Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 17h15
Commission des affaires économiques

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Pour commencer, je vais répondre à Mme Petel, à M. Sempastous qui est absolument d'accord avec elle, et à M. Potier qui la soutient. Je voudrais tout d'abord vous remercier pour l'excellent travail que vous avez fait dans le cadre de cette mission. Je sais que cela n'a pas été simple, que cette mission représente un travail immense. Pour ma compréhension et mon petit cerveau, il aurait été préférable qu'il n'y ait qu'un rapport final. Le Parlement fait absolument ce qu'il veut et il y a eu aussi un rapport bis.

Madame Petel, je suis entièrement d'accord avec vous sur le portage du foncier, la transmission, l'installation, le rôle des collectivités locales dans le portage non spéculatif. Il faut travailler sur toutes ces idées. J'ai reçu récemment le président et l'équipe de la fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSAFER) car je n'avais pas pu, pour des raisons d'agenda, aller à son congrès. Toutes les mesures sur le foncier, adoptées dans le cadre de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, ne sont pas encore totalement en place. Il faut donc continuer à les développer.

Je vais rencontrer M. Potier dans les semaines à venir pour entendre ce qu'il a à me dire. À partir de votre rapport, nous serons amenés à faire, comme je l'ai dit dans une conférence de presse récemment, une grande loi, une moyenne loi, une petite loi ou pas de loi du tout. Tout dépendra de ce que le Parlement pourra nous proposer. Pour ma part, je ne vais pas m'engager dans un combat tripartite entre l'exécutif, un Parlement divisé et les SAFER. Je sais très bien que l'on ne peut pas toujours avoir un consensus, mais on ne peut avancer que si tout le monde tire dans la même direction. On ne peut pas avancer si chacun essaie de tirer la couverture à lui. Je vous engage à continuer à avancer dans cette direction. Je ne suis absolument pas défavorable à ce qu'il y ait un texte de loi. J'ai dit au président et à la rapporteure de la mission d'information ainsi qu'au président de la FNSAFER qu'on se laissait encore quelques mois. La FNSAFER pourrait peut-être continuer à travailler avec vous. Avant l'été ou à la rentrée de septembre, je serai amené à dire un certain nombre de choses sur ce sujet.

Monsieur Delatte, merci pour la gentillesse de vos mots, mais vous avez un peu déformé mes propos. Comme j'y étais, je sais ce que j'ai dit en Côte-d'Or : je n'ai pas promis de changer les contours de la carte des zones défavorisées, je me suis engagé à regarder si c'était possible de le faire. La nuance est importante, Monsieur le député. J'en ai discuté avec M. Jean-Luc Delpeuch, le président de la communauté de communes du Clunisois. Ma collaboratrice s'est entretenue avec lui à plusieurs reprises et j'ai rencontré absolument tout le monde.

Cette carte des zones défavorisées est sûrement perfectible comme tous les choix qui sont faits. Cela étant, je peux vous dire que le solde est très positif pour l'agriculture française : 6 000 communes ont été intégrées dans la carte, tandis que 1 400 communes en sortaient. Si le mouvement est très positif pour l'agriculture française dans son ensemble, il l'est beaucoup moins pour les 1 400 communes qui sortent de la carte. J'ai donc réfléchi, effectué un gros travail avec l'administration pour prendre une décision politique. Au passage, je tiens à redire ici que c'est le politique qui prend les décisions et non pas l'administration. En fait, il ne m'a pas été possible de bouger quoi que ce soit pour des raisons juridiques : d'une part, parce que l'Europe avait tranché, et, d'autre part, pour des raisons très précises de similitude de traitement par rapport à d'autres territoires. Je pensais qu'il y avait une spécificité clunisoise mais, en fait, d'autres territoires se trouvent dans le même cas. Excusez-moi d'entrer dans des explications un peu techniques mais rappelons que l'on n'a pas le droit de bouger plus de 10 % de la surface nationale concernée.

À partir de là, je précise deux choses. L'aide n'est pas brutalement supprimée puisqu'elle passe à 80 % la première année puis à 40 % la deuxième année. Dans le secteur de la Côte-d'Or et du Clunisois, je me suis engagé à faire en sorte que l'on accorde beaucoup de MAEC dans ces zones pour compenser ce qu'elles perdront, dans le cadre d'une négociation. J'ai conscience de la situation. Si j'avais pu faire autrement, figurez-vous que je l'aurais fait parce que c'est toujours mieux, pour un ministre comme pour un député, de dire oui plutôt que non. Il y a des moments où les choses ne peuvent pas être faites différemment. Il y a des gens qui sont déçus mais il y en a d'autres qui sont très contents.

