Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 6 février 2019 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

C'est toujours un grand honneur que de répondre aux demandes d'audition que la commission de la Défense nationale et des forces armées m'adresse de temps à autre. J'ai été quelque peu surprise qu'une demande de ce type m'ait été adressée en décembre par voie de presse – certains se reconnaîtront – sans passer par le président de la commission ou par mon cabinet, dont vous savez pourtant combien ils sont à votre écoute. S'il devait s'agir là d'une tentative d'instrumentalisation politique, ce ne serait ni à la hauteur de l'engagement quotidien des femmes et des hommes de la défense au service de notre pays, ni des défis que doit relever le ministère dans un contexte particulièrement instable. Cette commission tient à entretenir un dialogue de qualité avec moi, les armées, les directions et les services du ministère : j'espère donc que cette maladresse est derrière nous et ne deviendra pas une fâcheuse habitude.

En effet, la liste des menaces auxquelles nous faisons face n'est pas moins longue qu'elle ne l'était en octobre, lorsque nous nous sommes rencontrés pour la dernière fois. Le terrorisme a frappé sur notre sol une fois de plus – une fois de trop : cinq personnes, venues admirer les décorations de Noël à Strasbourg, ont été victimes le 11 décembre du terroriste Chérif Chekatt. À cette occasion, l'opération Sentinelle a démontré une fois de plus sa pertinence, puisque quatre militaires en patrouille, dont je salue le courage et la réactivité, se sont portés au-devant du terroriste, contribuant très probablement à la fin de son périple meurtrier.

Comme toute opération militaire, l'opération Sentinelle s'adapte sans cesse à la menace. Mettre un militaire derrière chaque citoyen étant évidemment impossible, l'objectif est de pouvoir disposer d'unités réactives – au bon moment et au bon endroit. La réactivité des troupes qui se trouvaient à Strasbourg le 11 décembre montre à quel point cette opération, dans son format entièrement revu à l'automne 2017, demeure aussi efficace que nécessaire, malheureusement.

L'opération Sentinelle a aussi montré sa réactivité ces derniers mois en assurant la relève de la police et de la gendarmerie dans un certain nombre de missions de lutte contre le terrorisme, lorsque les forces de sécurité intérieure se trouvaient mobilisées – et cela a souvent été le cas ces dernières semaines – pour le maintien de l'ordre public. Sur ce point, ma position est très claire : les armées n'ont pas vocation à assurer le maintien de l'ordre ; en revanche, la réactivité du dispositif permet d'assurer la continuité de la mission de lutte contre le terrorisme sur le territoire national.

Nous combattons, vous le savez, le terrorisme à la source, et d'abord au Levant, où la disparition totale du califat territorial est toute proche. Elle marquera l'accomplissement de la mission que nous avions commencée en septembre 2014 en déclenchant, à la demande du gouvernement irakien, l'opération Chammal.

Contribution française à la coalition internationale de lutte contre Daech, cette opération compte 1 200 hommes. Elle repose aujourd'hui sur trois piliers, l'appui cinétique – nos avions de chasse opèrent depuis la Jordanie et les Émirats arabes unis, et les canons Caesar depuis l'Irak –, l'appui aux renseignements, et l'appui à la formation, déployé à partir de Bagdad.

Face aux attaques terroristes de 2015, qui avaient été conduites depuis Raqqa, nous avons étendu notre action à la Syrie au titre de la légitime défense, en appuyant avec nos avions et nos canons le combat mené au sol par les forces démocratiques syriennes.

C'est pourquoi, lorsque les Américains ont annoncé leur retrait de Syrie, nous avons insisté sur la nécessité d'achever, aux côtés des combattants kurdes, la reconquête du califat territorial de Daech. Je crois pouvoir dire que nous avons été entendus. Le président Trump a assuré, depuis, que le retrait des troupes serait progressif.

Je ne puis dire quand elle adviendra, mais nous sommes à l'orée d'une victoire militaire majeure. Les femmes et les hommes qui y ont contribué pourront en être fiers, car elle renforcera notre sécurité.

La lutte contre le terrorisme ne s'arrête pas aux confins du Levant, puisque 4 500 de nos hommes se trouvent engagés dans l'opération Barkhane, au Sahel, et combattent activement les groupes djihadistes. En quatre ans, Barkhane, en lien avec les forces partenaires, a mis hors de combat plus de 600 terroristes et saisi, chaque trimestre, près de deux tonnes d'armes et de munitions.

En 2018, nous avons réalisé des opérations fructueuses en neutralisant de nombreux chefs terroristes et plus de 200 combattants. Je pense en particulier aux succès récents de nos armées dans la région de Mopti, où une opération combinée a porté un coup très significatif à la katiba Massina.

Pour autant, panser les plaies de la région ne suffit pas à sa guérison. C'est la raison pour laquelle nous formons, nous conseillons, nous accompagnons au combat les forces armées des cinq pays du G5 Sahel – la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Car, je l'ai souvent dit, nous n'avons pas vocation à rester indéfiniment. Je crois profondément que la sécurité du Sahel doit être assurée par les forces locales en présence. Notre action, par ailleurs, a déjà permis à ces forces de reprendre le contrôle de zones abandonnées aux terroristes.

L'opération Barkhane contribue également par ses conseils, ses renseignements, son soutien logistique à l'action de la force multinationale mixte, engagée dans la lutte contre le tristement célèbre groupe terroriste Boko Haram.

Dans cette lutte sans merci que nous menons contre la barbarie, nous avons été rejoints par nos partenaires américains et britanniques. Le rapprochement étroit de nos armées et surtout l'engagement décisif des armées de la région, au premier rang desquelles les armées tchadiennes, ont permis de contenir la menace de Boko Haram, sans pour autant engendrer une victoire décisive. En effet, l'extrême fragilité de l'État nigérian dans le nord-est du pays est un obstacle supplémentaire à notre combat. Mais cela ne saurait être un obstacle à notre détermination.

Puisque je viens d'évoquer le Tchad, je voudrais parler des opérations que nous avons menées au cours de ces derniers jours contre un groupe armé, venu de Libye dans une cinquantaine de pick-up, pour déstabiliser le pays. Le président tchadien a sollicité l'aide de la France. Du 3 au 6 février, des Mirage 2000 français sont intervenus au nord-est du Tchad, en coordination avec l'armée tchadienne, afin de contrer cette incursion du groupe qui progressait vers le sud du pays.

Ces interventions ont été conduites à la demande des autorités tchadiennes, de façon proportionnée, graduée et précise. Elles visaient d'abord à signifier à cette colonne la détermination des autorités tchadiennes et françaises à stopper sa progression. Au-delà des avertissements dissuasifs et des frappes des forces tchadiennes, nous avons été nous-mêmes conduits à frapper le 3 février, le 5 février, et aujourd'hui même. L'action des Mirage 2000, appuyée par des drones que nous utilisons dans le cadre de Barkhane, a permis de mettre hors de combat une vingtaine de pick-up.

Je voudrais redire combien le Tchad est un partenaire essentiel pour la France – chacun sait ici que c'est à N'Djaména que se trouve le commandement de l'opération Barkhane. Nous aurons certainement l'occasion d'évoquer le sujet dans le cadre des questions au Gouvernement, mais je tenais à informer la commission de la Défense des derniers développements de cette opération. Le Premier ministre, dans le cadre de l'article 35 de la Constitution, a informé les présidents des deux assemblées de cette opération, qui ne peut être assimilée à l'opération Barkhane.

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