Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2019 à 21h30
Débat sur la judiciarisation et la criminalisation de l'action militante

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Aujourd'hui est un triste jour pour l'Assemblée. Un ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, qui brille plus par son absence ce soir que par ses qualités d'homme d'État, a assumé pleinement le matraquage d'un parlementaire, c'est-à-dire de l'un des nôtres. Un parlementaire violenté par les effectifs de police, voilà un événement rare dans la Ve République. Mais ce qui est inédit, ce qui est choquant, c'est qu'un préfet apporte immédiatement son soutien à cette agression sur Twitter, sans même avoir pris le temps d'enquêter. Sans aucune précaution, un représentant de l'État a cru bon d'instaurer une ambiance de saloon.

Ce jour, c'est Christophe Castaner qui à son tour dégaine une série d'arguments qui feraient scandale dans toute démocratie qui se respecte. Notre ministre a oublié qu'en démocratie, il devrait être responsable devant notre assemblée du comportement des équipes qu'il dirige.

Ce qui est terrible, c'est qu'un ministre de l'intérieur estime que c'est à lui de dire ce qu'un parlementaire a le droit de faire ou de ne pas faire, où il a le droit d'aller ou de ne pas aller, et quelle forme peut prendre son opposition. Ce comportement n'est pas celui d'un dirigeant démocrate : il est celui d'un dirigeant autoritaire. Malheureusement c'est devenu normal en France, depuis l'état d'urgence.

Ce matraquage d'un parlementaire légitimé par l'exécutif est un symptôme. La violence et la brutalité envers les militants sont devenues normales, banales. Il fut pourtant une époque où la mort d'un manifestant, Malik Oussekine, suivie de la mutilation d'un seul jeune, éborgné par un tir tendu, avaient provoqué la démission d'un ministre et le retrait de son projet de loi. Si nous étions encore dans une démocratie digne de ce nom, Christophe Castaner aurait dû démissionner tous les jours depuis seize semaines.

Voici son bilan concernant les gilets jaunes : 499 signalements, 205 blessures à la tête, 1 décès, 22 personnes éborgnées, 5 mains arrachées. Le ministère de l'intérieur évoque 2 100 blessés. Pas plus qu'envers Loïc Prud'homme il n'a eu le moindre mot d'humanité envers ces mutilés à vie. Pire, Emmanuel Macron le soutient, en déclarant mardi dernier qu'un manifestant était coupable du pire si la manifestation à laquelle il participe dégénérait. Et ses serviteurs d'applaudir et d'exécuter ses basses oeuvres.

Aujourd'hui est poussée au paroxysme une répression de l'action militante qui détruit la vie de nombreux militants depuis de nombreuses années. J'aimerais vous citer quelques exemples de militants qui ont été broyés pour avoir osé faire leur devoir de représentants syndicaux.

Gaël Quirante, militant syndical de La Poste des Hauts-de-Seine qui se mobilise pour un service postal de qualité, a subi dix tentatives de licenciement en quatorze ans. Il a dû essuyer presque un an de mise à pied. Son camarade Nourdine s'est fait fracturer le nez par un cadre de La Poste en février. Les interventions de la BAC ne se comptent plus pour déloger les grévistes. Mais dans votre système c'est toujours Gaël le coupable. C'est lui qui est poursuivi au tribunal, c'est lui qui est sous le coup d'un licenciement malgré l'avis inverse de l'inspecteur du travail. Sans doute cela a-t-il un rapport avec la majorité absolue atteinte par son syndicat aux dernières élections professionnelles.

Karim est un lanceur d'alerte.

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