Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 6 février 2019 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

Les traducteurs afghans qui ont accompagné les forces françaises en Afghanistan ont été accueillis dans le cadre de deux campagnes successives, en 2012 et en 2015. Cela concerne au total 176 individus et, si on inclut les familles, 550 personnes.

Au-delà, le président de la République a souhaité que les personnes qui avaient été déboutées dans le cadre des précédentes campagnes bénéficient d'un réexamen de leur demande de visa par le ministère de l'Intérieur. Une mission pilotée par le ministère des Affaires étrangères s'est donc rendue à Kaboul à la fin de l'année 2018, et 217 nouveaux visas ont été attribués, ce chiffre incluant les interprètes eux-mêmes et leurs familles. Ces personnes ont été accueillies à la fin du mois de décembre en France, où elles ont été prises en charge.

Quant à la protection fonctionnelle que vous avez évoquée, nous prenons acte de la décision du Conseil d'État, qui précise que cette protection fonctionnelle peut prendre la forme d'une délivrance de visa. C'est ce que font les services de l'État, après s'être assurés que la personne remplit toutes les conditions de sécurité.

En ce qui concerne les licences d'exportation, notre dialogue avec l'Allemagne sur les questions d'exportation est constant. Je redis ici que la plupart des grands programmes d'équipement militaires ne peuvent être conduits s'il n'existe pas de débouchés à l'exportation, pour la simple raison qu'économiquement parlant les marchés nationaux ne peuvent justifier à eux seuls le lancement de ces programmes. Désireux comme nous le sommes de poursuivre et de développer la coopération dans le domaine des équipements militaires avec l'Allemagne, nous poursuivons donc le dialogue.

S'agissant des exportations de Meteor vers l'Arabie saoudite, c'est une question qui ne nous concerne pas directement mais concerne l'Allemagne ; je n'ai donc pas de commentaire à faire sur ce qui relève d'une décision souveraine de l'Allemagne. Ce qui poserait problème, c'est que l'Allemagne fasse obstacle à la décision de la France d'exporter des matériels vers tel ou tel pays, mais c'est un autre sujet.

M. Lachaud m'a soumis une longue série de questions. Je crois avoir déjà répondu à la première : les annulations et les redéploiements sont sans conséquence, comme je l'ai dit, sur le budget du ministère des Armées et sur la mission « Défense ». Je crois pouvoir ajouter qu'en 2019 nous devrions être encore mieux prémunis contre la nécessité de trouver des financements complémentaires pour les OPEX et les missions intérieures, cela dit avec prudence, car personne ne sait ce qui se passera en 2019.

Cela m'amène à la question sur la sortie des opérations en cours au Levant et au Sahel. Dans le premier cas, nous avons été un peu surpris par le calendrier que le président américain a fixé pour son pays, sans s'être véritablement concerté avec ses partenaires. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, nous avons été un certain nombre, parmi lesquels le président Macron n'a pas été le dernier, à intervenir et à insister auprès du président américain pour que ce retrait se fasse de façon coordonnée et progressive. On sait en effet les problèmes que poserait un retrait brutal et rapide, du fait notamment du positionnement des Turcs, aux aguets de l'autre côté de la frontière du nord-est syrien. Nous estimons en outre que nous avons collectivement une responsabilité vis-à-vis des Kurdes, qui ont été et continuent d'être des partenaires fiables, très engagés, dans la lutte contre Daech. Malgré des progrès ces dernières semaines, le combat n'est pas tout à fait terminé. Nous devons en finir sur ce front, tout en tâchant de trouver, par le dialogue, une solution politique en Syrie. Nous demeurons extrêmement actifs et ne considérons pas que l'affaire est close avec le retrait américain.

En ce qui concerne Poséidon, la collaboration entre Fincantieri et Naval Group progresse. Sans pouvoir vous détailler les étapes franchies à ce jour, je puis néanmoins vous dire, pour avoir eu récemment un rapide échange avec le président de Naval Group, que l'affaire suit désormais un cours satisfaisant. Je serai d'ailleurs toute disposée à venir faire un point devant votre commission sur les projets de coopération industrielle dans lesquels nous sommes engagés, dont Poséidon.

En tout cas, quelles que soient les relations parfois tumultueuses que nous pouvons avoir en ce moment avec l'Italie sur un certain nombre de sujets, dans le domaine de la coopération industrielle en matière de défense, les objectifs qui avaient été fixés sont progressivement atteints, ce qui est rassurant à bien des égards.

