Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du lundi 18 février 2019 à 16h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous abordons la dernière ligne droite de ces textes dont, il faut le reconnaître, la lecture et la compréhension globale n'ont pas été facilitées par la durée de leur examen et par la manière dont ce dernier a été découpé. Pourtant, leurs axes forts n'ont pas dévié. Ils reposent toujours sur le même objectif d'une justice plus efficace et plus rapide, d'une justice de proximité et de qualité, d'un service public mieux connecté aux attentes des usagers. Le projet de loi ordinaire, vous l'avez rappelé, madame la ministre, propose une réforme ambitieuse.

Je dois admettre, à ce stade final, une certaine difficulté à comprendre l'attitude du Sénat qui s'est, ni plus ni moins, borné à reprendre son texte initial, sans aucune considération pour le travail de fond mené en première et en seconde lecture par l'Assemblée. Un peu comme si sa vision de la justice était figée et que le débat entre nos deux institutions ne pouvait porter de fruits. Même si, à n'en pas douter, de nombreux points de désaccord existent, notre fil conducteur a toujours été de trouver une voie médiane entre l'objectif de simplification et d'accès à la justice d'une part, et la nécessaire garantie des droits de l'autre.

C'est ainsi qu'analysant les critiques, nous avons admis de ne pas étendre le champ de la contrainte pénale. De la même façon, nous avons modifié les délais à partir desquels une victime peut déposer plainte avec constitution de partie civile, revenant à une période de trois mois, sauf demande expresse du parquet. Il ne s'agit donc, en aucune façon, de limiter les droits des victimes et de leurs conseils mais, tout au contraire, de leur faire bénéficier, lorsque c'est utile, d'une enquête plus complète et de permettre au juge d'instruction de disposer d'éléments de fait et de droit mieux étayés. Je note, sur ce point, qu'un des seuls amendements nouveaux du Sénat – peut-être même le seul – vise à donner ce pouvoir de prolongation au doyen des juges d'instruction, position étonnante puisqu'à ce stade seul le parquet est susceptible d'apprécier les besoins effectifs de l'enquête, avant mise en mouvement de l'action publique.

En définitive, nous sommes déterminés, n'en déplaise aux jeteurs de sorts, à faire évoluer notre système judiciaire, à lui permettre de mieux protéger les plus faibles, de répondre plus efficacement aux multiples enjeux nouveaux.

Notre société se transforme sous la pression numérique. Qu'on le veuille ou non, c'est une réalité. Nous voulons que la justice en prenne ce qu'elle a de meilleur et qu'elle en écarte évidemment ce qu'elle a de pire – or nous sommes malheureusement mal placés, en ce moment, pour le voir – , qu'elle assure, elle aussi, son virage numérique, qu'elle s'y appuie pour simplifier ses modes de fonctionnement, ses procédures. C'est un enjeu fondamental auquel les professions du droit se sont attelées depuis longtemps. Cette distance technique et opérationnelle doit être résorbée. Elle le sera grâce aux moyens tout à fait exceptionnels qui sont consentis et grâce à notre engagement politique. Elle bénéficiera dans le même temps du plan de couverture numérique décidé par le Gouvernement pour que l'accès au juge ne soit pas inégalitaire ou fragilisé par une fracture territoriale encore trop marquée.

Nous voulons aussi une justice qui, enfin, ne fasse plus de la prison l'alpha et l'oméga de la réponse pénale, qui continue d'individualiser les peines tout en assurant leur effectivité, qui prenne pleinement en considération les autres réponses pénales, elles-mêmes rénovées par ce texte.

Nous voulons encore une justice qui protège face à une menace terroriste toujours aussi présente, face au crime organisé, mais aussi face à une délinquance du quotidien qui détruit le lien social et qui sape la confiance dans nos institutions. C'est tout le sens, à un bout du spectre, de la création du parquet national antiterroriste, et, à l'autre bout, du renforcement de l'amende forfaitaire.

Nous voulons une justice qui place les victimes au premier rang de ses préoccupations, qui les connecte plus facilement aux enquêteurs, qui permette, notamment grâce à la plainte en ligne, de mieux débusquer les atteintes aux personnes – y compris en cas d'injures – , qui donne à ces dernières les moyens d'agir, de se défendre efficacement, et d'obtenir une réparation pour les petites atteintes comme pour les plus graves – je pense à la création du JIVAT.

Nous voulons également que la justice pénale des mineurs, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle est arrivée à un degré de saturation en dépit des efforts incroyables des professionnels, puisse bénéficier de ce vent de renouvellement. Sur ce sujet, il faut que l'on arrête de faire semblant de croire à une déroute des pouvoirs du Parlement, car c'est tout l'inverse qui vous est proposé par l'habilitation à prendre des ordonnances. Celles-ci seront travaillées entre l'Exécutif et le Parlement, avec les professionnels. Ainsi, mercredi prochain, la commission des lois examinera les conclusions de l'excellent rapport d'information sur la justice des mineurs, présenté par M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier. En outre, les ordonnances ne seront pas mises en application tant que nous ne l'aurons pas décidé par la loi de ratification.

Je ne désespère pas que les contempteurs de ce projet abandonnent leurs interprétations hâtives, leurs approximations, et qu'ils reconnaissent les avancées opérées qui maintiennent l'équilibre entre protection des droits et efficacité de notre justice. Il nous est donc donné aujourd'hui d'engager notre justice dans la modernité sous tous ces aspects, tout en veillant à la garantie des droits de tous les justiciables.

Pour conclure, je veux remercier Mme la ministre et ses services pour l'excellente qualité de nos rapports et la manière extrêmement constructive dont nous avons pu, ensemble, travailler sur ce texte.

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