Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

À l'heure où le Gouvernement s'est engagé dans un grand débat visant à rassembler les Français, il est tout à fait significatif que la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint fasse partie des demandes majeures parmi les contributions de nos concitoyens concernant le handicap.

Depuis la loi fondatrice du 30 juin 1975, nous sommes passés progressivement d'une logique d'assistance, centrée sur le soin et la prise en charge des personnes, conformément à une conception médicale du handicap, à une logique de droits. Cette évolution a été consacrée par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a repris le principe du droit à compensation des conséquences du handicap et lui a apporté une définition et un contenu.

La création de la prestation de compensation du handicap par la même loi devait apporter une clarification bienvenue sur la nature des prestations : la PCH devait concrétiser le droit à la compensation du handicap tandis que l'AAH était conçue comme un revenu d'existence. Aujourd'hui, l'AAH pâtit de son positionnement à la lisière entre la logique solidariste, qui prévalait en 1975, et le principe du droit à compensation apporté par la loi de 2005. Il est plus que nécessaire de clarifier la logique d'attribution de cette prestation.

Il faut le redire avec force : l'AAH n'est pas un minimum social comme les autres. Il n'est pas possible de la comparer au revenu de solidarité active car, contrairement aux bénéficiaires du RSA, la situation des personnes handicapées est le plus souvent irréversible. Selon des chiffres de la DARES de 2015, moins de 20 % des personnes percevant l'AAH avaient alors un emploi, soit parce qu'une activité professionnelle leur est impossible en raison d'un taux d'invalidité trop important, soit, il faut le souligner, parce que les personnes en situation de handicap font encore l'objet d'une discrimination massive dans le monde du travail. En outre, les personnes handicapées sont davantage exposées au risque de chômage : elles y restent en moyenne 200 jours de plus que les autres.

Nous regrettons par ailleurs la logique comptable qui a prévalu dans les derniers projets de loi de finances. Nous avons salué les revalorisations successives du montant de l'AAH accordées par le Gouvernement, le portant à 860 euros en novembre 2018 et à 900 euros l'année prochaine. Pourquoi les accompagner de mesures purement budgétaires de resserrement des conditions d'attribution pour les couples, tout à fait contradictoires avec les orientations visant à leur permettre de mener une vie normale ? Ainsi, l'abaissement progressif pour les bénéficiaires de l'AAH en couple du coefficient multiplicateur du plafond des revenus, de 2 à 1,9 au 1er novembre 2018 puis à 1,8 le 1er novembre 2019, risque d'exclure du bénéfice de l'AAH les foyers dont les ressources sont comprises entre 1,8 et 2 fois le plafond individuel.

Alors que vont s'engager les travaux sur le revenu universel d'activité, nous appelons à une réflexion de fond sur les mécanismes d'attribution des prestations liées au handicap. Les associations concernées s'inquiètent déjà des conséquences pour les bénéficiaires de l'AAH de son éventuelle fusion dans le futur revenu universel d'activité. Nous veillerons particulièrement à ce que toute évolution du périmètre de nos prestations sociales ne se traduise pas par une perte de droit pour les personnes en situation de handicap.

Le groupe UDI, Agir et indépendants soutient cette proposition de loi, qui répond à une exigence de justice : les personnes en situation de handicap ne devraient pas être pénalisées dans leur vie privée du simple fait de ce handicap.

Madame la secrétaire d'État, nous reconnaissons votre engagement et votre action pour les personnes en situation de handicap, ainsi que la volonté du Gouvernement de faire de l'inclusion une priorité pour ce mandat. Alors faites encore un petit effort ou, du moins, laissez-nous en débattre !

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