Pour ce qui concerne le programme d'exportation des Rafale en Inde, qui a fait couler beaucoup d'encre au cours de l'automne dernier, le gouvernement indien n'entend pas pour l'instant se décider sur de nouvelles commandes concernant le Rafale ou d'autres appareils. La question de nouvelles ventes n'est donc pas à l'ordre du jour et ne le sera probablement pas avant les élections qui doivent se tenir en Inde à la fin du printemps.

Pour ce qui est de Rheinmetall, nous aurons l'occasion de revenir sur le char de combat du futur, dont la mise au point doit être confiée à KNDS. C'est la structure du capital de cette dernière qui pourrait être amenée à évoluer. Je rappelle que nous sommes actionnaires à 50 % de KNDS ; à ce titre, nous serons donc partie prenante aux discussions sur une éventuelle reconfiguration capitalistique, dont l'importance serait non négligeable pour la réussite du programme du char de combat du futur.

Je crois en avoir beaucoup dit sur la stratégie spatiale au cours de l'automne dernier. Le président de la République m'a demandé d'élaborer une proposition de stratégie spatiale dans le domaine de la défense. Je serai donc amenée à faire très bientôt des propositions et nous pourrons alors revenir sur ces questions de stratégie spatiale militaire.

En matière de cyberdéfense, nous ne sommes, je l'ai dit, pas plus naïfs que dans le domaine spatial. Nous savons parfaitement que nous évoluons dans un environnement hostile, où les menaces sont nombreuses. Il faut donc aussi s'y préparer. Je ne veux pas non plus passer mon temps sur toutes ces questions, très nombreuses, mais je le dis et le répète : je suis prête à revenir devant votre commission aussi souvent que vous le souhaitez. Quant à la lettre que l'on m'a fait parvenir, la demande formulée a été instruite et nous devrions pouvoir vous répondre, sous huit jours, via M. le président de la commission.

Les contours de la future réforme des retraites ne sont pas encore parfaitement connus – c'est une litote. Ce qui est certain, c'est que nous n'avons pas l'intention de renoncer à un certain nombre de spécificités du régime des pensions militaires. Elles font effectivement partie d'un modèle de gestion des ressources humaines qui permet de maintenir une grande jeunesse de nos armées. Si nous ne pouvons pas recruter en nombre des personnels jeunes, et si nous ne pouvons pas les faire partir au bout de quelques années de service, alors même qu'ils sont encore très jeunes – en tout cas bien plus jeunes que moi –, nous ne pouvons pas oxygéner ce système qui fait l'efficacité de nos armées lorsqu'on les compare à d'autres, qui ne sont pas des armées de flux et ne sont donc pas aussi opérationnelles. Il suffit de se référer aux propos répétés du président de la République. Deux fois, le 13 juillet dernier, dans le discours qu'il a prononcé à l'Hôtel de Brienne devant les forces armées et, plus récemment, à Toulouse, lors de ses voeux aux armées, il a indiqué que le nouveau système de retraite universel devait pouvoir prendre en compte pleinement les spécificités du système des pensions des militaires. Nous y travaillons très activement en lien avec le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye.

J'ai été interrogée sur les progrès encore nécessaires en matière d'Europe de la défense. Les différents éléments qui caractérisent, dans l'esprit du président de la République, une armée européenne sont, je le rappelle, les suivants : une force d'intervention commune, un budget commun, des projets communs.

Cette force d'intervention commune, c'est d'abord à travers l'initiative européenne d'intervention que nous allons, pas à pas, la constituer, puisque, au fond, les deux autres éléments – des projets communs et un budget commun – sont des éléments sur lesquels l'Union européenne a beaucoup avancé ces derniers mois. Les projets communs, c'est la coopération structurée permanente. Trente-quatre projets ont désormais été lancés – dont dix-sept à l'automne 2018. Nous n'en manquons donc pas. Ce qui importe maintenant, c'est que nous soyons en mesure de délivrer des résultats concrets sur ces projets. Nous en avons besoin. Par exemple, le standard 3 de l'hélicoptère d'attaque Tigre, qui constitue l'un des projets de la deuxième vague, est tout à fait indispensable à nos armées. Il est donc très heureux qu'il puisse être pris en charge dans le cadre des projets communs – l'Allemagne s'y est associée. Nous espérons ainsi pouvoir bénéficier pour ce programme des financements européens. Ceux-ci seront étendus, puisqu'un fonds européen de défense a été constitué. C'est la première fois que de l'argent communautaire sera investi pour de la recherche et du développement, de l'innovation en matière de défense.

