Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

S'il est une chose pour laquelle j'éprouve une certaine fascination, c'est cette attitude de tous ceux de mes collègues qui nous expliquent que l'alpha et l'oméga de la démocratie c'est la souveraineté populaire, la souveraineté du peuple, mais… quand même pas trop ! Pas trop parce qu'il y a la représentation nationale, parce qu'il y a d'autres choses, parce qu'une légitimité s'exprime en d'autres endroits. Il faudrait donc éviter que cette souveraineté populaire s'exprime trop souvent, d'autant qu'elle serait soumise – nous venons de l'entendre – à une forme d'électoralisme et à des tentations néfastes comme celles du rétablissement de la peine de mort.

Une expérience intéressante a cependant été menée aux États-Unis, précisément sur la peine de mort. Des partisans de la peine capitale ont été réunis dans une même pièce pour débattre, rencontrer des experts, etc. À la fin, ils ont voté, et la majorité de ces citoyennes et citoyens américains avaient changé d'avis ! Je ne dis pas qu'il faudrait soumettre la peine de mort au vote. Les traités internationaux l'empêchent d'ailleurs, et c'est tant mieux, mais c'est bien le débat qui permet de forger une opinion collective et d'éviter un effet « cocotte-minute », d'éviter que l'on bafoue la volonté du peuple et l'intérêt général, pour finir par des crises politiques majeures. Finalement, la Ve République n'arrive plus à produire une représentation qui satisfasse les intérêts du peuple et le peuple lui-même.

J'entends que nous nous livrerions à une récupération politique et que ce serait une proposition d'opportunité. Sans vouloir faire comme les députés de La République en Marche… je pourrais vous dire que cela figurait dans le programme de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle de 2017, et même à celle de 2012 ! Il reprenait d'ailleurs une idée ancienne – on parlait alors de « référendum d'initiative populaire ». Ne nous accusez donc pas de proposer un texte rédigé sur un coin de table. Comme si votre proposition de loi anticasseurs, elle, n'était évidemment pas un texte opportuniste ?

Vous dites que, puisque notre texte s'inscrit dans l'écosystème de la Ve République, il y a des incohérences. C'est vrai, vous avez raison. Et c'est pourquoi nous proposons de passer à une VIe République. Oui, nous pensons que le référendum d'initiative citoyenne, qu'il vise à la proposition, à l'abrogation, à la révocation ou au changement de la Constitution, doit s'inscrire dans une nouvelle règle du jeu politique et démocratique afin de redonner beaucoup plus de pouvoir et de moyens d'intervenir au peuple, soit directement, soit par ses représentants. Cela passe aussi par un renforcement des pouvoirs du Parlement puisque notre objectif politique est aussi de sortir de cette monarchie présidentielle, de cette monarchie tout court.

Cher collègue Houlié, vous prétendez que nous voulons un dispositif plébiscitaire, comme s'il n'y avait que le référendum d'initiative citoyenne et le chef de l'État. Je vous arrête tout de suite : vous confondez – sans doute n'avez-vous pas suffisamment travaillé – avec le programme du Front national ! Voyez les amendements : nos collègues d'extrême droite ne sont pas favorables à la révocation des élus en cours de mandat, à une assemblée constituante, à un changement de la règle du jeu. Oui, eux veulent un chef de l'État surpuissant et un référendum plébiscitaire de temps en temps. Ce qui est fou, c'est que vous-même ne voulez qu'un chef de l'État surpuissant, et pas de référendum. Sur l'échelle du pire, vous n'avez donc de leçons à donner à personne !

Et, non, il n'y a pas de confusion entre souveraineté nationale et souveraineté populaire parce que précisément, dans notre pays, nous avons cette chance : c'est la même chose. La nation fonde le peuple et le peuple fonde la nation. C'est cela qui fait la force de ce beau pays qu'est la France, grâce à notre Révolution française de 1789. Tout cela est une excellente chose.

Nous pourrions évidemment discuter des seuils et du mode opératoire. Je remercie notre collègue Balanant d'avoir mis ces sujets sur la table. Faut-il un débat d'une certaine durée avant référendum ? Faut-il qu'un seul référendum se tienne à la fois ou peut-on poser plusieurs questions en même temps ? Faut-il n'envisager que des questions auxquelles il soit répondu par « oui » ou par « non » ou peut-on imaginer des votes préférentiels ? Si nous voulons être inventifs et ingénieux, inventer la démocratie de demain, comme le proposait notre collègue Zumkeller, ce sont là les questions fondamentales dont nous devrions pouvoir nous saisir. Malheureusement, cela ne figurera pas dans la réforme constitutionnelle soutenue par le groupe majoritaire, qui s'oppose d'ailleurs radicalement au référendum d'initiative citoyenne ; les Gilets jaunes l'auront entendu.

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