Intervention de Victorien Erussard

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Victorien Erussard, fondateur et capitaine d'Energy Observer :

Pour ce qui de l'autonomie énergétique des bateaux, le tour du monde d'Energy Observer fait rêver, mais nous ne naviguons pas vite du tout ! Je suis complètement d'accord avec vous, monsieur Thomas, lorsque vous parlez d'essayer d'encadrer la vitesse des navires. L'énergie cinétique étant proportionnelle à la vitesse au carré, chaque noeud supplémentaire est extrêmement énergivore. Lorsque j'étais officier sur des navires à grande vitesse, entre Saint-Malo et les îles anglo-normandes, nous brûlions neuf tonnes de diesel à chaque aller-retour, pour couvrir une distance de seulement 37 milles, en quarante minutes. En réduisant la vitesse et en mettant une heure, nous divisions par deux la consommation de carburant. Cela m'avait profondément frappé ! En produisant notre énergie à bord d'Energy Observer, nous nous rendons mieux compte à quel point elle est précieuse... Les bateaux ne pourront pas être autonomes. Invité par la Fédération française des pilotes maritimes, il y a quelques semaines, pour partager mon expérience sur l'hydrogène, on m'a fait remarquer que des bateaux alimentés à l'hydrogène n'iraient pas vite. C'est faux : un système électrique et un stockage d'hydrogène adéquats permettent d'aller aussi vite qu'avec des énergies fossiles.

Vous avez cité des objectifs à court, moyen et long termes. À mon sens, le point de vue français n'est pas le meilleur. Nos voisins européens, américains ou asiatiques envisagent le GNL à court terme et l'hydrogène à moyen voire à court terme également. Dans le terrestre, les technologies sont matures. Si nous sommes perçus comme des communicants, sur Energy Observer, en réalité, nous avons différencié nos activités et, forts de notre expérience et de notre savoir-faire, nous allons mettre des ingénieurs au travail pour fabriquer des petits bateaux destinés à tester les technologies matures de piles à combustible d'une puissance allant jusqu'à 500 kilowattheures.

Dans le cadre de son programme Horizon 2020, l'Union européenne a lancé un appel à projet pour perfectionner la technologie des piles à combustible de haute puissance, après avoir réduit à 2 mégawattheures l'ambition initiale de 5 mégawattheures. L'hydrogène liquide a récemment fait l'objet d'avancées considérables. Lorsque cette technologie sera maîtrisée, le transport maritime en sera bouleversé. Sur mon bateau, de l'hydrogène gazeux est stocké à 350 bars – contre 700 bars pour le terrestre.

La question du reconditionnement est complexe. Nous en avons fait l'expérience avec Energy Observer, un bateau de course au large de trente mètres, qui avait remporté le trophée Jules Verne. Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour trouver des solutions pour installer le système énergétique – le stockage d'hydrogène et la propulsion électrique. Nous allons reproduire l'expérience sur un vieux gréement, afin de voir ce qu'il est possible de faire dans ce secteur.

Concernant l'approvisionnement, nous avons des partenaires industriels très importants : Engie, qui travaille sur la production d'hydrogène vert, Air Liquide, qui travaille sur l'hydrogène gris et la captation de CO2 et investit aussi dans l'électrolyse et la production d'hydrogène vert, et Toyota. Le problème, c'est que les stations existantes coûtent très cher et n'ont pas suffisamment d'utilisateurs. Des collectivités investissent dans des stations produisant vingt kilogrammes d'hydrogène par jour, alors qu'elles n'ont que cinq véhicules à alimenter. Le modèle économique ne tient pas. Sans un nombre suffisant d'utilisateurs, l'hydrogène sera cher. Actuellement, il coûte entre 10 et 14 euros le kilo. Or, pour qu'il soit compétitif, il faudrait passer sous la barre des 8 euros. Les navires de commerce sont de gros consommateurs d'énergie. La navette verte qui transporte des passagers entre Saint-Raphaël, Sainte-Maxime et Saint-Tropez a besoin de 100 kilos d'hydrogène par jour, contre 10 kilos pour un bus. Pour favoriser le recours à l'hydrogène, il faut trouver des solutions pour approvisionner les ports en hydrogène et l'utiliser pour les véhicules terrestres et les bateaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.