Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEricka Bareigts :

Nul ne peut plus ignorer que la différence d'espérance de vie entre les 5 % les plus pauvres et les 5 % les plus aisés est de treize ans. Aux alentours d'un niveau de vie de 1 000 euros par mois, 100 euros supplémentaires sont équivalents à 0,9 année d'espérance de vie en plus chez les hommes et à 0,7 année chez les femmes, tandis que l'écart n'est plus que de respectivement 0,3 année et 0,2 année aux alentours d'un niveau de vie de 2 000 euros par mois. Au-delà des conditions matérielles, cette différence insupportable s'explique pour une part importante par ce constat : quand on est pauvre, on mange peu, mais surtout on mange mal. Les dernières études montrent que dès l'âge de 10 ans, un enfant d'ouvrier ou d'employé a quatre fois plus de risque de souffrir d'obésité. Ce chiffre fait écho au prix d'une calorie de fruits et légumes, cinq fois plus cher que pour tous les autres aliments. Cet écart est plus important encore dans les territoires d'outre-mer. Une étude récente, effectuée sur une cohorte de plus de 100 000 personnes, a même conclu qu'une hausse de 10 % de la consommation de produits ultra-transformés se traduisait par une augmentation de plus de 10 % du risque de développer un cancer, en particulier un cancer du sein.

Je remercie donc le rapporteur, Loïc Prud'homme, de nous donner l'occasion de débattre sur un sujet de santé publique majeur. Le groupe Socialistes et apparentés s'associe à cette démarche volontariste qui a le mérite de poser la malbouffe comme problème de société. La malbouffe est aujourd'hui conscientisée chez beaucoup de consommateurs ; les mesures volontaristes proposées doivent aider les Français à ne plus subir une alimentation mortifère qui, de plus, creuse les inégalités en s'additionnant à celles déjà existantes, qu'elles soient géographiques ou socio-économiques.

Nous regrettons toutefois la manière dont l'examen s'est déroulé en commission des affaires sociales, à l'image d'ailleurs des propositions de loi socialistes examinées il y a trois semaines, quand la majorité les avait vidées de leurs articles et n'avait pas souhaité débattre.

Cette proposition de loi s'attaque, dans son article 1er, aux additifs. J'ai bien entendu nombre d'entre vous, dans la majorité ou à droite de l'hémicycle, dire que ces dispositions étaient drastiques. Plutôt que de les supprimer en commission, vous auriez pu faire des propositions ! Il est vrai que si on connaît à peu près la dangerosité des additifs alimentaires de façon séparée, pas ou trop peu d'études existent sur les conséquences des cocktails d'additifs. Comme le rappelait M. le rapporteur, les scientifiques s'accordent à dire qu'il est impossible d'étudier les milliards de combinaisons possibles et leurs conséquences. C'est pourquoi nous devons aborder ce sujet à la lumière du principe de précaution.

Vous nous proposez comme axe principal, monsieur le rapporteur, l'éducation. Certes, bien sûr, il faut permettre à tous nos concitoyens d'être des consommateurs avisés et actifs, et non passifs.

II faut bien sûr de la prévention, et beaucoup plus qu'il n'y en a aujourd'hui, c'est une évidence ! Ce n'est pas moi, qui ai été co-rapporteure avec notre collègue Cyrille Isaac-Sibille du rapport d'information sur la prévention santé en faveur de la jeunesse, qui vous dirais le contraire.

Il ressort de nos travaux qu'1 euro dépensé en prévention, c'est à terme environ 12 euros économisés pour la sécurité sociale et, pour nos concitoyens, des maladies et des handicaps en moins. La prévention est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante : le rapport souligne qu'il faut également améliorer la qualité de l'offre alimentaire par des mesures contraignantes.

Je souhaite vous faire part de deux exemples.

Le premier concerne les produits de dégagement commercialisés sur les territoires ultramarins, par exemple la volaille que l'on trouve dans nos supermarchés à des prix défiant toute concurrence. Dans ces territoires où le coût de la vie pour l'alimentation est en moyenne plus élevé de 28 % et où le taux de pauvreté est supérieur à 40 %, ces prix procurent davantage de pouvoir d'achat, mais leur effet est pernicieux.

En effet, chers collègues, vous ne retrouverez pas ces produits dans vos assiettes hexagonales, car leur origine trop floue et leur qualité trop basse ne leur permettent pas d'être commercialisés en métropole. Comme ces déchets économiques sont chers à détruire, on préfère les vendre ailleurs. En l'absence de mesures contraignantes, la loi relative à l'égalité réelle outre-mer votée à l'unanimité dans cet hémicycle en 2017 n'est donc pas appliquée.

Mon second exemple concerne l'empoisonnement conscient et même volontaire au sucre qui a lieu depuis très longtemps dans les outre-mer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.