Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je partage les constats de Mme Peyrol sur la nécessité de réduire les prélèvements obligatoires et de repenser missions et périmètres. Nous sommes tout à fait d'accord et je compte évidemment sur le Parlement pour continuer, notamment au lendemain du Grand débat national, à nous aider à repenser l'action publique. Vous me posez, madame la députée, une question de méthode sur la modification de règles budgétaires, notamment à la suite du décret du mois de septembre dernier. Dans les détails, c'est un peu technique, mais, pour résumer, disons que cela repose sur la confiance. Le décret supprime les sur-gels et, surtout, permet la contractualisation de la progression budgétaire en 2020, 2021 et 2022. Cela répond à une demande de nombreux ministères et opérateurs. Nous avons commencé à contractualiser avec quelques-uns d'entre eux, par exemple Météo France ou Business France. En contrepartie, les règles sont plus souples pour celui qui gère les crédits. Nous demandons par exemple moins de choses aux opérateurs dans les tableaux qu'ils renseignent. Si M. le président de la commission le souhaite, nous pourrons faire un point sur les méthodes et sur la pratique budgétaires : il s'agit d'essayer de responsabiliser le pilotage budgétaire, politique publique par politique publique.

Que se serait-il passé si nous n'avions pas sincérisé, madame Louwagie ? Nous aurions fait comme nos prédécesseurs : nous aurions sans doute rajouté l'argent qui manque. Lorsqu'il y a des discussions budgétaires, il est assez facile, pour les ministères thématiques, de sincériser leurs dépenses pilotables et de mettre un peu moins dans les dépenses obligatoires : à la fin, le ministre du budget, pris un peu comme un lapin dans les phares, est obligé de remettre de l'argent.

Aidés par le Parlement, nous arrivons à sincériser un certain nombre de dépenses pas toujours prévisibles mais souvent prévisibles quand même. Je pense que c'est la moindre des choses que nous devons au Parlement. En l'absence de sincérisation, nous aurions réduit la dépense publique d'à peu près 1 milliard d'euros en 2018 par rapport à l'année 2017, mais, moi-même, je trouve que cet argument n'est pas très bon. La sincérisation, ce sont des dépenses que nous aurions faites quoi qu'il arrive. C'est un peu dommage : en 2017 et 2018, on nous a reproché une augmentation des dépenses publiques, alors que nous avons fait un effort sans précédent de baisse ou de maîtrise de la dépense publique, parce qu'il fallait sincériser autour de 4 à 5 milliards d'euros.

Je réponds en même temps à la question posée par M. Hetzel : c'est la première fois depuis plus de vingt ans à ma connaissance que le budget de l'agriculture n'est pas « en dérive ». Jusqu'à présent, tous les rapports du Parlement et de la Cour des comptes le montrent, il l'était structurellement. Et puisque vous évoquez, monsieur Hetzel, la Cour des comptes, celle-ci a relevé plusieurs fois la sincérité des budgets que j'ai pu lui présenter. D'ailleurs, dans le considérant 18 de la décision qu'il a rendue le 28 décembre dernier à propos de la loi de finances pour 2019, le Conseil constitutionnel a balayé d'un revers de main le reproche d'insincérité que vous formuliez à propos de la loi de finances. Les deux organes qui contrôlent la sincérité budgétaire nous ont donc décerné un satisfecit – bien sûr, cette sincérité est due au Parlement et aux Français.

Quant à la loi de programmation militaire, nous devons continuer à sincériser : 200 millions d'euros par an. Bien sûr, la question des opérations extérieures est toujours très compliquée, puisque beaucoup sont décidées en cours d'année, mais nous tenons cette sincérisation.

Et si, oui, la dette augmente, c'est parce que nous l'avons aussi sincérisée ! Nous avons effectivement repris la dette de la SNCF, qu'aucun gouvernement n'avait souhaité reprendre. Ainsi, nous augmentons quasiment de 40 milliards d'euros la dette. Tout le monde savait que c'étaient 40 milliards d'euros de dette publique, tout en faisant semblant de ne pas la voir. « Cachez cette dette que je ne saurais voir ! » Alors, oui, la dette augmente, mais, de même, si vous nous reprochiez l'an dernier une augmentation de la dépense publique, c'est parce que nous l'avions sincérisée. Nous sommes très heureux de ne pas continuer à dissimuler cette dette. Bien sûr, il faut continuer à la réduire. Elle augmente aussi pour des raisons indépendantes de notre volonté, que nous subissons et que nous devons combattre. Elle augmente avec le retour de l'inflation et la hausse, même légère, des taux d'intérêt.

