Intervention de Jean Terlier

Séance en hémicycle du lundi 18 février 2019 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier :

À l'aune de ce dernier acte de la discussion du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice, après deux lectures par chacune des deux chambres, nous devons constater que les débats ne sont pas clos. Mais, en réalité, le seront-ils un jour ? Notre justice a besoin de moyens, mais aussi d'une profonde transformation, et nous devons également revoir notre façon de faire la loi. Ce texte en est l'exemple désolant.

Depuis bientôt un an, de motion de rejet en motion de renvoi en commission, pour chacune des lectures, d'amendements déposés, discutés, rejetés puis déposés à nouveau en discussions hachées par des interruptions réglementaires, les conditions de nos travaux parlementaires ont été viciées.

Certains nous reprochent encore de vouloir rationaliser et déjudiciariser sous couvert d'instaurer une politique d'austérité. Non, nous vous le répétons, avec ce projet de loi nous poursuivons des objectifs bien moins anxiogènes que ceux que vous voulez nous prêter. Cette fois encore, avec plus de 170 amendements, et quatre motions, vous continuez à alimenter les inquiétudes des acteurs de la justice nonobstant toutes les garanties inscrites dans le projet et les engagements forts pris par Mme la garde des sceaux devant cette assemblée.

Mais, puisque vous entendez sans écouter, puisque l'épouvantail que vous agitez pour exacerber les tensions est celui d'un plan caché de suppression de juridictions, nous vous réexpliquons une fois encore que ce projet ne définit pas les contours d'une nouvelle carte judiciaire.

Le projet fusionne administrativement les tribunaux d'instance avec les tribunaux de grande instance, qui deviennent les tribunaux judiciaires, afin que les justiciables aient une porte d'entrée unique. Le projet de loi ne ferme pas des tribunaux. Au contraire, il met en place un juge de proximité et offre la garantie à chaque justiciable de pouvoir saisir un juge du litige de son quotidien. La spécialisation ne sera pas plus une amorce à la disparition de nos juges. Le projet de loi ne retire aucune compétence au tribunal judiciaire, les spécialisations départementales seront réalisées par les chefs de cour d'appel après consultation des conseils de juridiction. En responsabilité donc, cessons de nous faire peur.

C'est bien parce que moyens et transformation sont l'alpha et l'oméga d'une justice qui fonctionne mieux, que ce projet ne se contente pas d'être seulement un texte de programmation. Il prévoit de nouvelles dispositions dans tous les domaines : le budget, les moyens, les procédures, l'organisation, mais aussi la dématérialisation, l'échelle des peines et encore la prison.

Cette réforme prend également ses responsabilités au regard des besoins de rapidité et de simplicité réclamés par nos concitoyens tout en garantissant les droits des justiciables et en leur assurant un accès facilité. En développant le recours au règlement amiable, en particulier la révision des procédures de divorce, la réforme choisit de prioriser le consensus avant le procès.

Surtout, cette réforme rend aux justiciables l'accès à la justice. La réforme n'esseule pas le citoyen. Au contraire, elle offre à la justice et à ses acteurs les moyens de s'adapter aux besoins de la société qu'elle doit protéger. Grâce à la plainte en ligne, en plus des moyens traditionnels, la réforme offre un nouveau recours plus intimiste et confidentiel à toutes ces victimes, qui hésitent encore à franchir le difficile premier pas de la révélation des faits.

Le projet de loi inscrit encore toutes les garanties de respect et de protection des libertés individuelles pour que cesse le fantasme, avancé jusque dans cet hémicycle, d'une justice déjudiciarisée et non humaine où tout serait traité par algorithmes : assurance de guichets d'accueil dans chaque lieu de justice, garantie du maintien des recours par les voies traditionnelles, intervention du magistrat en cas d'échec de la tentative de règlement amiable, compétence du juge dans les dossiers les plus complexes de révision de pension alimentaire.

Avec cette réforme, n'en déplaise à certains, la justice continuera d'être rendue demain par des magistrats. La réforme permet qu'elle le soit plus simplement, plus rapidement et plus clairement, et garantit justement à chaque justiciable l'accès au juge.

Au plan pénal enfin, cette réforme, ne fait pas de concession à la fermeté face à la délinquance ou à la criminalité. Elle insère la réinsertion et la prévention de la récidive au coeur de la sanction, ouvrant ainsi un champ pertinent de solutions alternatives dans le cas de peines courtes où la prison est souvent contre-productive. L'expérimentation de la cour criminelle est une réponse pragmatique au problème du délai de reconnaissance et de réparation pour les victimes, ou encore à l'engorgement des cours d'assises. Une cour criminelle pour juger les crimes comme des crimes permettra d'infléchir la pratique de correctionnalisation qui peut s'apparenter parfois à un véritable déni de justice.

Tout au long de ces débats, le Parlement a concouru à enrichir en responsabilité ce projet de loi qui tient son engagement, avec trois objectifs essentiels : efficacité, accessibilité et sécurité.

Madame la garde des sceaux, au nom du groupe La République en marche, je tenais à saluer une nouvelle et, je l'espère, une dernière fois, la ténacité, le calme et le professionnalisme avec lesquels vous avez porté ce projet de loi si fondamental pour notre justice du XXIe siècle.

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