Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

La proposition de loi que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui revient sur un problème essentiel auquel nos sociétés contemporaines sont confrontées : la « malbouffe » et ses incidences sur notre santé. Nous le savons tous, consommer excessivement et de manière récurrente des produits alimentaires ultratransformés contribue au développement de maladies chroniques comme le diabète, entraîne l'augmentation des situations de surpoids et d'obésité dont souffrent, dès le plus jeune âge, de nombreux Français et peut être à l'origine de pathologies cardiovasculaires.

Ce constat a été dressé à de nombreuses reprises ces dernières années et très récemment dans le rapport de la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle que vous avez présidé, monsieur le rapporteur. Nous profitons de l'occasion pour saluer le travail réalisé par l'ensemble des députés de tous les bancs qui ont oeuvré dans cette commission.

Ainsi, cette proposition de loi poursuit un objectif louable : protéger les consommateurs des effets néfastes de ce que nous appelons communément la « malbouffe ». Toutefois, comme nous avons pu le relever lors de l'examen de ce texte en commission, si le fond des mesures proposées est intéressant, la forme ne nous semble pas la mieux adaptée. En effet, le groupe des députés MODEM et apparentés se montre réservé sur la méthode choisie pour poursuivre cette ambition commune. Les dispositions figurant dans les trois premiers articles, en particulier, sont très coercitives et visent à interdire ou à imposer par le vecteur législatif.

C'est pourquoi notre groupe s'est opposé à l'adoption du texte en commission. Nous préférons une philosophie qui repose sur l'exercice du libre arbitre de chacun. Or la question de la malbouffe repose avant toute chose sur les mauvais comportements et habitudes alimentaires. C'est sur ce point précis qu'il faut se mobiliser.

Pour cela, il est indispensable d'actionner les leviers de l'information et de la prévention, en éduquant dès le plus jeune âge les futurs consommateurs afin qu'ils puissent être en mesure de faire des choix éclairés selon les informations dont ils disposent. En effet, les travaux en économie comportementale sont unanimes et révèlent bien que nous ne sommes pas tous égaux face à l'information qui nous est ou non transmise.

Éduquer, développer son libre arbitre, c'est permettre à chacun d'entre nous de faire des choix éclairés en connaissance de cause. Ce processus peut paraître très simple, mais force est de constater qu'il n'est pas aussi bien intégré qu'on le voudrait.

L'éducation à l'alimentation doit constituer une priorité. Il faut la déployer de manière cohérente et diversifiée, que ce soit grâce à des enseignements spécifiques, sur lesquels nous reviendrons, ou à des initiatives extérieures, comme la semaine du goût.

La démarche adoptée par notre rapporteur pour la rédaction des deux premiers articles de la proposition de loi apparaît très radicale, puisqu'elle consiste d'une part à imposer l'utilisation d'une liste précise d'additifs dans la production de denrées alimentaires, c'est-à-dire, de fait, à interdire les autres, et d'autre part à instaurer une réduction drastique des taux de sucre, sel et acides gras dans les aliments transformés.

Comme le rapporteur l'a rappelé en commission, le débat porte sur l'alternative entre la contrainte et l'incitation à l'engagement des industriels. Nous optons pour la seconde solution, car nous sommes en particulier favorables à un travail de concertation et de négociation avec les industries agroalimentaires, destiné à parvenir à une véritable transparence sur la composition des produits. Il s'agit d'impulser une réelle dynamique dans une démarche coconstruite, plutôt que d'opter pour des mesures brutales qui pourraient fragiliser un pan entier de l'économie agricole et industrielle.

Aujourd'hui, comme le montre le rapport de la commission d'enquête, plusieurs entreprises s'amendent et adoptent des comportements plus vertueux en matière de composition des aliments transformés ou préparés. Notre objectif n'a donc rien d'une utopie, et il nous semble de bon aloi de persévérer dans ce sens dans un esprit de dialogue. Nous nous opposerons en conséquence aux articles 1er et 2 de la proposition de loi, car ils nous paraissent trop radicaux et potentiellement dangereux dans leurs conséquences immédiates.

La question de l'éducation est abordée aux articles 3 et 4 du texte. Ces dispositions présentent l'intérêt de tenter d'enrichir notre politique de prévention et d'éducation en matière de santé, à destination des jeunes publics. L'article 3 traite de l'éducation à l'alimentation des plus jeunes à travers le prisme de la publicité. Il s'agit d'un point intéressant mais, une nouvelle fois, il est présenté de manière très excessive. En effet, la rédaction et les contours très larges des dispositions proposées font que l'article 3 nous semble flou et difficilement applicable. De nombreuses questions se posent. Comment savoir quelle publicité est destinée spécifiquement aux enfants ? Des publicités destinées aux adultes ne peuvent-elles pas aussi toucher des enfants ? Comment est-il possible de supprimer toute publicité alimentaire sur un support comme internet ? La question et la réponse ne se trouvent-elles pas dans le rapport des jeunes publics aux supports audiovisuels, donc dans l'éducation à leur manipulation au sein de la sphère familiale ? Aussi, au lieu d'interdire la publicité, ne serait-il pas plus opportun qu'elle permette de développer l'information sur la nature des produits ? Des dispositifs existent qui sont en cours d'expérimentation, comme le Nutri-score qui pourrait constituer une option pertinente.

Enfin, si l'idée de cours d'alimentation et de nutrition, qui figure à l'article 4, est intéressante, un dispositif similaire figure déjà à l'article L. 312-17-3 du code de l'éducation. Ne serait-il pas plus opportun de partir de l'existant pour l'enrichir ?

Le groupe MODEM et apparentés ne votera pas ce texte dans sa rédaction actuelle. Nous serons toutefois attentifs aux diverses modifications proposées qui permettront des avancées, en particulier sur les questions relatives à l'information du consommateur et de la prévention ; c'est tout l'intérêt de l'examen en séance publique.

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