Intervention de Anne-Christine Lang

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Christine Lang, rapporteure :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour une école de la confiance aborde plusieurs aspects essentiels du système éducatif, de l'école obligatoire à trois ans à la formation des enseignants, en passant par l'expérimentation pédagogique, la réforme territoriale ou l'évaluation des établissements.

On a pu entendre dire, çà et là, qu'il s'agissait d'un texte fourre-tout, manquant de cohérence et rassemblant des sujets divers, sans réel lien les uns avec les autres. Ce n'est pas notre lecture : il s'agit au contraire d'un texte solidement articulé autour de deux grands principes qui, non seulement sous-tendent l'ensemble des articles, mais font système avec chacune des politiques engagées depuis dix-huit mois et celles prévues pour les trois prochaines années.

Le premier, c'est le combat pour l'égalité des chances, au coeur de notre action. Le second, c'est la confiance accordée aux acteurs de terrain, aux personnels, aux élèves et à leur famille, aux collectivités territoriales, aux associations et à tous ceux qui, mobilisés au quotidien dans des milliers d'établissements scolaires, font vivre l'école et s'engagent pour l'avenir des jeunes, et donc pour celui du pays

Dans son serment de 1870, Jules Ferry affirmait : « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui vient de la naissance : l'inégalité d'éducation. C'est le problème de notre siècle et nous devons nous y attacher ». C'est cette même passion française pour l'égalité qui nous conduit aujourd'hui à défendre à l'article 2 une disposition à la fois historique et symbolique, l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, cent trente-sept ans après les lois Jules Ferry de 1881 et 1882 qui rendaient l'école publique laïque, gratuite et obligatoire.

Le combat pour la justice sociale est majeur car le constat est cruel. Nous le savons, les enquêtes internationales le montrent, notre système éducatif reste très inégalitaire et les résultats des élèves sont étroitement corrélés à leur origine sociale. Les causes, nous les connaissons : ce sont les inégalités qui s'installent dès le plus jeune âge. À quatre ans, un enfant pauvre maîtrise deux fois moins de mots de vocabulaire qu'un enfant issu de milieu favorisé. Et ces difficultés langagières entraînent par la suite des retards dans les apprentissages qui, trop souvent, ne font que s'aggraver tout au long de la scolarité… Avant même leur entrée à l'école, les chances de réussite de certains élèves sont déjà compromises.

Devrions-nous, comme le demandent certains, renoncer à cette disposition sous prétexte que plus de 98 % des enfants sont déjà scolarisés à trois ans ? 26 000 élèves en âge d'être scolarisés, surtout lorsque l'on sait que ce sont les plus défavorisés, ce n'est pas rien ! En outre, cette disposition valorise, renforce, consacre l'école maternelle, celle de « l'épanouissement et du langage ». Elle réaffirme avec force qu'elle est le fer de lance de la lutte contre les inégalités. Venant parachever l'oeuvre républicaine initiée par Jules Ferry en 1882, poursuivie par Jean Zay en 1936 et le Général de Gaulle en 1959, le projet de loi pour une école de la confiance est bien une réforme de justice sociale.

Pourrions-nous dans les prochaines années aller encore plus loin dans notre volonté de mettre les enfants sur la même ligne de départ avant le CP ? Sans doute. Car dans le paysage européen, la France fait figure d'exception dans la prise en charge des très jeunes enfants. Un jour, il faudra mettre fin à la rupture institutionnelle qui crée un fossé entre le monde de la petite enfance et celui de l'école. Ces deux mondes gagneraient à n'en former qu'un seul, comme c'est le cas dans de nombreux pays, permettant une prise en charge globale et dans la durée des jeunes enfants de zéro à six ans, aussi bien sur le plan de l'éveil et du développement psycho-affectif que sur celui des apprentissages, du suivi médical et de l'accompagnement des familles.

Nous n'y arriverons pas en un jour mais il est important de se saisir de ce projet de loi consacrant l'égalité des chances et la justice sociale pour afficher une intention dans ce domaine. Dans la lignée du plan Pauvreté, je formulerai des propositions afin de poser les premières briques de ce chantier qui est encore devant nous.

Outre cette exigence de justice sociale, l'autre ligne de force de ce texte, c'est la confiance. C'est la raison d'être de l'article 1er, le socle sur lequel repose l'ensemble de l'édifice. Cet article fixe les conditions du pacte de confiance qui doit unir l'ensemble des membres de la communauté éducative entre eux et régir leur relation avec l'institution.

Cet article a donné lieu à un malentendu ; je le déplore. Il ne vise nullement à porter atteinte à la liberté d'expression des enseignants. Au-delà de ce regrettable quiproquo, les inquiétudes qui se sont exprimées en disent long sur l'état de défiance qui prévaut trop souvent, non seulement entre les différents acteurs du système éducatif, mais également vis-à-vis de l'institution et tout ce qu'elle produit, au-delà même de l'Éducation nationale. C'est précisément ce que nous voulons changer grâce à l'article 1er, dont nous vous proposerons une nouvelle rédaction.

La confiance, c'est aussi la grande liberté qu'il est proposé de laisser aux enseignants pour expérimenter de nouvelles pratiques pédagogiques. Ce signal fort témoigne de la confiance que l'institution accorde aux enseignants et aux équipes pédagogiques, à leur expertise, à leur capacité à analyser les situations dans lesquelles se trouvent leurs élèves et d'y apporter les solutions les plus pertinentes et les plus adaptées localement.

C'est également au nom de la confiance renouvelée que le projet de loi crée le nouveau Conseil d'évaluation de l'école. Loin de l'évaluation-sanction, ce Conseil consacre le principe d'une évaluation constructive et bienveillante, précédée d'une autoévaluation. Nous nous conformons ici à l'un des engagements pris pendant la campagne : évaluer régulièrement l'ensemble des établissements scolaires, de manière à les faire progresser avec tous les acteurs de la communauté éducative et avec la participation active des élèves eux-mêmes. Notre système éducatif a tous les atouts pour devenir un des meilleurs au monde.

Le projet de loi prend tous les sujets à bras-le-corps. Les exemples étrangers montrent qu'un système éducatif peut progresser très rapidement – en l'espace de cinq ou six ans – s'il actionne un certain nombre de leviers qui sont aujourd'hui bien répertoriés : l'acquisition des fondamentaux, la qualité de la formation des enseignants, l'évaluation régulière des élèves et des établissements et les relations établies entre l'école et les parents d'élèves.

Je pourrais également évoquer la question de la rémunération des enseignants, qui ne relève pas du projet de loi mais sur laquelle je vous sais très investi depuis les premiers jours de votre mandat, monsieur le ministre. C'est un levier important de la réussite des systèmes éducatifs.

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