Madame Bareigts, l'ordonnance sur les prix abusivement bas va être prise dans les semaines qui viennent. Ce que vous décrivez est absolument scandaleux. C'est pour remédier aux situations que vous évoquez que cette ordonnance a été prise. Je veux d'abord vous remercier tous. Ceux qui, comme M. Pajot ou d'autres, n'avaient pas voté la loi EGALIM parce qu'ils ne la trouvaient pas bonne, réclament maintenant son application rapide pour réguler les relations commerciales. J'en suis d'autant plus ravi que ce n'est pas moi qui l'ai faite. Merci encore à tous les groupes de l'Assemblée nationale d'insister pour que la loi EGALIM soit appliquée le plus vite possible. Je suis sûr que vous la soutiendrez tous. Le kilo de cuisses de poulet à 1,58 euro, c'est exactement ce qui ne peut plus durer. C'est impossible car des prix pareils signifient que l'on étrangle le producteur ou que l'on importe des marchandises que l'on pourrait produire nous-mêmes.

Vous avez raison de dire que la baisse de l'utilisation des produits phytosanitaires n'est pas assez rapide mais la recherche se poursuit et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) fait son travail. Tout n'a pas démarré il y a dix-huit mois non plus ! Il y a des choses qui avancent. Le ministère investit vraiment dans la recherche ultramarine grâce aux réseaux d'innovation et de transfert agricole (RITA). Vous les connaissez d'ailleurs bien mieux que moi. Nous faisons collaborer le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l'Association de coordination technique agricole (ACTA), les chambres d'agriculture et les instituts techniques sur les problèmes spécifiques des départements d'outre-mer et de l'agriculture tropicale. Soyez assurée, Madame la députée, que je ne considère pas qu'il y a l'agriculture d'un côté et les outre-mer de l'autre. Je connais trop les difficultés que vous rencontrez et nous allons essayer d'aller jusqu'au bout dans ce domaine.

Monsieur Huppé, je vous remercie. Vous allez encore me faire avoir des ennuis… En tout cas, je veux redire ici les choses très clairement puisque je m'exprime devant la commission des affaires économiques et non pas devant des journalistes, qui dénaturent les propos. Nous sommes tous favorables à la lutte contre l'alcoolisme et les addictions. Je n'ai aucun état d'âme. Je n'irai jamais faire boire des jeunes. Ce n'est pas ça le sujet. Je dis simplement que, dans notre histoire culturelle, patrimoniale et agricole, la viticulture et ce qui en découle, c'est-à-dire le vin, occupent une place un peu à part. Je n'oublie pas que le repas gastronomique est inscrit au patrimoine immatériel mondial de l'UNESCO. Telle est la réalité. Merci pour vos mots. Je ne veux absolument choquer personne ni faire boire qui que ce soit. Il faut lutter contre l'alcoolisme et les addictions mais il y a des réalités. Moi je suis là pour soutenir la viticulture.

Vous parliez, Monsieur le député, de l'installation, un sujet évoqué par plusieurs d'entre vous. Nous avons un problème en France : l'âge du capitaine. Dans les dix ans qui viennent, le nombre de départs d'exploitants agricoles va être supérieur à celui des arrivées. La priorité des priorités, c'est la formation. J'ai besoin de vous. Dans vos départements, lorsque vous allez aux forums sur les métiers et l'orientation, n'oubliez pas de parler des maisons familiales rurales (MFR) et des lycées d'enseignement technique privés et publics agricoles. Dites qu'ils sont là et qu'ils doivent faire partie des premiers choix ! M. Jean-Michel Blanquer et moi-même, nous voulons intéresser les jeunes à ces formations car il n'y a pas de chômage dans l'agriculture. Ce serait bien que l'on puisse les inciter à se former dans ces établissements pour qu'ils trouvent du travail à la sortie. Pour que des jeunes s'installent, il faut qu'on leur apprenne les nouveaux métiers de l'agroécologie, de la recherche et de l'agronomie, qui avait peut-être été un peu oubliée. L'installation des jeunes est absolument primordiale. Nous allons y travailler en espérant que de nombreux jeunes s'inscriront dans des établissements agricoles.

Monsieur Potterie, vous évoquiez les négociations commerciales et le problème du rapport de force entre producteurs, industriels et distributeurs. Vous avez raison, Monsieur le député, il y a des signes encourageants. Ce n'est pas gagné, mais il y a des signes encourageants. Je ne peux pas en dire plus. Les choses avancent petit à petit. Si l'on arrive à des négociations commerciales qui se passent bien, on le devra à ceux qui ont fait les États généraux de l'alimentation et qui ont voté la loi EGALIM.

Monsieur Pajot, le compte n'y est pas pour les agriculteurs, dites-vous. Je suis l'agriculture en tant qu'homme politique depuis vingt-six ans, mon père était éleveur. Le compte n'y est pas depuis très longtemps. Comme vous êtes très jeune, vous n'avez pas connu Fernand Raynaud qui, dans les années 1960, disait « ça eut payé mais ça ne paie plus » en parlant de l'agriculture. C'est bien une réalité. Mais si nous devions sortir de l'Europe – comme vous le prônez, il me semble –, les agriculteurs français y perdraient 9,7 milliards d'euros.

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