Intervention de Didier Guillaume

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Présentation

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

L'alimentation, c'est la vie. Nous mangeons avec plaisir des légumes, des fruits, du poisson, du lait, des oeufs, de la viande, quand nous le souhaitons et quel que soit le jour de la semaine. Mais un repas, c'est aussi avec qui nous mangeons ; c'est du plaisir partagé, de la convivialité, des souvenirs – des « madeleines », disait un grand écrivain français.

Nos goûts alimentaires disent tellement de notre histoire, de notre histoire collective comme de notre histoire personnelle ! On ne mange pas en France comme on mange en Allemagne, en Italie, en Corée ou au Brésil. Le repas gastronomique français est inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO. La gastronomie participe du patrimoine et de la culture d'un pays – comme, d'ailleurs, ce que nous buvons : cela me paraît une évidence. Et c'est vrai particulièrement chez nous, en France.

C'est tout cela que nos concitoyens ont en tête quand on parle d'« alimentation ». Pour parler comme dans les foyers, le repas gastronomique inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO, c'est la « bouffe » qu'on partage entre « potes ».

Malheureusement, désormais, on parle aussi de « malbouffe ». À toutes les dimensions que je viens d'évoquer s'en ajoute une nouvelle, qui prend une place considérable dans nos comportements comme dans le débat public : celle de la santé. C'est ce dont veut traiter la proposition de loi présentée par M. Prud'homme et son groupe.

La dimension de santé publique est cruciale, qu'il s'agisse de la nutrition pour lutter contre l'obésité, du développement de certaines maladies comme les maladies cardiovasculaires, ou parce que l'on veut se protéger des effets néfastes de certains produits. Chacun exige – et il a raison de le faire – une alimentation sûre et une véritable traçabilité ; en d'autres termes, une alimentation saine, sûre et durable.

Je veux à ce titre saluer la qualité exceptionnelle de la sécurité sanitaire française. Lors de la récente entrée frauduleuse de viande polonaise dans notre pays, en moins de soixante-douze heures, les services de sécurité sanitaire ont tracé et retrouvé la viande en question. Nous pouvons être fiers de notre système administratif.

C'est conscient des préoccupations sanitaires croissantes en matière d'alimentation que le Gouvernement a mis ce thème sur la table des états généraux de l'alimentation. Vous avez, mesdames et messieurs les députés, discuté longuement du titre II du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dit projet de loi EGALIM, qui a résulté de ces états généraux. Des mesures importantes ont pu être prises grâce à vous, mais nous savons bien que nous avons encore beaucoup d'efforts à faire avant d'atteindre l'excellence alimentaire. Les entreprises agroalimentaires ont évidemment un rôle central à jouer dans l'amélioration de la qualité nutritionnelle de ce que nous mangeons. La population attend beaucoup d'elles, et je crois qu'elles le savent.

La proposition de loi discutée ce jour vise à mieux protéger la population des dangers de la « malbouffe ». Tout le monde comprend en gros de quoi il s'agit, mais celle-ci reste à définir.

Le texte comprend quatre articles. Le premier relève du ministère de l'économie et des finances et vise à réduire le nombre d'additifs autorisés à compter du 1er janvier 2020.

Le deuxième relève du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, en liaison avec le ministère de la santé et des solidarités, et vise à imposer des teneurs en sel, sucres, acides gras saturés.

Le troisième relève du ministère de la culture et tend à interdire toute publicité sur des produits alimentaires ou boissons principalement destinée aux enfants ou adolescents.

Le quatrième relève du ministère de l'éducation nationale et vise à rendre obligatoire l'éducation à la nutrition et à l'alimentation, à raison d'une heure par semaine, de l'école primaire jusqu'à la fin du collège.

Sur les cinquante-deux amendements déposés, vingt concernent le ministère de la santé et des solidarités, treize celui de l'éducation nationale, dix celui de la culture, quatre celui de l'économie et des finances et seulement cinq celui de l'agriculture et de l'alimentation, que j'ai l'honneur de représenter. Toutefois, à la demande de mes collègues, je donnerai l'avis du Gouvernement sur tous.

