mise à l'échelle qui est réellement déterminante.

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