Intervention de Brahim Hammouche

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrahim Hammouche :

La proposition de loi de notre collègue Marie-George Buffet que nous examinons aujourd'hui vient replacer le sujet du handicap au coeur de nos débats. Si ces derniers sont toujours l'occasion d'échanges nourris et passionnés, il est utile de rappeler que, sur tous les bancs de cet hémicycle, les situations de handicap et ces quotidiens de vie sont pris très au sérieux et que personne ne peut les préempter. Le handicap appelle une réflexion globale et systémique sur une nouvelle société de partage et d'inclusion, sur le bien commun d'une communauté de vie et de personnes en relation d'insertion et de protection. Plus précisément, ce texte nous invite à réfléchir et à nous prononcer sur la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés.

Les deux chambres de la représentation nationale – notre assemblée et le Sénat – ont eu l'occasion d'aborder cette question à plusieurs reprises. En octobre dernier, la Chambre haute a rejeté assez largement ce texte, comme l'a fait, voilà deux semaines, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne s'est pas prononcé en faveur cette proposition de loi et fera de même aujourd'hui, pour cette raison principale que l'allocation aux adultes handicapés est une prestation sociale qui assure un plancher de ressources sans logique compensatoire. Elle répond à une logique de solidarité familiale qui est une composante, non pas alternative, mais constitutive de notre solidarité nationale, à laquelle notre groupe est fondamentalement attaché. C'est la raison pour laquelle l'AAH s'inscrit dans le champ de la solidarité entre époux ou conjoints et s'articule avec elle. C'est là un principe de base de notre modèle social et de notre solidarité nationale, qui donne priorité à la mobilisation familiale des ressources. Comme toute autre allocation, l'AAH est familialisée et différentielle, et augmente en fonction de la taille du foyer auquel appartient le bénéficiaire. C'est un principe de responsabilité et d'équité.

En outre, des mécanismes cumulatifs et des abattements sont prévus pour permettre l'autonomie des personnes, comme la limitation de la base ressources aux seules ressources imposables à l'impôt sur le revenu ou un mécanisme d'abattement de 20 % dans la prise en compte des revenus du conjoint, qui permet de limiter la charge fiscale du foyer.

L'AAH se situe donc pleinement dans une logique solidariste, et non pas dans une logique d'indemnisation individualisée ou de compensation financière, qui est, comme nous l'avons rappelé, celle de la prestation compensatoire du handicap, créée en 2005 et consistant en une aide en nature, universelle et accordée sans conditions de ressources pour faire face aux dépenses liées à l'absence ou à la perte d'autonomie. C'est toutefois sur ce levier que nous devons engager une réflexion profonde et une réforme structurée. En effet, le fonctionnement de la PCH paraît trop complexe et nombre d'incohérences et de blocages sont apparus depuis sa mise en place. Il serait donc opportun de procéder aux ajustements nécessaires pour que le dispositif de la PCH puisse être plus lisible, plus efficace et plus juste, notamment en matière de parentalité et de modes de garde.

Nous comprenons donc l'objectif poursuivi par cette proposition de loi de donner de la flexibilité au calcul de l'allocation, afin d'assurer plus d'autonomie financière aux bénéficiaires vivant en couple. Permettre aux personnes en situation de handicap de bénéficier de ressources suffisantes pour vivre décemment est évidemment une priorité et une responsabilité collective. Nous pensons toutefois que nous ne pouvons pas remettre en cause les grands principes du système de solidarité français et qu'il existe de nombreux autres vecteurs pour réaliser ce dessein. Par exemple, et pour faire écho à ce qui a déjà été évoqué à cette tribune, nous avons voté l'augmentation successive de l'AAH – de 50 euros par mois en 2018, puis de 40 euros supplémentaires en 2019 – lors de l'examen des deux derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, conformément aux annonces du Président de la République. Il s'agit là d'un effort important, de près de 2 milliards d'euros sur cinq ans. Le montant de l'AAH atteindra ainsi 900 euros mensuels en novembre prochain, ce qui en fera la prestation sociale la plus élevée, ce qui est d'ailleurs tout à fait normal, car il s'agit d'un juste ajustement aux besoins.

Qui plus est, dans la perspective de la réforme du revenu universel d'activité, il sera question de la refonte de l'ensemble des minima sociaux, et donc de l'AAH. Il s'agira de garantir l'existant tout en trouvant des modalités adaptées pour que le nouveau système soit véritablement inclusif et permette d'aller vers davantage d'autonomie. Les plafonds en vigueur pourraient ainsi être réévalués afin de faciliter la vie de couple des personnes bénéficiaires.

Notre groupe s'impliquera pour que le nouveau système qui sera instauré soit encore plus ajusté à l'ambition d'une société inclusive pour les personnes en situation de handicap. Il privilégiera une approche systémique et globale, et non plus seulement individuelle.

Le groupe MODEM et apparentés ne pourra donc apporter ses suffrages à cette proposition de loi, étant donné son éloignement du principe de solidarité nationale et familiale, qui est l'un des piliers de la société française. Nous faisons pleinement confiance à Mme la secrétaire d'État Sophie Cluzel pour conduire la politique du handicap avec cohérence et ambition, comme elle le fait depuis le début du quinquennat.

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