Mme Amélie de Montchalin évoquait Antoine Pinay. Je ne l'ai pas connu personnellement, mais il ne me déplaît pas que mon action soit comparée à celle de son gouvernement. Peut-être, monsieur Carrez, le déficit n'était-il pas le même mais... la croissance non plus ! Et la dette n'était pas non plus du même montant.

Quant à la TVA, nous avons prévu en loi de finances pour l'année 2018 154,6 milliards de recettes de TVA. Finalement, nous avons constaté une recette de 156,7 milliards d'euros. Nous avons corrigé le chiffre donné, mais ce n'est pas du tout contradictoire avec ce qu'a dit M. Le Maire. Quand nous avons fait notre rectificatif au mois de novembre, nous avions prévu un peu moins de recettes de TVA et nous avons constaté que nous avions été légèrement trop négatifs. Nous pensions même, en toute objectivité, que nous aurions moins, en décembre, que le chiffre proposé en novembre. Cependant, la croissance à 1,5 %, qui a subi les événements du quatrième trimestre – je pense au tourisme et aux commerces de centre-ville de quelques grandes métropoles –, n'est pas totalement liée aux recettes de TVA. M. Le Maire et moi ne nous contredisons pas.

Par ailleurs, monsieur Aubert, il y aura sans doute des rectifications, mais c'est chaque année la même chose. Je ne crois pas que nous ayons connu plus d'événements au cours de l'année 2018.

Madame El Haïry, comme le groupe du Mouvement Démocrate, je suis très attaché à une trajectoire qui est sincère et correspond aux engagements européens.

Le débat sur la taxation carbone, qui traverse manifestement tous les courants politiques, est très intéressant, mais mon rôle est un peu de regarder cela d'un point de vue comptable, et c'est peut-être aussi un peu le vôtre : si nous devons renoncer à cette fiscalité carbone, ce seront des recettes en moins. Peut-être cela répond-il à une demande du peuple français. Il faudra alors assumer de dériver budgétairement ou prendre les mesures de réduction des dépenses. Vous comprenez bien en quoi la trajectoire budgétaire ne peut être présentée aujourd'hui. Je ne peux préjuger de la conclusion du Grand débat sur tous les sujets de dépense publique et de fiscalité. Ce qui est certain, c'est que nous aurons ce débat au mois d'avril ou mai, et il s'agira non pas seulement des mesures annoncées par le Président de la République au mois de décembre mais aussi des trois prochaines années.

Nous avons quand même prévu 1,5 milliard d'euros de dépenses en moins dans ce fameux projet de loi de finances rectificative, madame El Haïry. Bien sûr, le Parlement pourra l'amender. La baisse de 1,5 milliard d'euros représente moins que les 3 % de gels, donc ces crédits pilotables existent. Et je rappelle que l'année dernière nous n'avons pas dépensé 1,4 milliard d'euros – ce n'est donc pas demander un effort démesuré que de ne pas dépenser 1,5 milliard d'euros cette année. Bien sûr, tout le monde sera d'accord pour baisser la dépense publique en général et personne ne sera d'accord avec nos propositions de réduire certaines dépenses en particulier, mais ce n'est pas bien grave...

Selon les chiffres dont je dispose, nous comptons 3,4 millions de nouveaux bénéficiaires de la prime d'activité. D'après ce que j'ai compris, au mois de janvier, 33 % des personnes nouvellement éligibles l'ont demandée. Je ne peux cependant vous préciser le taux de recours. La prime d'activité est déclarative, elle n'est pas liée à la feuille de salaire ; il faut se rendre à la caisse d'allocations familiales (CAF). Malgré l'énorme travail d'Agnès Buzyn, la communication du Gouvernement et les efforts fournis par les agents des CAF – il n'y a pas eu de « bug » –, le taux de recours n'est pas de 100 %, mais Mme Buzyn pourra mieux que moi vous donner des chiffres.

