Intervention de François Ruffin

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

On apprenait la semaine dernière, grâce à France Inter, qu'une réunion secrète s'était tenue à l'Élysée, durant l'été 2017, entre les dirigeants de l'Association française des entreprises privées – AFEP –, c'est-à-dire le gratin du CAC 40, et le président Emmanuel Macron. Les dirigeants de l'AFEP avaient exigé du Président de la République qu'il accélère le mouvement pour supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF. Emmanuel Macron avait aussitôt accordé son blanc-seing et ce fut fait.

Une réunion du Dolder, le club des grands groupes pharmaceutiques, s'est aussi tenue à l'Élysée. Le lendemain, le Premier ministre faisait à son tour des cadeaux à l'industrie pharmaceutique. S'il faut sans doute un registre des lobbies à l'Assemblée nationale, il faudrait aussi un registre des lobbies et des visiteurs du soir à l'Élysée. Nous aimerions savoir combien de fois les dirigeants du groupe Vinci ont rendu visite au président Macron pour que nous en soyons à décider la privatisation d'ADP. D'après Augustin de Romanet, son président-directeur général, ADP rapporte 170 millions d'euros en dividendes et 260 millions d'euros en impôt sur les sociétés. Son chiffre d'affaires augmente de 10 % à 30 % et sa marge bénéficiaire est de 14 %. Pour résumer, il n'y a pas d'entreprise qui marche mieux qu'ADP.

Cette privatisation apparaît évidemment incompréhensible à la gauche. Mon camarade Dominique Potier l'a dit au nom des socialistes, mais les communistes pensent la même chose. Elle paraît aussi incompréhensible à droite. Le sénateur Roger Karoutchi a dit : « Tout ça est extrêmement inquiétant. Autant je comprends une privatisation quand une entreprise publique ne marche pas et ne peut pas marcher tant qu'elle est tenue par les règles publiques. Aéroports de Paris est une entreprise publique qui marche bien, qui fait des bénéfices, qui investit. Franchement, gardez-la ! » Le Sénat a voté en ce sens.

En introduction de son avis, le Conseil d'État, qui n'est pas particulièrement contestataire, mentionne le caractère singulier de la réforme envisagée par le Gouvernement. En raison de tous les signaux envoyés, de forts soupçons pèsent sur la privatisation d'ADP. Le sénateur socialiste Martial Bourquin explique : « Il n'y aurait pas eu Toulouse, il n'y aurait pas eu les autoroutes, on pourrait s'interroger. Là on ne s'interroge plus. On sait que c'est une rente toute faite pour celui qui prendrait Aéroports de Paris demain. Alors on s'interroge : est-ce qu'après Nantes, il faut satisfaire Vinci à Paris ? On s'interroge. »

Dans la foulée, Mediapart mentionne le fait que le rapporteur général, notre cher président de la commission des affaires économiques, Roland Lescure, était membre de la Caisse des dépôts et consignations du Québec, un groupe qui est pressenti pour prendre des parts dans ADP. Mediapart mentionne aussi la présence et les propos d'Aigline de Ginestous : « Heureusement, il y avait l'affaire Benalla. On craignait que la procédure d'indemnisation que nous avons prévue pour la commission d'ADP soulève des oppositions. En fait, les députés ont à peine regardé, tout est passé sans problème. » Ce n'est pas passé sans problème au Sénat et cela ne passera pas sans problème pour le retour du texte, aujourd'hui, en commission.

Qu'a été le mouvement des « gilets jaunes » ? Entre autres, il a été une révolte des péages.

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