Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Cela est d'autant plus vrai que le thème qui revient en tête des sujets émergeant de la liste des revendications relatives au handicap est précisément cette réforme des règles du cumul des revenus du conjoint avec l'AAH, ce qui prouve que cette situation est ressentie comme une très grande injustice par nos concitoyens en situation de handicap.

Vous ne pouvez pourtant pas évacuer d'un revers de main cette question des ressources, comme vous l'avez fait, madame la secrétaire d'État, lors de votre interview sur LCI en février dernier ou comme l'a fait la majorité au cours des débats en commission. Les arguments avancés pour justifier le rejet du texte nous ont semblé bien insuffisants au regard de l'importance du sujet. Vous ne pourrez d'ailleurs pas éviter que cette question soit introduite par les associations dans l'ordre du jour de la prochaine conférence nationale du handicap, prévue dans quelques mois.

Nous aurions pu espérer une avancée de votre part après nos travaux en commission, mais le groupe majoritaire a choisi, encore une fois, la tactique consistant à vider cette proposition de loi de sa substance, en déposant quatre amendements de suppression de ses articles, et même une motion de rejet préalable du texte.

Nous vous le disons posément, madame la secrétaire d'État : la communication permanente ne peut servir de bilan politique. Or, depuis vingt mois, tous les signaux d'alerte sont en train de s'allumer quant à la politique mise en oeuvre. Nous assistons, pour ce qui concerne la vie des personnes handicapées, à un basculement insidieux de la solidarité nationale vers la solidarité familiale. L'État se défausse sur les familles. Les associations, qui dénoncent ce glissement, ont déposé récemment une réclamation collective devant le Conseil de l'Europe, afin de faire condamner l'État français pour violation des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap et de voir leurs revendications aboutir.

En effet, les priorités du Gouvernement sont clairement centrées sur la réduction des dépenses publiques. Ainsi, les mesures prises pour l'accès aux droits et la revalorisation de l'AAH ne peuvent compenser toutes celles qui diminuent peu à peu les revenus des personnes handicapées et détricotent la loi de 2005, et qui sont pour l'État autant de rentrées financières dont nous ne connaissons pas les chiffres. Je citerai pour exemple, parmi d'autres, la désindexation de l'augmentation de l'AAH sur l'inflation et la suppression de son complément de ressources, l'exclusion de la prime d'activité des titulaires de pensions d'invalidité pour accident du travail ou maladie professionnelle – AT-MP – après un sursis d'un an, la baisse de 10 % des pensions d'invalidité, la hausse des frais de tutelle des majeurs accompagnés, la baisse de 5 euros de l'APL – l'aide personnalisée au logement – , et la suppression de l'accessibilité universelle par l'article 18 de la loi ELAN, reconnue discriminante par le défenseur des droits.

Ces baisses de revenus sont d'autant plus anxiogènes pour les personnes handicapées qu'elles s'inscrivent dans le débat lancé sur les contreparties aux aides sociales, lequel prétend conditionner l'aide à un emploi. De plus, le chantier du futur revenu universel d'activité, dit RUA, intégrera vraisemblablement l'AAH dans la liste des différents minima sociaux qui seront refondus dans cette aide forfaitaire : nous serons très attentifs à ce futur chantier et à ses conséquences pour les personnes handicapées.

Lorsque Christophe Sirugue, dans son rapport, repense les minima sociaux en vue de leur simplification dans une nouvelle architecture, son but est non seulement de ne pénaliser aucun bénéficiaire mais également d'apporter une amélioration à leur condition. Il serait donc juste de conserver le caractère spécifique de l'AAH en retirant celle-ci de la liste des aides sociales qui seront fondues dans le RUA. En ce sens, nous souscrivons au constat de la rapporteure sur la nécessité de sortir de la notion de minimum social pour aller vers une allocation d'autonomie et d'indépendance. C'est pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

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