Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mercredi 6 mars 2019 à 15h00
Débat sur la réduction drastique du nombre d'emplois aidés et son impact sur les tissus de solidarité au niveau local

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Pour trouver un emploi, il ne suffit pas de traverser la rue. Alors que l'on peut estimer qu'il y a, en moyenne et en équivalent temps plein, un emploi non pourvu pour quarante chômeurs, vous continuez, madame la ministre, à tenir les chômeurs pour responsables de leur chômage, en renforçant les contrôles et les exigences qui pèsent sur eux : avec votre politique, et malgré le dévouement de ses agents, Pôle emploi est devenu le lieu où l'on vérifie que vous vous agitez bien pour trouver un emploi plutôt que celui où l'on vous en propose effectivement un.

Dès votre accession au pouvoir, vous annonciez votre volonté de réduire drastiquement le nombre de contrats aidés, ramenant en quelques mois leur nombre de 460 000 à 310 000. Annoncé en plein été, ce coup de canif dans un dispositif d'accompagnement vers l'emploi a mis en difficulté de nombreuses associations et collectivités territoriales, particulièrement en zone rurale et dans les quartiers populaires. À cause de vous, plusieurs municipalités ont été contraintes de repousser la rentrée scolaire faute de personnel pour accueillir les enfants. Ce fut par exemple le cas à La Réunion, où dix-huit communes sur vingt-quatre étaient concernées.

La saignée s'est ensuite poursuivie : seuls 200 000 contrats aidés ont été budgétés pour l'année 2018. Par la suppression de 250 000 postes, le Gouvernement est responsable du plus grave plan social qu'ait connu notre pays depuis des décennies. En matière d'emploi, vous êtes complices du pire.

Et quel argument a justifié la suppression de ces contrats ? Leur prétendu coût exorbitant. Un argument irrecevable ! Le coût annuel d'un emploi aidé pour les finances publiques n'est estimé qu'à 13 000 euros par l'Inspection générale des finances. Vous lui préférez l'exonération de cotisations patronales pour un emploi au niveau du SMIC, pourtant deux fois plus chère.

C'est bien la politique que vous poursuivez qui coûte très cher et qui est inefficace : le fameux crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – , que vous pérennisez en baisse de cotisations, coûte 20 milliards d'euros – 40 cette année. Vous en gavez des entreprises qui n'en ont pas besoin, dont certaines détruisent des emplois par centaines après avoir touché vos aides – sans contrepartie, bien sûr ! Chacun peut le constater dans le cas du site de Ford à Blanquefort. Compte tenu des emplois que le dispositif aura permis de créer ou de maintenir, savez-vous combien coûte en moyenne un emploi CICE ? Environ 160 000 euros : c'est treize fois plus qu'un contrat aidé !

En janvier 2018, sur la base d'un rapport à charge commandé à un député de la majorité, vous avez décidé, madame la ministre, de refondre complètement le système de l'emploi aidé. Pourtant, les contrats aidés, vous le savez, bénéficient avant tout aux personnes durablement éloignées de l'emploi ; ils permettaient de retisser le lien social grâce à l'action d'associations qui tentent de compenser le recul des services publics et l'abandon de territoires entiers par la République. En un an, sous le gouvernement auquel vous appartenez, le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de plus de 5 % ; le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi atteint 6 millions. Notre pays connaît une véritable pénurie d'emplois.

Dans le même temps, vous avez multiplié les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Vous avez supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune et instauré la flat tax, prétendant que ces offrandes – sans contreparties, elles non plus – permettraient de relancer l'investissement. Il n'en est rien, mais les 1 % les plus riches du pays, eux, ont augmenté leurs revenus de 15 % grâce à votre politique.

Pourtant, pour lutter contre le chômage, nous mettons des solutions à votre disposition. À l'heure de la catastrophe climatique annoncée et alors que la jeunesse du pays se lève pour exiger une politique ambitieuse pour le climat, la planification écologique que nous appelons de nos voeux permettrait de créer un million d'emplois en un quinquennat. Qu'attendez-vous donc ?

On sait que 80 % des contrats signés sont des contrats courts : qu'attendez-vous pour limiter le recours à ce type de contrats en instaurant des quotas modulables en fonction de la taille de l'entreprise, comme nous vous l'avons proposé ?

De même, pour satisfaire des besoins sociaux et environnementaux auxquels l'économie de marché ne répond pas, nous suggérons de faire de l'État l'employeur en dernier ressort, en transformant les allocations chômage en contrat de travail, complété par la réalisation des missions nécessaires sur le territoire. Cela permettrait en fait de généraliser l'expérimentation menée dans le cadre des « Territoires zéro chômeur de longue durée », lancée par ATD Quart Monde et menée avec succès dans plusieurs territoires, dont ma circonscription.

En résumé, madame la ministre, qu'attendez-vous pour cesser de pourchasser les chômeurs et pour commencer enfin à lutter contre le chômage ?

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