Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2019 à 15h00
Débat en vue du conseil européen des 21 et 22 mars 2019

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

On peut s'interroger sur le hasard, et sur l'occasion choisie par le groupe majoritaire pour inscrire à l'ordre du jour de nos travaux ce débat sur l'agenda du conseil européen des 21 et 22 mars prochains. Mais ils nous donnent l'occasion, à nous, parlementaires français, de nous saisir du débat sur ces grandes questions européennes, et d'exercer notre mission de contrôle de l'action de l'exécutif.

Au-delà de l'ordre du jour établi – qui ne comporte pas, comme cela a été dit, les principaux points d'actualité qui devraient être en discussion à cet échelon – , je voudrais que nous revenions sur deux sujets d'actualité majeurs.

Le premier d'entre eux, déjà évoqué par mes collègues, est la perspective du Brexit : nous sommes en effet aujourd'hui à quelque vingt-quatre jours de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est du moins le calendrier que prévoit actuellement l'application des traités. Pourtant, à mesure que le Brexit sans accord approche, les inquiétudes et les interrogations sur les voies et les moyens de sa mise en oeuvre ne cessent de croître, du côté anglais, bien sûr, mais aussi du côté européen, et cette situation nous interpelle nécessairement, en tant que Français.

Cette perspective ravive même des tensions que l'on croyait définitivement disparues en Irlande : que se passerait-il si, demain, une frontière devait à nouveau séparer l'Irlande du Nord et la République d'Irlande ?

Malgré les efforts déployés depuis dix-sept mois par le négociateur de l'Union européenne, Michel Barnier, dont je tiens à saluer le travail, l'accord intervenu avec le Royaume-Uni n'a pas été validé, à ce jour, par le Parlement britannique. L'hypothèse, presque inimaginable à l'issue du référendum anglais en faveur de la sortie de l'Union, d'un « no deal » est aujourd'hui une réalité.

Les conséquences d'une telle situation, sans solutions vraiment connues à ce jour, comportent évidemment des risques majeurs pour le Royaume-Uni comme pour l'Union Européenne, dont la France, au plan commercial, économique, social et même au plan diplomatique.

Illustration de ce malaise : la vidéo publiée récemment par le président d'Airbus, qui menace de quitter la Grande-Bretagne si aucun accord n'est trouvé, alors que le groupe représente 14 000 emplois dans le pays. De même, plusieurs grands groupes internationaux, comme Sony, envisagent de déménager leur siège de Londres.

Pensons aussi à nos pêcheurs bretons, dont l'activité en mer du Nord est en danger, en l'absence d'une nouvelle réglementation post-Brexit. Pensons à la vie quotidienne d'un grand nombre de nos compatriotes qui vivent et travaillent actuellement en Angleterre, et à celle des ressortissants britanniques qui vivent et travaillent en France : elles peuvent, demain, être durement affectées.

Interrogé sur l'actualité par de nombreux parlementaires, le Premier ministre a toujours répondu que l'Union européenne et la France devaient se tenir prêtes à toutes les hypothèses, et que les voies d'un délai supplémentaire, ou d'un possible nouvel accord, n'étaient pas fermées. Qu'en est-il, à trois semaines de l'échéance ?

Qu'en est-il, plus largement, des initiatives que la France peut et doit prendre pour relancer un fonctionnement plus efficace de l'Union européenne, un fonctionnement plus compréhensible par nos concitoyens, et plus conforme à l'intérêt des États et des peuples européens ?

Le deuxième sujet d'actualité qui me semble devoir être abordé, dès lors qu'il s'agit de l'ordre du jour du Conseil européen, c'est la taxation des GAFA et des multinationales implantées en Europe.

Ces entreprises, nous le savons tous, gagnent des centaines de millions d'euros en Europe, sans pour autant payer des impôts proportionnels aux profits qu'elles réalisent. Par exemple, Airbnb paie moins de 100 000 euros d'impôts en France, alors que notre pays est son second marché après les États-Unis. Cette situation est certes légale, puisqu'elle est le fruit d'une optimisation fiscale très aboutie, mais elle constitue clairement une concurrence déloyale au secteur hôtelier français.

La mondialisation a transformé l'économie internationale. Mais notre fiscalité – celle de la France, mais aussi et surtout celle de l'Union européenne – ne s'y est pas adaptée. Pire, les orientations de la Commission européenne en matière de concurrence libre et non faussée donnent des avantages excessifs aux multinationales extra-européennes.

La question de la taxation des GAFA est aussi symbolique qu'elle est centrale dans le financement de l'Union européenne. Depuis longtemps, l'UDI réclame une taxation des GAFA et une convergence des fiscalités à l'échelle de la zone euro, pour contrer les logiques d'optimisation fiscale et éviter un jeu de concurrence déloyale entre États membres.

Si la France prend enfin au sérieux ce problème, en proposant une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des entreprises dont le chiffre d'affaires mondial excède 750 millions d'euros, dont au moins 25 millions réalisés en France, une telle mesure n'aura de réalité et d'efficacité que si elle s'applique dans l'ensemble de l'Union européenne.

1 commentaire :

Le 13/03/2019 à 17:24, Laïc1 a dit :

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"que se passerait-il si, demain, une frontière devait à nouveau séparer l'Irlande du Nord et la République d'Irlande ?"

Le Royaume uni vient de passer une grosse commande de fils barbelés...

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