Intervention de Hervé Thomas

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Hervé Thomas, délégué général d'Armateurs de France :

La durée de vie d'un navire transportant régulièrement de lourdes cargaisons est de quinze à vingt ans, et elle peut atteindre quarante ans pour un bateau transportant des passagers. Cela montre que les choix que nous faisons aujourd'hui nous engagent jusqu'en 2050 environ. C'est la raison pour laquelle, si l'utilisation du gaz naturel liquéfié comme carburant de transition – j'insiste bien sur cette dimension –, représente un grand bénéfice au plan environnemental, ce n'est pas la solution à terme puisque c'est une énergie carbonée.

Comme l'a indiqué M. de Rugy, la transformation passe par la norme. C'est ce que l'on voit pour une activité maritime au niveau international. Malgré tout, et on peut rendre hommage à un certain nombre d'armateurs français, le volontarisme existe. C'est le cas par exemple lorsque CMA-CGM fait le choix pionnier, mais coûteux, de construire neuf navires de 22 000 conteneurs propulsés intégralement pour la première fois au GNL. Comme la technologie n'est pas nouvelle, elle est rassurante. Il faut éviter en effet de jouer les apprentis sorciers en utilisant des carburants qui pourraient se révéler dangereux. Mais si la technologie est maîtrisée, il n'en demeure pas moins qu'un tel choix représente un saut dans l'inconnu. C'est un choix raisonné sur le plan économique, mais il serait hasardeux de dire que 100 % des paramètres sont maîtrisés. Il y a en effet une volatilité des coûts, et il reste toujours la question de la chaîne logistique. Mais cela montre la voie. Tels sont les choix technologiques qui nous engagent pour une bonne vingtaine d'années. C'est la raison pour laquelle il est important de mettre en place des dispositifs. En l'occurrence, le suramortissement ne bénéficiera pas à ces navigations internationales, mais pour les ferries par exemple les solutions sont adaptées.

À quel terme y aura-t-il des navires fonctionnant à l'hydrogène ? C'est pratiquement possible dès demain pour les petites unités. C'est la force que nous avons avec cette flottille extrêmement diversifiée. Parmi les adhérents d'Armateurs de France, la Fédération française des pilotes maritimes a de petites unités qui ont besoin d'intervenir rapidement en sécurité, mais qui restent à proximité de nos côtes. Cela peut constituer une solution. L'utilisation de navires électriques pour transporter des passagers est aussi une solution tout à fait intéressante. Il faut donc s'engager dans cette voie.

Un navire est un système complexe qui a besoin de beaucoup de puissance quand il s'agit de navigations transocéaniques, intercontinentales, l'objectif étant d'aller d'un point A à un point B en transportant une grande quantité de marchandises. Là, il faut alimenter le moteur principal. Mais quand le navire est en escale, on peut parfaitement imaginer, comme cela commence à se faire, d'arrêter le moteur principal et d'utiliser des moteurs de moindre puissance afin de produire l'énergie électrique nécessaire pour les besoins à bord. L'hydrogène peut donc être une solution sur ces moteurs auxiliaires. L'autre gisement peut être celui d'une énergie qu'on ne consomme pas : les panneaux solaires. On peut très bien imaginer, comme cela se fait pour les balises qui assurent le balisage des côtes, alimenter un point isolé du navire avec des panneaux photovoltaïques, ce qui pourrait éviter de faire cheminer un câble sur 200 ou 300 mètres. Ce n'est pas du tout de la science-fiction et, mis bout à bout, cela permet de faire des économies, d'alléger les poids et c'est une autre manière de réfléchir à la conception des navires. C'est aussi ce à quoi nous réfléchissons avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui est un acteur majeur dans ce domaine.

L'autre point crucial concerne le recyclage des navires en fin de vie. L'Union européenne s'est engagée dans un mouvement d'agrément d'un certain nombre de chantiers. Aujourd'hui, le marché international se situe dans le bassin asiatique et en Turquie. Il faut aider ces pays, en agréant les chantiers, parce qu'il est illusoire de penser qu'on va ramener toutes la capacité de démantèlement dans des installations qui n'existent pas ou plus aujourd'hui en Europe. Les navires devenant très techniques, il est important de prendre en compte cet élément dans les polluants finaux. J'insisterai également sur le rôle de l'administration en ce qui concerne la sécurité de la navigation à laquelle les armateurs sont très sensibles. Le diesel, qu'il s'agisse du fioul lourd ou du fioul léger, a l'avantage d'être disponible et d'avoir un bon rendement énergétique, ses inconvénients étant ses émissions polluantes et, en cas de sinistre, la marée noire qu'il risque de provoquer. C'est aussi un carburant extrêmement sécurisant pour les personnes. Quant à l'hydrogène, il faut savoir maîtriser les risques d'explosivité. Chacun a encore en tête l'explosion du dirigeable allemand Hindenburg, il y a près d'un siècle. Il convient donc de savoir rassurer nos concitoyens en leur expliquant qu'on réfléchit à l'utilisation de l'hydrogène de façon sécurisée. C'est un impératif des armateurs et des administrations de tutelle au niveau national et international.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.