Les thématiques abordées par la proposition de loi l'ont déjà été largement par les états généraux de l'alimentation et lors de la discussion du projet de loi EGALIM, il y a quelques mois. Il s'agit de la nécessité d'améliorer l'offre alimentaire, grâce à l'encadrement des teneurs en additifs, sels, sucres, acides gras – je salue le travail remarquable de Mme Crouzet en la matière – , de la réduction du marketing alimentaire valorisant des produits considérés comme néfastes pour la santé et ciblant particulièrement les jeunes et du renforcement de l'éducation alimentaire, en vue de sensibiliser les jeunes publics à l'importance d'une alimentation équilibrée.

La loi EGALIM prévoit déjà des mesures relatives à l'offre nutritionnelle. L'Observatoire de l'alimentation est conforté ; il permettra d'assurer le suivi global de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire. Nous devons en effet savoir pour agir. Les usagers de la restauration collective scolaire et universitaire seront désormais informés et consultés sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis. C'est ce que l'Assemblée a voulu, et c'est une très grande avancée. Quant à l'éducation de la jeunesse à l'alimentation, la loi EGALIM l'a étendue à l'ensemble des établissements d'enseignement scolaire, ce qui est une autre avancée importante.

Je rappelle le consensus auquel nous sommes parvenus à l'issue des états généraux de l'alimentation concernant la responsabilisation des filières agroalimentaires en matière d'amélioration de l'offre nutritionnelle – ce n'est pas sans lien avec le texte de loi que nous avons débattu précédemment. Compte tenu de cette décision, les amendements visant à encadrer les aspects nutritionnels de l'alimentation ont été rejetés lors de l'examen du projet de loi EGALIM. Les industriels s'engagent volontairement à revoir la formulation de leurs produits, afin d'atteindre des objectifs ambitieux et mesurables en matière de teneur en sel, sucres, fibres, additifs, acides gras. En l'absence de résultats probants, les industriels perdront leur crédibilité et le Gouvernement utilisera les leviers réglementaires.

Il faut faire évoluer les mentalités et les comportements. Ce débat peut y contribuer. Il ne faut pas penser que les enjeux de notoriété des marques, de différenciation, de fidélisation des clients ne comptent pas, et qu'ils ne sont pas directement liés aux pratiques des industries agroalimentaires dans les domaines concernés.

Le plan national de santé publique, présenté par le Premier ministre le 28 mars 2018, promeut la mise sur le marché d'une offre d'aliments transformés de qualité nutritionnelle améliorée, à travers un nouvel engagement des acteurs économiques, et prévoit de réduire dans ce cadre de 20 % la consommation de sel de la population.

L'ANIA, l'association nationale des industries alimentaires, s'est engagée en faveur de l'amélioration de la qualité nutritionnelle des produits et des portions à travers son manifeste « 1 000 jours pour manger mieux ».

L'alimentation est une de mes priorités. Je travaille en étroite collaboration avec le Conseil national de l'alimentation et son président, mon ami député et ancien ministre Guillaume Garot ; nous avons des projets communs.

Le Conseil national de la restauration collective, installé dernièrement, aura lui aussi un rôle important à jouer pour toute la restauration en dehors du foyer.

Je souhaite, dans ce domaine de l'alimentation et de la santé, mettre en oeuvre, avec la ministre de la santé et des solidarités, les dispositions de la loi promulguée le 30 octobre 2018, et donc poursuivre sur la voie incitative. Nous allons ainsi proposer, avec Agnès Buzyn, lors du comité interministériel de la santé qui se tiendra fin mars, une stratégie commune d'amélioration de la santé au travers de l'alimentation.

Mesdames et messieurs les députés, les constats et les objectifs sont partagés. Il est temps de nous mettre d'accord sur les moyens de réussir. La santé est une chose importante pour nos concitoyens. Une meilleure alimentation, saine, sûre, durable et tracée, est essentielle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.