Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du mardi 12 février 2019 à 16h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur :

Effectivement, monsieur le député Vincent Bru, cinq lieux de culte ont été fermés, mais cela ne représente pas la totalité des cas : des fermetures peuvent être décidées sur d'autres fondements que la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, par exemple en raison d'infractions aux règles de sécurité d'un établissement recevant du public (ERP). Mais les lieux de culte radicalisés font tous l'objet d'un suivi attentif. Par ailleurs, il faut bien distinguer la fermeture du lieu de culte et la dissolution de l'association, qui peut également être mise en oeuvre, mais ce n'est pas automatique. La dissolution de la structure gestionnaire du lieu de culte ou du groupement de fait peut être demandée lorsque les conditions sont réunies, notamment lorsque la provocation à la commission d'actes terroristes ou à la discrimination peut lui être reprochée. Certaines procédures sont en cours, dont nous pouvons difficilement vous parler ici. Ainsi, à Marseille, une procédure de dissolution a bien été lancée dans la foulée de la fermeture.

Effectivement, monsieur Sacha Houlié, nous prenons des MICAS à l'encontre d'individus sortant de prisons. Elles sont un outil de suivi parmi d'autres – ce n'est pas le seul. Compte tenu du nombre de personnes appelées à sortir de prison, nous pouvons penser que ce dispositif restera nécessaire au-delà du 31 décembre 2020. C'est en tout cas un outil utile. Bien évidemment, la demande de MICAS adressée au ministère doit être motivée par un degré de radicalisation constaté, notamment en prison, grâce au concours du service du renseignement pénitentiaire. Ce n'est pas parce qu'un détenu a été condamné pour des faits de terrorisme et qu'il sort de prison qu'on peut le soumettre à une MICAS ; il faut établir des éléments de dangerosité. Quant à l'orientation de l'action des services de renseignement, sachez, monsieur le député, que si ceux-ci se sont certes mobilisés pour la lutte antiterroriste, ils n'ont jamais pour autant délaissé la question des subversions violentes, qui les amène à suivre un certain nombre de mouvances « ultra ».

La question du gel des avoirs, évoquée par M. le député Didier Paris, est un petit peu plus compliquée : c'est une autre procédure. Une telle décision peut être prise par arrêté du ministre de l'Intérieur et du ministre de l'économie et des finances, mais il peut aussi n'y avoir qu'un arrêté du seul ministre de l'économie et des finances lorsqu'il s'agit de sanctions de l'Organisation des Nations unies (ONU) ou de l'Union européenne. Le chiffre donné dans le rapport est tout à fait exceptionnel. Le Président de la République trouvait que nous n'utilisions pas suffisamment cet outil du gel des avoirs. Nous avons donc demandé aux services d'y recourir et nous sommes passés de quelques mesures isolées à 200. Je ne peux vous dire à quelles thématiques elles étaient liées, mais il ne s'agissait pas forcément du terrorisme djihadiste. Je peux en revanche vous préciser que nous les renouvelons chaque fois que nous le pouvons, chaque fois que nous avons des éléments nouveaux. Dans la plupart des cas, effectivement, elles sont renouvelées – généralement, ce sont des blocages de comptes bancaires et d'avoirs. Lorsque la mesure tombe, le titulaire retrouve la libre disposition du compte, mais nous faisons tout pour les renouveler, et nous demandons aux services de nous fournir des éléments pour le faire. Nous avons pris 200 mesures, et, puisque nous avons la possibilité d'en prendre au niveau européen, nous essayons de le faire – ainsi qu'au niveau de l'ONU.

Pour ce qui est du débat contradictoire, comme l'a fort justement dit M. le ministre de l'Intérieur en répondant à M. Bernalicis, il y a des choses que les services de renseignement ne peuvent pas dire : cela peut effectivement poser des difficultés lorsqu'il s'agit de demander une mesure, quelle qu'elle soit – fermeture de lieu de culte, MICAS, visite domiciliaire. C'est dans ce genre de cas que la « note blanche », qui ne donne pas la source de l'information, a toute son importance. Elle permet de ne pas révéler la source de l'information, afin de ne pas compromettre un pays étranger, ou encore dévoiler une technique particulière employée. Bien évidemment, la personne concernée ne doit pas être mise au courant du fait qu'elle est l'objet d'une telle surveillance ; si elle l'était, ce serait catastrophique. Nous utilisons donc effectivement la note blanche, qui a un statut jurisprudentiel : le Conseil d'État considère qu'elle fait foi tant qu'elle n'est pas contestée. Je ne crois cependant pas que la Cour de cassation se soit déjà prononcée sur la valeur d'une note blanche lorsque le juge des libertés et de la détention prend une ordonnance, mais nous en produisons dans ces cas. Oui, révéler dans le cadre d'une procédure contradictoire une procédure de renseignement, quelle qu'elle soit, une information, d'où qu'elle vienne, peut poser problème, mais les services de renseignement parviennent quand même à se plier à une procédure contradictoire tout à fait légitime. Il nous faut trouver un équilibre entre le respect des libertés individuelles, la sûreté et la sécurité.

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