Intervention de Dominique Potier

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Les membres du groupe Socialistes et apparentés partagent votre passion pour l'entreprise française, Monsieur le ministre. Cela ne nous gêne pas de passer encore quelques heures à en parler avec vous. Nous apprécions aussi le ton et la qualité des échanges que nous avons eus.

En revanche, nous ne partageons pas votre diagnostic. Si le Sénat s'est montré réactionnaire, le texte initial n'était pas porteur d'un immense progrès ou d'une audace telle que vous la décrivez. Il ne faut pas se payer de mots et il faut remettre les choses à leur juste mesure. Nous serons avec vous pour rétablir les quelques avancées, parfois symboliques ou homéopathiques mais néanmoins utiles, sur lesquelles nous avions un accord. Nous serons là avec notre propre ADN – qui peut avoir des points communs avec d'autres – que nous avions traduit dans notre proposition de loi intitulée « Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances ».

Ce texte tournait autour de deux idées socles : la codétermination et une vraie réforme du code civil. Nous proposions une réforme en profondeur de l'entreprise pour que les salariés en deviennent les parties constitutives et pour que l'entreprise, dans le code civil, rende compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de ses activités, ce qui n'est pas tout à fait pareil que de les prendre en considération.

À partir de ce socle, nous avions développé d'autres idées dont je ne vais reprendre que celles qui pourront survivre à l'entonnoir législatif. Nous plaidons pour un écart décent entre les salaires. Ce n'est pas une affirmation ou un affichage flou. C'est une mesure fiscale précise et réaliste, qui ne dépend que de notre volonté politique : au-delà de douze fois le salaire le plus faible, ce n'est plus une charge, c'est un privilège qu'il convient de ne pas déduire de l'impôt sur les sociétés.

En matière de responsabilité sociétale des entreprises – RSE –, nous sommes de plus en plus nombreux dans notre société à penser que les critères que nous avons connus – business to business et reporting privé – ont fait leur temps. Il faut inventer un nouvel âge de la RSE. Nous ferons des propositions pour une comptabilité du XXIe siècle.

S'agissant de la finance verte, nous n'avons pas été au bout de ce qui est l'urgence absolue de nos sociétés : l'engagement de la transition écologique. Il faut des milliards d'euros en plus sous une forme ou une autre. Il faut des milliards d'euros publics mais il faut surtout des milliards d'euros privés. Pour aller plus loin, nous ferons des propositions sur l'épargne retraite mais également sur l'assurance-vie.

En matière de loyauté fiscale, nous saluons les avancées – malheureusement uniquement françaises – à l'égard des GAFA, sigle qui désigne les géants du numérique que sont Google, Apple, Facebook et Amazon. Nous saluons votre volontarisme, Monsieur le ministre, tout en sachant que ces mesures symboliquement importantes auront peu d'effets sur le plan fiscal. Nous sommes loin du compte à l'échelle européenne. En accueillant avec bienveillance notre amendement, vous pouvez faire 1 000 fois mieux avec la déclaration de la vérité fiscale des holdings, mesure adoptée pour les banques dans la réforme bancaire. La transparence sur l'optimisation et la fraude fiscales serait sans commune mesure avec ce que vous avez prévu.

Nous allons redire notre hostilité à des dérégulations qui nous paraissent inutiles et trop souvent idéologiques. Au-delà de la question des seuils, l'affaiblissement de l'accompagnement des entreprises – réduction de l'encadrement par les chambres consulaires et suppression du SPI – sonne l'alerte sur tout le territoire. Surtout, nous vous dirons qu'il y a une erreur qui ne sera pas réversible, contrairement à nombre de mesures sur lesquelles une autre majorité pourra revenir : la privatisation d'ADP et de la FDJ. Cette décision est d'une gravité particulière en raison de son caractère irréversible. Vous évoquiez tous ces Français qui semblent s'impatienter de libérer l'entreprise. Pour notre part, nous rencontrons des Français qui ne comprennent pas cette opération, une absurdité économique, dont les conséquences seront systémiques, symboliques et pratiques. Elle touche à une frontière extérieure de la France et aura des répercussions en termes d'aménagement du territoire. Sur ce point, nous aurons un affrontement clair.

Enfin, nous aimerions projeter nos réflexions sur l'entreprise dans un dessein européen. Nous nous y emploierons, notamment en séance.

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