Intervention de Ludovic Pajot

Séance en hémicycle du mardi 19 février 2019 à 21h30
Citoyen sauveteur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Pajot :

La solidarité entre les hommes fait la cohésion de notre société. À l'heure où se diffuse un peu partout le besoin de recréer du lien social, cette proposition de loi, qui compte parmi ses objectifs celui de sensibiliser aux gestes qui sauvent en présence d'un arrêt cardiaque, peut être accueillie positivement. La problématique de l'arrêt cardiaque est en effet un véritable sujet de santé publique.

À l'origine de près de 50 000 décès par an, l'arrêt cardiaque, qu'il résulte d'une pathologie préexistante comme un cancer ou une maladie cardio-vasculaire, ou qu'il soit inopiné, doit faire l'objet de toute l'attention des politiques de santé publique. Il ne s'agit pas d'un problème abstrait, et nous y avons tous été confrontés, de près ou de loin.

L'arrêt soudain des battements du coeur, la perte de connaissance suivie d'un arrêt de la respiration est à l'origine de nombreux drames auxquels notre pays n'est pas encore suffisamment préparé. Le taux de survie des victimes d'arrêt cardiaque inopiné n'est, en France, que de 3 à 4 %, contre 20 à 40 % dans les pays scandinaves et anglo-saxons. Cette différence illustre à elle seule tout le travail qui reste à accomplir pour mieux accompagner les victimes.

Dans ce domaine comme dans bien d'autres, hélas ! il existe une forme de discrimination entre les territoires ruraux et les zones urbaines : les secours mettent en moyenne treize minutes pour intervenir en ville, mais bien plus dans les zones rurales.

Par ailleurs, comme le souligne l'Académie nationale de médecine, il est fondamental d'accorder une plus grande attention à la phase initiale de prise en charge de l'arrêt cardiaque, car, traité à trente jours, le taux de survie n'est que de 5 %, alors qu'il peut atteindre plus de 10 % après une réanimation cardiaque immédiate.

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM – et le SAMU ont pointé de nombreuses disparités entre les départements, qui font varier le taux de survie de 1 à 40 %. Il n'est pas acceptable que nos compatriotes vivant dans certains départements aient une chance de survie bien plus faible que d'autres ailleurs sur notre territoire. L'égalité d'accès au service public de la santé doit enfin devenir une réalité, et ne pas rester un bel objectif inatteignable. À cet égard, la fermeture, il y a quelques mois, du service de cardiologie de l'hôpital de Béthune Beuvry, dans mon département, est un signe bien inquiétant.

S'il est un domaine dans lequel tous les efforts doivent porter sur la formation, c'est bien celui dont nous parlons. Près de 30 % des Françaises et des Français sont actuellement formés aux gestes qui sauvent. C'est un bon début, mais ce n'est visiblement pas suffisant pour appréhender la survenue d'un arrêt cardiaque. Cette formation, pour être réellement efficace, doit être dispensée le plus tôt possible, en commençant par la sensibilisation réelle de tous les élèves à la prévention des risques et aux missions des services de secours, ainsi que l'apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours.

Une attention plus grande doit également être portée aux outils permettant d'accélérer la prise en charge des victimes. À cet effet, l'obligation pour certains établissements recevant du public – ERP – d'être équipés d'un défibrillateur automatisé externe, ainsi que le développement de plusieurs applications numériques permettant la géolocalisation des personnes en mesure d'effectuer les gestes qui sauvent, vont dans le bon sens.

La lutte contre les arrêts cardiaques inopinés, eu égard au nombre de victimes annuelles, mérite d'être menée plus efficacement. Elle peut aussi passer par une meilleure protection juridique des intervenants grâce à un statut de citoyen sauveteur, et par une sensibilisation plus large du public aux gestes qui sauvent. Il est sain de trouver parmi nous, toutes tendances partisanes confondues, un consensus sur cet objectif.

Instaurer une journée nationale de lutte contre l'arrêt cardiaque peut avoir du sens, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une opération gadget non suivie d'effets concrets.

Pour atteindre ces objectifs, fallait-il une nouvelle loi ? La question mérite d'être posée à l'heure où notre pays souffre d'inflation législative. Il n'en demeure pas moins, qu'au nom de la sauvegarde des vies, qui doit être notre objectif commun, nous voterons cette proposition de loi.

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