Intervention de Jacques Mézard

Réunion du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jacques Mézard :

Je vous remercie de cette présentation, fidèle aux faits et assortie d'éloges dont ne ne sais si je les mérite tous.

Le Président de la République m'a fait l'honneur de me proposer, sous réserve de la validation par votre commission des Lois, pour être membre du Conseil constitutionnel. J'ai mesuré cet honneur. Ce faisant, il nomme un parlementaire, un sénateur, choix qui, dans les turbulences du jour, est aussi, je crois, un message de confiance envers le Parlement. J'en suis donc particulièrement honoré.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé ce qu'a été ma vie professionnelle et publique. Avec mon collègue François Pillet, nommé par le président du Sénat, nous avons pu lire ou entendre dans quelques médias que ce n'était pas bien d'envoyer au Conseil constitutionnel des sénateurs, et non des juristes. Je suis arrivé à la faculté de droit de Paris en 1965, j'avais dix-sept ans ; j'y suis resté onze ans, comme étudiant à Paris II et comme enseignant à Paris I. Puis, après avoir été inscrit pendant cinq ans au barreau de Paris, je suis revenu dans le beau département du Cantal exercer cette profession jusqu'à mon élection au Sénat. J'ai pris alors la décision de démissionner du barreau. Ces trente-sept ans d'activité professionnelle me donnent, je crois, une certaine connaissance au moins de la pratique du droit. Je passe sur mon expérience au CNESER, qui m'a donné une vision de l'université. Certes, ce n'est pas parce qu'on pratique le droit qu'on est forcément un juriste exceptionnel. Mais je crois connaître le droit. Pour autant, pour exercer les fonctions dont nous parlons, il ne faut pas forcément être un juriste. Ce n'est pas parce que le Parlement vote la loi qu'il ne doit être composé que de juristes. Au Conseil constitutionnel, il importe d'avoir une connaissance du droit, mais tout autant d'avoir un certain nombre d'expériences, et cela vaut pour les collectivités comme pour le Parlement. Je suis convaincu que la diversité des expériences est chose utile. Je ne sais pas si j'avais une vocation à devenir sage – l'avenir le dira –, une vocation à entrer dans le monde du silence après avoir parlé, aux barreaux puis au Parlement, beaucoup, peut-être trop, mais en tout cas je crois à la valeur de l'expérience.

J'ai été aussi, et suis encore pour quelque temps, un élu local, élu municipal en 1983, conseiller général pendant quatorze ans jusqu'à mon élection au Sénat dans un canton mi-urbain mi-rural, président du conseil de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac de 2001 à 2017, autant d'années de contact avec nos concitoyens. Ces mandats, je les ai beaucoup aimés en raison de cette proximité, et de la capacité de décider, de faire bouger un territoire. Par rapport à ce que l'on peut entendre depuis quelques mois, je crois beaucoup à la vertu de la démocratie représentative, qui est pour moi une valeur fondamentale de la vie en République.

Ces années d'expérience, là où je vais, ont leur importance. Parler des biens de section d'une commune, cela concerne la vie quotidienne de quelques dizaines de milliers de nos concitoyens ; parler de l'eau, de l'assainissement, des déchets, du logement – le député Stéphane Peu le sait –, c'est une expérience utile. Au Sénat, effectivement, j'ai beaucoup travaillé, peut-être discrètement, en présidant, pendant six ans, le groupe du Rassemblement démocratique social et européen – le « groupe radical », avez-vous dit dans un raccourci, « mais pas seulement ». C'est le plus ancien groupe parlementaire de la République et il y a constamment eu en son sein des partisans du gouvernement en place, quel qu'il soit, et de l'opposition en place, quelle qu'elle soit. Ce n'est pas une formule que je propose pour tous les groupes, mais elle permet d'être à l'écoute, de respecter, d'entendre des avis divergents, et parfois d'ailleurs d'être convaincu. En effet, j'ai toujours, dans ma vie politique, été libre, indépendant et fidèle à mes convictions. Dans le serment qu'on prononce pour devenir juge constitutionnnel, figure le mot impartialité. Impartialité, indépendance, respect des différentes sensibilités, sont les maîtres mots. La loi a pour finalité première d'organiser les relations entre les hommes. Si j'entends les difficultés, les souffrances de nombre de nos concitoyens, j'aime réaffirmer que notre pays a beaucoup d'atouts, de qualités. Je dis souvent à mes concitoyens : oui, vous avez raison, il faut qu'on essaie de faire mieux, faire autre chose. Mais nous avons la chance d'habiter dans ce pays avec des traditions de liberté, de liberté d'expression, de démocratie que finalement peu de pays ont à un tel degré.

Notre Constitution se réfère à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au préambule de la Constitution de 1946, à la Charte de l'environnement, à des grands principes profondément modernes. C'est cela que le Conseil constitutionnel préserve et continuera à préserver, cette adéquation de la loi avec ces principes qui font l'honneur de notre pays. C'est en tout cas la manière dont j'envisage le travail au Conseil constitutionnel, avec beaucoup d'humilité. Je n'ai pas exercé des fonctions aussi éminentes que M. Juppé, mais des fonctions suffisamment diverses pour être constamment dans l'échange avec nos concitoyens. Mais être à l'écoute ne veut pas dire être toujours d'accord. Il faut souvent aussi dire non, car cela souligne également la capacité du responsable politique.

Enfin, comme sénateur, j'ai été l'auteur de vingt-quatre rapports dont ceux de deux commissions d'enquête, l'une sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé, l'autre sur les autorités administratives indépendantes. Ce dernier a débouché sur une loi, à laquelle nous avons travaillé avec M Warsmann et que, au terme d'un long chemin, nous avons réussi à faire voter.

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