Intervention de Rémy Rebeyrotte

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRémy Rebeyrotte :

Cette proposition de loi vise à renforcer l'exigence d'intégrité à laquelle les membres du Gouvernement et les élus sont soumis dans l'exercice de leur mandat et de leurs fonctions. Nous souscrivons tous, ici, je crois, à l'objectif fixé.

Vous suggérez, monsieur le rapporteur, de porter de dix à trente ans la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité instituée par la loi de décembre 2016 pour certains crimes et délits, dont la liste a été étendue par la loi du 15 septembre 2017. Votre texte prévoit même une peine d'inéligibilité à vie si l'infraction suit ou accompagne la commission d'une autre de ces infractions. Vous proposez, en outre, un régime particulier de relèvement qui peut être sollicité tous les dix ans.

Le Conseil d'État a été saisi de votre proposition de loi. Si, dans son avis, il ne juge pas inconstitutionnels la plupart des dispositifs proposés, il souligne toutefois le risque d'une inflation législative dans le domaine concerné. « Il est permis de s'interroger », estime-t-il ainsi, « sur l'opportunité de modifier le régime de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité si peu de temps après son entrée en vigueur » et après qu'il a été complété, ajouterai-je, en septembre 2017. En effet, il convient tout d'abord d'évaluer le dispositif existant, le nombre des peines prononcées, leur efficacité et la durée des enquêtes.

La loi de 2017, qui portait sur bien d'autres aspects de la moralisation de la vie publique – exercice des mandats parlementaires, embauche de collaborateurs, financement de la vie politique… – ne faisait que préciser efficacement, en complétant la liste des crimes et délits concernés, la loi de décembre 2016. Or, cette fois, il s'agit de remettre en cause, avant toute évaluation, l'équilibre des peines, puisqu'on va jusqu'à proposer une inéligibilité à vie. Le Conseil d'État ne s'est pas opposé à ce principe. Toutefois, il souligne la nécessité d'appliquer concrètement les lois de 2016 et 2017 et de les évaluer. Je dirais, pour employer une expression triviale, qu'il nous incite à ne pas pratiquer la « course à l'échalote » des peines et à stabiliser le droit, notamment par égard pour les juges. Il importe en effet que la loi ne soit pas révisée tous les dix-huit mois.

À ce stade, le groupe La République en Marche, vous l'aurez compris, n'est pas favorable à cette proposition de loi. Votre texte soulève, par ailleurs, d'autres questions tout à fait légitimes, notamment sur le lien entre l'inéligibilité et les autres condamnations pénales ou sur le relèvement de la peine.

Nous nous prononcerons contre le texte en l'état mais, ce faisant, nous ne vous opposons pas une fin de non-recevoir ; nous laissons la porte ouverte au cas où nous nous apercevrions que nous ne sommes pas allés assez loin en 2016 et en 2017 et qu'il faut renforcer le dispositif actuel. Pour l'instant, il convient d'assurer la stabilité du droit et d'appliquer les dispositions en vigueur.

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