Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 21h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances :

J'aimerais apporter quelques éléments de réflexion pour éclairer ce débat.

Premièrement, que va-t-il se passer si nous maintenons la rédaction du Sénat ? Dans ce cas, c'est la réglementation européenne qui s'appliquera, et je voudrais rappeler dans quel cadre. L'exportation est très encadrée par le règlement de l'Union européenne, qui poursuit le même objectif d'encadrement strict des exportations de produits chimiques dangereux. Le consentement préalable du pays importateur est exigé, après que celui-ci a été dûment informé des risques associés au produit. Je précise que dans les pays en question, qui sont des États souverains, il existe des autorités comparables aux nôtres. Des procédures existent donc, qui sont assez similaires aux autorisations de mise sur le marché pour les médicaments : ces autorités sanitaires se prononcent sur l'opportunité, ou non, d'autoriser l'utilisation de ces produits phytosanitaires. Je répète que le dispositif d'importation est très encadré et parfaitement transparent.

Vous avez souligné à juste titre, Monsieur Potier, que nous n'avons pas affaire aux mêmes ravageurs en France et à Madagascar. Des études ont montré qu'il existe un lien direct entre l'utilisation de ces produits sanitaires et l'existence même de certaines productions. En effet, puisqu'il n'existe aucune alternative à l'heure actuelle, renoncer à certains produits phytosanitaires, c'est, de fait, mettre un terme à certaines cultures. C'est très sensible dans nos outre-mer, où la loi métropolitaine s'applique : la goyave, aujourd'hui, ne peut plus être cultivée en Guyane. Nos territoires d'outre-mer peuvent certes compter sur le soutien de la métropole, mais il est certains pays qui ont vu disparaître des cultures vivrières ou d'exportation. Vous le voyez, Monsieur Potier, c'est un tableau tout en nuances, ce qui ne retire rien à la justesse de vos propos sur l'impact environnemental des produits en question, qui est bien réel.

J'en viens, deuxièmement, à l'impact de la disposition que vous proposez. Elle serait le signal d'un transfert des productions françaises vers d'autres pays. En France, ce sont 2 700 emplois qui seraient concernés, dont 1 300 chez Bayer et BASF. Or il serait très facile pour ces deux entreprises, qui ont une empreinte industrielle plus forte dans leur pays d'origine, l'Allemagne, d'y transférer des lignes de production. Vous allez nous dire que nous vous faisons toujours la même réponse, mais sachez qu'une ligne a déjà été transférée en Allemagne. Cette mesure, enfin, va-t-elle résoudre le problème de l'exportation de ces produits vers les pays en question ? La réponse est non. Les lignes de production seront transférées et les produits continueront d'être exportés. Le rapporteur général a bien expliqué que nous avons le choix entre deux options : soit créer un nouveau marché de solutions alternatives, soit faire un cadeau à nos concurrents.

Troisièmement, comment faire pour créer ce marché alternatif et pour accompagner la transition écologique ? Nous ne pouvons pas rester les bras croisés, vous avez parfaitement raison. Ce que nous proposons, c'est de réunir les fabricants de produits phytosanitaires pour leur demander des engagements précis en matière de conversion, sur la base de la discussion que nous avons aujourd'hui. Je ne crois pas que la menace d'une interdiction à plus ou moins brève échéance – 2023, 2025 ou 2028 – puisse être efficace : dans la mesure où ces entreprises ont des lignes de production dans différents pays, il leur sera aisé de les regrouper au même endroit en procédant à une extension de site.

Il me paraîtrait plus opportun de réunir ces chefs d'entreprise et de mettre dans la balance le texte en discussion, qui introduit des contraintes, et les possibilités d'accompagnement de l'innovation. Nous leur demanderons de s'engager à réaliser cette conversion industrielle et à favoriser les solutions alternatives aux produits phytosanitaires, qui n'existent pas aujourd'hui. Telle est la démarche que je vous propose : c'est celle qui me semble la mieux adaptée. Pour ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur ces amendements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.