Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 21h30
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Avec l'article 3, monsieur le ministre, nous abordons vraiment le coeur du problème, qui touche bien sûr au marketing et à ses effets délétères. Je prendrai donc le temps de répondre précisément à votre amendement de suppression. Vous développez des arguments dont certains peuvent retenir mon attention, mais d'autres non.

Je suis finalement d'accord avec vous sur le fait que la rédaction de cet article pose certains problèmes, que vous avez soulevés. C'est précisément la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement, no 15 , proposant une rédaction alternative consistant à encadrer le marketing et la publicité plutôt que de les interdire de façon indiscriminée. Mon amendement est public, de même que ceux des députés de la majorité allant dans le même sens : vous savez donc parfaitement que nous avons travaillé sur l'article 3 et que nous proposons des solutions alternatives. Proposer de supprimer cet article alors même que des amendements semblent faire consensus entre des députés de différents groupes me semble purement malhonnête.

Vous constatez l'insuffisance de la réglementation actuelle en soulignant que la prohibition n'empêcherait pas l'exposition des enfants à la publicité alimentaire dès lors qu'elle ne leur serait pas principalement destinée. C'est tout le problème de la loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite « loi Gattolin » : les enfants ne regardent pas uniquement les programmes qui leur sont destinés.

Personne ne conteste la nécessité d'encadrer la publicité alimentaire. Pour ce faire, nous pouvons jouer soit sur des critères de qualité des produits présentés, soit sur les plages horaires pour protéger les enfants, soit sur les publics ciblés eux-mêmes. Les leviers d'action sont nombreux : à nous de les activer !

Vous soulignez enfin, monsieur le ministre, que les pouvoirs publics ont toujours privilégié une démarche pédagogique, en partenariat avec les professionnels. Vous citez la charte alimentaire du CSA, actuellement en phase de renégociation. Mais comme pour la réduction des teneurs en sel, en sucre et en gras, dont nous venons de parler longuement autour de l'article 2, les engagements volontaires en matière de publicité ne fonctionnent pas. En tout cas, ils sont fortement insuffisants. Quelles que soient les bonnes paroles des professionnels, dans ce domaine comme dans d'autres, l'autorégulation rencontre de fortes limites.

Une fois de plus, je ne suis pas seul à dire cela. Le Haut Conseil de la santé publique, l'OMS et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM – insistent tous sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de prendre des mesures contraignantes, comme l'ont déjà fait de nombreux pays – je l'ai déjà rappelé – , d'autant que les techniques modernes de publicité, comme le neuromarketing que j'ai évoqué, ne sont pas autre chose que de la manipulation mentale et du lavage de cerveau. Dans son rapport de 2017 sur le PNNS 2017-2021, le Haut Conseil de la santé publique recommande ainsi de « réglementer le marketing et interdire les communications commerciales [… ] et la promotion des marques agroalimentaires associées pour les aliments de pauvre qualité nutritionnelle, classés D et E selon le Nutri-Score ».

De même, le rapport de notre collègue Michèle Crouzet, adopté à l'unanimité par la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle, préconise « une réglementation spécifique aux messages publicitaires » et « des dispositions restrictives concernant tout produit susceptible de porter atteinte à la santé des enfants et des adolescents », sous l'égide du Haut Conseil de la santé publique. Mon amendement no 15 ne propose pas autre chose, l'amendement no 50 deuxième rectification de notre collègue Olivier Véran non plus.

S'agissant enfin de la charte du CSA, vous n'ignorez pas que les discussions sur son renouvellement rencontrent actuellement des difficultés, la direction générale de la santé – DGS – estimant que le projet en circulation est très insuffisant, qu'il n'est pas à la hauteur des enjeux de santé publique et qu'il ne peut être signé en l'état.

La commission n'a pas examiné cet amendement de suppression mais, à titre personnel, j'y suis évidemment défavorable.

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