Intervention de Clémentine Autain

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain, rapporteure :

Je vous remercie de ces différentes interventions. Vous m'avez beaucoup interrogée sur le financement de cette mesure et notre choix d'en faire un service public gratuit. Notre logique est parfaitement cohérente, même si elle s'oppose à une autre forme de cohérence.

Vous soulignez que notre dispositif n'est pas réaliste, mais ce n'est pas un argument ! Si nous décidons de rendre effectif le droit à un permis de conduire gratuit, il le deviendra. Mais le souhaitez-vous vraiment ? Comment permettre aux jeunes et aux moins jeunes d'avoir accès à un permis de conduire de qualité dans des conditions satisfaisantes ?

La seule alternative que vous nous opposez est celle des expériences menées par les collectivités locales. Mais vous le savez, les inégalités territoriales sont criantes et nous sautent au visage depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Souhaite-t-on laisser perdurer ces disparités ? Dans ma communauté d'agglomération, Terres de France, au nord de la Seine-Saint-Denis, un système de financement du permis de conduire moyennant des heures de bénévolat en faveur des associations avait été mis en place. Il a très bien fonctionné, mais la nouvelle majorité l'a remis en cause…

En conséquence, inscrire dans le marbre une ambition nationale permettra de rétablir l'égalité : chacune et chacun pourra prétendre à un permis gratuit. C'est un geste républicain fort, qui permettra de lutter contre les inégalités territoriales.

En outre, les collectivités subissent des contraintes financières liées au choix actuel d'une austérité budgétaire drastique. Elles n'ont donc pas toutes la possibilité d'imaginer et de mettre en oeuvre des dispositifs de soutien. En matière d'inégalité dans la répartition des crédits publics, la Seine-Saint-Denis est servie… Cela justifie parfaitement un service public national.

Quant à la gratuité, vous estimez que ce qui est gratuit n'a pas de valeur. Je suis en total désaccord : l'amour n'a-t-il pas de valeur ? Pourtant, il est gratuit ! La gratuité ne dévalue pas. Au contraire, elle permet un égal accès. Faut-il introduire un mécanisme de quotient familial ou des conditions de ressources, au motif que ceux qui ont déjà beaucoup d'argent vont aussi bénéficier de ce droit ? C'est un débat politique… Nous estimons que la redistribution des richesses s'opère par le salaire et l'impôt et que, parallèlement, les droits et les services publics gratuits doivent se développer. Nous sommes ainsi favorables à la gratuité des cantines, au développement de nouveaux services publics – comme celui du permis que nous vous proposons, mais également celui de la petite enfance. Il s'agit de faire progresser positivement la société.

Le financement n'est qu'un élément du débat : on peut toujours dire « ce n'est pas réaliste », « ce n'est pas possible », « il y a déjà trop de services publics » ou « les budgets sont contraints ». Dans ce cas, aucune discussion n'est possible.

On peut aussi pointer de nouveaux besoins et s'interroger sur un autre partage des richesses, afin d'apporter une réponse de qualité à ces nouveaux besoins. Pourquoi ne pourrait-on pas taxer les sociétés autoroutières ? Je vous rappelle que les dividendes sont des bénéfices non redistribués aux usagers des autoroutes, qui atterrissent dans la poche des actionnaires, c'est-à-dire de gens qui ne travaillent pas ! Ceux d'entre vous qui, dans cette commission, comme ailleurs à l'Assemblée nationale, brandissent la valeur travail, ne peuvent le nier… Ces prélèvements sont profondément injustes et ne sont qu'une des conséquences de la logique de privatisation.

Madame Dumas, vous craignez que la taxation des sociétés d'autoroutes ne se retourne contre les usagers, mais un encadrement des tarifs est tout à fait envisageable, comme dans d'autres secteurs. En outre, même si les concessions ont déjà été signées, le législateur peut parfaitement prévoir une nouvelle taxation. Soit, comme vous, on considère que les acteurs du marché sont libres et que l'on ne peut toucher aux bénéfices des entreprises, soit on estime que les péages sont un moyen d'extorquer de l'argent aux usagers et que cet argent doit servir au bien commun. Je suis d'accord avec vous, les deux logiques s'opposent ! Nous affirmons ici qu'il est tout à fait possible de trouver 1,6 ou 1,8 milliard d'euros afin que nos concitoyens souhaitant passer le permis B puissent le faire dans des conditions satisfaisantes et que les personnels des auto-écoles ne soient pas lésés. Il suffit que le législateur le décide. Je regrette que vous ne fassiez pas ce choix.

Pourrait-on le prévoir dans le cadre du SNU ? Pourquoi pas, mais pour l'instant, il n'est pas opérationnel et nous ne savons pas s'il garantira la gratuité.

Enfin, vous m'avez interpellée sur l'organisation concrète du dispositif : elle est simple. Les auto-écoles existent et fonctionnent déjà. Il suffit de les protéger et de leur permettre de se développer partout sur le territoire. Parallèlement, la multiplication du nombre d'inspecteurs permettra de réduire les délais d'examen, actuellement trop longs.

Mais il faudrait pour cela sortir de la règle d'or et de l'austérité budgétaire ; je constate que la majorité de cette commission n'y est pas prête pour le moment…

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