Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 29 janvier 2019 à 21h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Cet article est au coeur de l'existence même de cette loi, c'est pourquoi il faut y attacher beaucoup d'importance, tant sur le plan symbolique que sur le plan pratique.

L'importance symbolique vient d'être largement évoquée : le sujet de l'instruction obligatoire est un pilier de l'école républicaine, qui elle-même constitue un des fondements de la République ; ce n'est donc pas un petit sujet pour notre histoire.

Le fait de passer l'âge de trois ans est aussi emblématique d'une autre dimension de notre histoire, antérieure à la IIIe République, puisque la France est regardée comme le pays qui a inventé l'école maternelle à partir de 1848 – autre date emblématique de notre histoire. Depuis lors, on considère qu'il existe un certain avant-gardisme français en matière de maternelle, même si celui-ci s'est quelque peu émoussé : pour l'école maternelle du XXIe siècle, la France a peut-être à passer à une étape suivante…

C'est là que nous arrivons à des enjeux tout à la fois emblématiques et pratiques. Nous devons donner un nouveau contenu qualitatif à cette école maternelle ; je rappelle que l'engagement de l'enseignement obligatoire à trois ans a été pris par le Président de la République lors des Assises de l'école maternelle, qui ont été l'occasion de faire le point sur les connaissances scientifiques à l'échelle internationale dans le domaine de la scolarisation de la petite enfance.

Toutes les études convergent – c'est presque un consensus mondial – et montrent à quel point il est important d'entrer dans le langage dès cette période, et même dès la précédente. Pour cela, une politique générale doit être conduite, qui peut d'ailleurs être différente d'un pays à l'autre ; la réussite de la Finlande et de l'Estonie tient pour une bonne part à leur politique de la petite enfance, ainsi qu'à des caractéristiques sociales bien différentes des nôtres.

Tout cela ne nous exonère donc pas d'une réflexion sur les enfants de moins de trois ans, au moment même où un secrétaire d'État vient d'être nommé à la protection de l'enfance, mais nous invite, au contraire, à construire une vision complète de ce qui se passe avant six ans. C'est donc à mes yeux un progrès important, et je fais le pari que l'exemple de la France sera imité. Cette vision gagnera le monde entier, même si elle tranche avec celle des Romains, qui jugeaient que l'on ne devenait important et intéressant qu'après cet âge : nous sommes en train de découvrir qu'au contraire, c'est précisément entre la naissance et six ans que se passent des choses essentielles, qui ne peuvent être laissées au hasard. D'ailleurs, comme l'a dit Mme la rapporteure, c'est dans les milieux les plus défavorisés que se rencontrent le plus grand nombre d'enfants qui, faute d'avoir fréquenté l'école maternelle, souffrent de retards de langage sinon irrattrapables, en tout cas très dommageables pour la suite ; et cela peut se vérifier aussi bien dans le milieu rural profond qu'en banlieue ou outre-mer.

Cette question recouvre donc des enjeux assez considérables, sans oublier toute une série de conséquences pratiques, dont nous avons eu un exemple dans l'hémicycle aujourd'hui même puisqu'il a été question de médecine scolaire, donc de détection de problèmes de santé dont les enfants peuvent bénéficier le plus tôt possible dans le cadre de l'éducation obligatoire. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais qui ne peut que nous inciter à persévérer dans ce sens.

Voilà donc beaucoup de raisons d'aller dans cette direction ; nous aurons l'occasion d'en débattre, car c'est une mesure dont nous devons bien mesurer l'importance.

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