Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Ce changement de nom est significatif, au plein sens du terme. Je m'inscris en faux contre votre affirmation, monsieur Reiss, selon laquelle il n'y aurait « rien de nouveau sous le soleil » : nous n'avons pas fait tout cela pour nous contenter de changer un nom. Encore une fois, le changement de nom dit quelque chose. Nous observons en effet que les futurs professeurs des écoles ne disposent pas du même nombre d'heures pour apprendre à enseigner la lecture, l'écriture et le calcul selon l'ESPÉ où ils se trouvent. On estime qu'il faut une centaine d'heures pour apprendre à enseigner la lecture : c'est un sujet suprêmement important et subtil. Or j'ai lu dans un article qui se voulait pourtant critique à l'égard de la réforme que ce sujet ne fait parfois l'objet que de cinq à dix heures de stage.

J'assume donc le fait que nous prônons une formation reposant sur une matrice nationale qui garantit que tout ce que ne saurait ignorer un futur professeur est enseigné dans une ESPÉ, pour paraphraser Jules Ferry dans un contexte différent. C'est pourquoi ces instituts sont « nationaux », en écho au changement de nom de l'ESENESR, devenue Institut des hautes études de l'enseignement et de la formation (IHEEF) : ils doivent avoir un effet matriciel sur la formation des maîtres. Le terme « supérieur » renvoie évidemment à l'appartenance à l'université, qui est confirmée. En somme, le préfixe de cette nouvelle appellation est innovant tandis que le suffixe s'inscrit dans la continuité de cette structure. C'est le signe que nous voulons conserver ce qui est positif tout en changeant ce qui ne convient pas, notamment l'hétérogénéité et l'absence de garantie d'une qualité pourtant indispensable pour la suite. Pour assurer cette qualité, deux critères sont nécessaires : tout d'abord, puiser dans l'excellence scientifique, en donnant aux INSPÉ une sorte de droit de tirage pour s'appuyer sur les laboratoires de recherche et sur capacités d'enseignement des universités auxquelles ils sont rattachés dans telle ou telle matière. Deuxième critère : le pragmatisme, au moins un tiers des formateurs devant être des enseignants devant élèves qui sont partiellement déchargés mais qui sont en mesure d'actualiser constamment leur connaissance du terrain.

Ce sont des modifications très importantes qui s'accompagneront d'une réforme du pré-recrutement, grâce à laquelle les futurs professeurs toucheront un véritable salaire dès leur deuxième année d'université. C'est une mesure éminemment sociale qui permet en outre d'élargir le vivier des futurs professeurs.

Je le répète, ces modifications substantielles reposent sur deux piliers : l'excellence scientifique et le pragmatisme de la formation. Le ministère de l'éducation nationale assumera pleinement son rôle essentiel d'employeur à l'égard de ces institutions. Nul n'imagine que le ministère de la justice se distancie de l'école nationale de la magistrature ; de même, le ministère de l'éducation nationale ne saurait se distancier des instances qui lui fournissent le plus important – les professeurs, dont la formation est le facteur essentiel de réussite du système éducatif. Il nous faut sortir d'une situation qui produit de l'insatisfaction depuis des décennies. Ce sont les étudiants et les jeunes professeurs eux-mêmes qui formulent cette insatisfaction. Il ne s'agit naturellement pas de jeter le bébé avec l'eau du bain : il existe des points positifs dans les ESPÉ actuelles. Nous devons cependant être cohérents avec ce que nous sommes, c'est-à-dire un grand service public de l'éducation nationale réparti sur l'ensemble du territoire, qui recrute ses professeurs selon des critères qu'il est normal qu'il établisse s'il ne veut pas dépendre des circonstances et du hasard, afin de maîtriser ce qui fait sa qualité. Si nous n'allions pas dans cette direction, nous nous priverions d'agir sur le principal facteur d'amélioration du système scolaire.

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