Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat :

La proposition de loi du groupe GDR vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés. Je tiens à saluer cette initiative qui nous permet d'évoquer un sujet majeur, celui du handicap.

L'amélioration de la vie des personnes en situation de handicap nécessite la prise en compte de l'ensemble de leurs besoins et attentes, s'agissant notamment des aides qu'elles perçoivent. Cependant, les questions qui se posent ne se limitent pas au mode de calcul de l'AAH.

L'allocation aux adultes handicapés est une aide financière qui, comme cela a déjà été dit, vise à assurer aux bénéficiaires un minimum de revenus. Elle est attribuée sous réserve de respecter des critères d'incapacité, d'âge, de résidence et de ressources. Son montant vient en complément des éventuelles autres ressources de la personne en situation de handicap. Il s'agit donc d'une allocation subsidiaire, d'un minimum social qui prend en compte les ressources du foyer, notamment les revenus du conjoint, et le nombre d'enfants à charge. Dans ce cadre, un abattement spécifique de 20 % sur les revenus d'activité du conjoint est pris en compte dans le calcul de l'AAH. Nous souhaitons défendre et maintenir ce principe de solidarité familiale, d'autant que la déconjugalisation de l'AAH que vous proposez serait défavorable à de nombreux bénéficiaires.

L'AAH est essentielle pour les personnes en situation de handicap. C'est pourquoi son montant sera revalorisé de 11 % entre 2017 et 2019, conformément aux engagements de campagne, pour atteindre la somme de 900 euros par mois. L'investissement total de l'État s'élèvera à 2 milliards d'euros d'ici à 2022.

Dans ce cadre, nous avons aussi choisi de suivre les recommandations du rapport « Plus simple la vie » rédigé par M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et M. Jean-François Serres, membre du Conseil économique, social et environnemental. Les mesures proposées dans ce rapport visent à faciliter la vie des personnes en situation de handicap présentant un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 %. Ainsi, nous avons procédé à une simplification administrative qui permet à ces dernières de déclarer leur situation une seule fois au cours de leur vie, contre neuf à dix fois auparavant. Cette simplification majeure pour les bénéficiaires libère du temps aux aidants ainsi qu'aux acteurs des maisons départementales des personnes handicapées, ce qui leur permet de se recentrer sur leur rôle d'accompagnement et de conseil en vue d'une meilleure insertion des personnes handicapées dans la vie active.

Ce temps retrouvé par les différents intervenants permet de travailler sur l'inclusion, question essentielle et primordiale qui nécessite un accompagnement physique et des aides financières. C'est par l'insertion que nous pourrons développer l'autonomie et l'émancipation. Les personnes en situation de handicap souhaitent suivre un réel parcours de vie : c'est pour cela que nous devons mener une politique d'inclusion scolaire, professionnelle et sociale.

L'émancipation par le travail est rendue possible par l'intégration en milieu scolaire.

Nous devons aider les personnes en situation de handicap à accéder au travail dans les entreprises, afin de leur garantir une réelle insertion professionnelle. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place des référents handicap dans les entreprises. Lorsque le handicap est plus lourd et ne permet pas l'accès à un travail adapté en entreprise, la personne peut être orientée vers un emploi en entreprise adaptée ou en établissement et service d'aide par le travail – ESAT. À ce titre, nous avons proposé la création de 40 000 postes en entreprise adaptée d'ici 2022, en plus des 23 000 postes existants.

Lorsque l'inclusion par le travail n'est pas envisageable, il est possible d'aider les personnes handicapées par le versement d'une prestation compensatoire du handicap. Cette aide est la traduction du droit à la compensation, ce que n'est pas l'AAH. Elle vise à financer les besoins des personnes en situation de handicap au regard de leur projet de vie, à savoir l'aide humaine, technique et les aménagements de logement. Les modalités d'attribution de la PCH doivent évoluer et s'améliorer afin de réduire, entre autres, les disparités entre les différents départements.

Parallèlement, le Gouvernement a installé la Conférence nationale du handicap afin de mieux prendre en compte les besoins des personnes. Comme Mme la secrétaire d'État l'a signalé, un groupe de travail national a été mis en place sous la présidence de Mme Martin, vice-présidente du conseil départemental du Maine-et-Loire – mon département – , dont je salue l'action.

En septembre 2018, le Président de la République a présenté la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, la création d'un revenu universel d'activité a été proposée. Ce revenu universel d'activité résulterait d'une fusion du plus grand nombre de prestations sociales possibles. À ce titre, une concertation institutionnelle et citoyenne sera lancée dès avril 2019 pour définir les contours de ce nouveau système de minima sociaux.

Il est important de changer la représentation du handicap afin de permettre à chaque personne de suivre un parcours de vie adapté à ses besoins tout en l'accompagnant vers davantage d'autonomie dans la réalisation de ses projets.

Depuis 2017, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme nous incite justement à repenser la politique du handicap pour construire une société véritablement inclusive. Catalina Devandas Aguilar, rapporteure spéciale des Nations unies pour les droits des personnes handicapées a notamment déclaré : « Pour atteindre l'égalité de la citoyenneté des personnes handicapées, la France doit mettre fin à la ségrégation et s'orienter vers des services et un soutien inclusifs dans la communauté. »

Aujourd'hui, nous souhaitons passer d'un système protecteur – parfois même trop protecteur – à un système inclusif permettant à toute personne handicapée d'être respectée, de faire valoir sa dignité et de s'émanciper pour gagner en autonomie sociale, professionnelle et financière autant qu'il est possible, seule ou accompagnée d'aidants bienveillants.

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