Je remercie tous ceux qui ont bien voulu remercier le Gouvernement d'avoir donné à temps le plus possible de documents et d'éléments de sincérité. Je le dois évidemment aux services dont des membres m'accompagnent et à l'ensemble des collaborateurs de Bercy qu'il est parfois de bon ton de mépriser mais dont je constate qu'ils font bien fonctionner l'État et qu'ils donnent aux parlementaires les éléments souhaités, pour peu que le ministre veuille tenir les promesses qu'il a faites à ceux-ci.

En 2018, madame Pires Beaune, il y a eu 300 000 primes à la conversion ; 120 000 étaient prévues – 500 000 pour tout le quinquennat. C'est donc un franc succès, et 72 % des personnes qui l'ont perçue ne sont pas imposables.

Nous aurons bientôt tous les documents relatifs à l'excédent des comptes sociaux, sans doute au mois de mars ou d'avril. Quant aux suppressions de postes, elles figureront bien sûr dans les documents budgétaires que je vous fournirai. Je ne disposerai pas des chiffres des suppressions département par département, mais je veux bien relayer auprès de mes collègues la demande d'une déclinaison ministère par ministère.

Finalement, monsieur de Courson, vous m'avez demandé – je caricature un peu – si nous avions les moyens de baisser les impôts. Avec un déficit et une dette publique élevés, on peut se poser la question. Nous y avons répondu positivement parce que nous considérons, pour notre part, que ce plus fort taux de prélèvements obligatoires en Europe qui est le nôtre handicape la croissance et compromet donc finalement les recettes. Vous connaissez la formule, assez libérale : « Trop d'impôt tue l'impôt. » Nous sommes parvenus à un point de saturation avec beaucoup d'impôts mal calculés, vieillissants, peu justes, qui grèvent la compétitivité des entreprises et la consommation des ménages. Nous faisons donc le pari économique de la baisse des prélèvements obligatoires.

Je suis heureux, monsieur le député, que vous m'ayez interrogé à ce propos, parce que j'ai entendu beaucoup de bêtises. Le Gouvernement aurait augmenté les impôts... C'est ce gouvernement qui a le plus baissé les impôts en deux ans ! La baisse est même supérieure à celle qui résultait de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA ». Mentionnons la fiscalité du capital, avec la transformation de l'ISF et du PFU, mais aussi ce que nous avons fait en matière de taxe d'habitation ou d'impôt sur les sociétés, et je ne reviens pas sur la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. À la fin du quinquennat, nous aurons sans doute réduit de plus d'un point le taux de prélèvements obligatoires, ce qui n'a jamais été fait.

Votre question est cependant plus globale : vous nous invitez à considérer le déficit et la dette, qui pèsent sur l'avenir. Le choix de la baisse des impôts est un pari, et nous pensons que nous sommes peu à peu en train de le gagner. Même si le taux de croissance vous paraît peu élevé, c'est quand même l'un des plus forts de l'Union européenne. Cela tient sans doute aussi au message que nous avons collectivement fait passer.

Nous verrons ce qu'il en sera en 2019 et en 2020 mais nous tenons à cette baisse d'impôt. L'objectif de maîtrise de la dépense n'en est que plus important, par définition. Sans doute est-ce là que réside le danger : continuer de baisser fortement les impôts – ce que nous faisons – sans maîtriser la dépense. En toute objectivité, le Gouvernement y est parvenu jusqu'à présent et devra faire preuve du plus grand sérieux pour poursuivre dans cette voie au cours des années qui viennent. Vous savez que cette trajectoire n'est pas toujours aisée à tenir mais, tant que je serai à mon poste, je m'y tiendrai et j'alerterai le Parlement – quitte à assumer au nom de tous l'impopularité de certaines baisses de dépenses.

Vous estimez qu'avec 4 milliards d'euros de baisse pour l'État, soit 0,2 % du PIB, nous ne pourrions pas tenir ces chiffres. Si l'on constate également une baisse de 0,2 % du budget de la sécurité sociale et de celui des collectivités locales, nous serons heureux à la fin mars et j'espère que vous nous féliciterez ! Nous verrons à ce moment-là.

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