Intervention de François-Xavier Olivieri

Réunion du jeudi 24 janvier 2019 à 9h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

François-Xavier Olivieri, secrétaire général de la business unit Hydrogène d'Engie :

Groupe international présent dans 70 pays, Engie a axé son développement sur la production d'électricité bas carbone, les infrastructures énergétiques et les solutions clients. Cela nous positionne, au niveau français, comme le premier producteur d'électricité verte. Nous croyons véritablement à l'hydrogène pour libérer tout le potentiel des énergies renouvelables en France et dans le monde. C'est à ce titre que nous nous sommes intéressés très fortement à cette filière et y sommes actifs, considérant particulièrement trois usages dont le potentiel de développement est énorme : la mobilité, l'industrie et les réseaux de gaz et d'électricité.

Développer l'hydrogène à grande échelle impliquera de résoudre auparavant différents problèmes, en collaboration avec les acteurs publics. Lorsque l'on questionne les industriels et que l'on observe la situation à l'international, on s'aperçoit que les fonds publics ne sont pas la seule solution pour parvenir à déployer une filière. Mme Vieillefosse a cité précédemment les trois axes du plan hydrogène, qu'il convient de mettre en oeuvre de façon équilibrée. Dans l'axe des usages, la mobilité se développe et les solutions sont là, même s'il existe un problème de compétitivité. Les acteurs publics peuvent jouer un rôle essentiel dans ce domaine, par la commande publique, en ayant une vision des modalités de développement de la mobilité hydrogène.

Concernant les réseaux, il est également important d'avoir une feuille de route assez claire. On ne parviendra à fédérer des investissements et à développer les solutions de transition énergétique et de stockage de l'électricité renouvelable que si l'on connaît l'objectif visé et les perspectives d'évolution d'ici 2020 ou 2030. Il est important, pour l'électricité comme pour le gaz, d'avoir des cibles construites avec les opérateurs de réseaux, afin de savoir jusqu'où l'on souhaite aller. Pour ne vous citer qu'un exemple international, sachez que la ville de Leeds en Angleterre est actuellement en train de développer un projet ayant pour objet de transformer complètement son réseau de transport de gaz naturel en transport d'hydrogène. Il existe donc des ambitions dans ce domaine. À l'international, tout cela est très mouvant et des partenariats sont en train de se nouer.

Le troisième aspect, sur lequel nous manquons tout particulièrement de visibilité, est celui de l'industrie. Dans ce secteur, le potentiel de l'hydrogène est immense. Pour autant, les acteurs industriels disent manquer d'une vision sur les standards qui vont leur être imposés. Cela engendre un problème majeur pour le développement de l'hydrogène vert, dans la mesure où l'on s'accorde à dire que la finalité de toute cette démarche est de disposer d'un vecteur d'énergie décarboné, produit à partir d'énergies renouvelables. Faute de standards d'exigence de décarbonation inscrits dans le temps, faute d'un prix du carbone clair, rien n'est possible. Or, comme le mentionnait récemment lors d'une conférence mon collègue Bruno Seilhan de Total, il revient aux politiques de fixer la feuille de route et aux industriels, en fonction de la technologie et du coût, de trouver les moyens pour atteindre les objectifs définis. Il manque aujourd'hui un levier pour y parvenir.

Il est très intéressant d'observer la situation à l'échelle internationale et de voir comment des pays ou des régions comme le Japon ou la Californie abordent ces sujets. On s'aperçoit alors de l'importance de définir des standards, le cas échéant associés à des sanctions permettant de financer une partie de la filière. En Californie par exemple, la démarche a été largement axée sur la conversion d'une partie des flottes de véhicules en véhicules à zéro émission grâce à des programmes très ambitieux. Il existe également, mais dans une moindre mesure, quelques programmes dans l'industrie. Des standards sont définis, des feuilles de route rédigées en matière de décarbonation des réseaux, secteur dans lequel la France fait figure d'exemple : les États-Unis viennent ainsi voir nos démonstrateurs, dont les projets GRHYD (gestion des réseaux par l'injection d'hydrogène pour décarboner les énergies) et Jupiter 1000, afin d'étudier comment injecter de l'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. La France est à la pointe de ces technologies.

D'autres mécanismes sont en outre à trouver en matière d'aides et de subsides. Il faut savoir que la filière hydrogène ne bénéficie pas, comme le biométhane, de tarifs de rachat. On pourrait en revanche imaginer, puisque c'est là l'enjeu majeur, des mécanismes sur le modèle des contracts for difference développés par exemple en Angleterre, afin de compenser de manière temporaire l'écart de prix existant entre le carboné et le décarboné. Il existe aujourd'hui pour ce faire des poches de financement qui pourraient être utilisées pour développer la filière hydrogène. Prenons l'exemple des trains : des fonds très importants sont disponibles pour l'électrification des lignes. Or le développement d'une filière hydrogène peut être une alternative à l'électrification. C'est grâce à une telle agilité et surtout à un travail commun des acteurs publics et de l'industrie que l'on parviendra à lever ces freins. Il n'est pas possible, dans ce domaine comme dans nombre d'autres, de réussir seul.

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