À travers des projets communs et un budget commun, nous avons déjà un certain nombre d'éléments fondamentaux pour l'Europe de la défense. L'initiative européenne d'intervention est, sur le plan opérationnel, ce qui manquait un peu à cet ensemble. Il nous appartient maintenant de la faire monter en puissance. Cela veut dire non pas que nous allons intervenir mais que nous nous préparons à gérer un certain nombre de crises, selon des scénarios extrêmement variés. Cinq groupes de travail ont donc été constitués à la fin de l'année 2018, qui associent des militaires de chacun des dix pays participants. Certains ont demandé à pouvoir renforcer leur participation par la présence d'officiers de liaison au coeur du centre de planification et de commandement opérationnel, à Balard, pour pouvoir mieux travailler à cette Europe de la défense que nous appelons de nos voeux.

Quelles sont les prochaines échéances ? En ce qui concerne le fonds européen de défense, c'est la validation, dans le cadre du trilogue, du règlement d'utilisation de ce fonds européen de défense. En ce qui concerne les projets de la coopération structurée permanente, il faut maintenant que nous passions du projet à la livraison du projet. Pour ce qui concerne l'initiative européenne d'intervention, nous avons rendez-vous au mois de septembre sous l'égide des Pays-Bas ; les ministres feront un point sur la bonne avancée des projets de planification auquel nous aurons travaillé ces mois-ci.

Une réponse m'est communiquée à propos des torpilles de Saint-Tropez. Il n'est pas question d'arrêter l'activité industrielle ni de remettre en cause notre sécurité d'approvisionnement. Le site dont il est question appartient à Naval Group. Je vais m'assurer de la compatibilité de la cession envisagée avec les activités futures que Naval Group souhaite continuer. S'il y a des cessions de terrains appartenant à l'État, c'est le service des domaines qui est compétent. Je m'assurerai de tout cela et je reviendrai vers vous avec plus de précisions – je ne connais pas le sujet dans le détail.

La réserve au sein du ministère des Armées est une réserve opérationnelle. L'objectif, vous le savez, est d'avoir 40 000 réservistes employés trente-sept jours par an. Aujourd'hui, nous avons 37 500 réservistes, et l'objectif des trente-sept jours est presque atteint : nous en sommes à trente-six jours et demi. C'est un progrès important : nous en étions, en 2017, à 35 940 réservistes employés trente-cinq jours par an. Les réservistes sont employés à des tâches au coeur de l'activité des armées : ils font de la formation mais aussi des missions intérieures. Des réservistes sont engagés dans l'opération Sentinelle, des réservistes sont engagés en métropole ou en outre-mer, d'autres réservistes sont engagés en opérations extérieures à titre de complément des forces. Aujourd'hui et chaque jour, 4 000 réservistes servent dans les armées, et plus de 1 000 au sein de l'armée de terre déployés sur le territoire national. Et un nouveau portail internet, dont nous avions parlé lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire, doit leur permettre de gérer l'ensemble des activités et des formalités attachées aux périodes de réserve. J'espère que tout cela nous permettra d'atteindre au plus tôt notre objectif de 40 000 réservistes.

Quant à la sélectivité du recrutement, nous sommes et demeurons extrêmement exigeants, mais, dans un univers hautement compétitif, je pense aussi qu'il faut éviter d'être, je n'ose pas dire « trop exigeants », mais tout de même… Nous ne pouvons faire comme si la compétition n'existait pas. Il faut donc trouver un juste équilibre. C'est ce que nous nous efforçons de faire, avec une sélectivité qui reste élevée. Depuis plus de dix ans, elle est tendanciellement stable, même si elle varie suivant les armées. Le taux de sélection est de 3,15 candidats pour un recrutement dans l'armée de terre, 2,3 candidats dans la marine pour un recrutement, comme les années précédentes et de 2 candidats pour un poste dans l'armée de l'air. En ce qui concerne les militaires du rang, le taux de sélection est de 1,7 candidat pour un poste, soit le même qui était constaté dix ans plus tôt, en 2008.

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