Intervention de Sabine Thillaye

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Coopération parlementaire franco-allemande — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye :

Au-delà de toute considération de fond, je ressens une intense émotion en voyant qu'il est aujourd'hui possible de débattre d'une proposition de résolution portant sur un approfondissement inédit de la coopération parlementaire franco-allemande. De par mon histoire personnelle et de par mes fonctions au sein de cette assemblée, j'en mesure toute la portée.

On dit souvent que le discours prononcé par le président Emmanuel Macron à la Sorbonne n'a pas trouvé de réponse. Pourtant, trois parlementaires allemands, Andreas Jung, Michael Georg Link et Franziska Brantner, ont publié une tribune transpartisane qui constituait en fait une réponse parlementaire à ce discours. Par ailleurs, les présidents de nos assemblées respectives ont fait preuve d'une volonté politique tournée vers l'avenir pour promouvoir les relations franco-allemandes au profit de l'ensemble de l'Union européenne. L'implication parlementaire est donc un moyen de faire avancer certains sujets.

Que de chemin parcouru depuis la formation, il y a un peu plus d'un an, d'un groupe de travail franco-allemand chargé de réfléchir aux moyens d'initier un nouveau mode de coopération entre le Bundestag et l'Assemblée nationale ! Pour la première fois, dix-huit députés allemands et français ont été mandatés par l'ensemble des groupes politiques de nos assemblées pour créer des synergies et ouvrir la voie vers de nouvelles opportunités. Ce travail intense devait être mené relativement rapidement, sur le fondement de la résolution commune du 22 janvier 2018. Nous avons organisé sept réunions communes et auditionné de nombreux acteurs des relations franco-allemandes, parmi lesquels les ministres Nathalie Loiseau et Michael Roth, des parlementaires et des acteurs de la société civile. Nous avons même décentralisé nos travaux à Strasbourg pour porter notre attention sur les enjeux propres aux laboratoires de la coopération franco-allemande que sont les territoires transfrontaliers. Ce travail nous a mis en prise directe avec les différences d'organisation juridique et politique de nos États. Nous avons été conduits à imaginer ensemble des solutions ambitieuses garantissant les droits de chacun. Nos travaux ont abouti à un accord parlementaire que la proposition de résolution présentée par le président Ferrand vous propose d'adopter.

La création d'une assemblée parlementaire franco-allemande est une innovation qui pourrait bien inspirer la coopération interparlementaire dans d'autres cadres. Cette assemblée commune de 100 membres est une nouvelle instance de travail – j'insiste sur le mot « travail » – qui constituera, grâce au rassemblement régulier des députés de chaque côté du Rhin, une véritable vigie franco-allemande, charge à l'ensemble des instances de nos deux Parlements de prendre en compte les préconisations de cette nouvelle assemblée afin de transformer ses délibérations en actes.

Plus encore, notre coopération doit s'ancrer dans le quotidien de l'activité de nos commissions, par des réunions communes, des auditions communes ou des déplacements communs. Apprenons à mieux connaître nos fonctionnements, nos outils juridiques, nos méthodes de travail et à tenir compte du point de vue de l'autre.

C'est sur la confiance que nous pourrons bâtir un travail approfondi, afin de rapprocher nos points de vue et de faire converger nos droits et, plus largement, nos modèles respectifs. Ne nous leurrons pas : ce travail sera ardu. Nos assemblées doivent s'engager à simplifier, harmoniser et faire converger les droits nationaux autant que possible, pour réduire les difficultés du quotidien et imaginer des solutions susceptibles d'être répliquées au-delà des territoires transfrontaliers.

J'entends déjà les critiques fuser. Je n'en nommerai que quelques-unes : l'exclusivité prétendue du couple franco-allemand au détriment de l'Union européenne, l'hégémonie germanique, l'ordolibéralisme allemand imposé, la mise aux enchères des intérêts français. Mais l'excès de scepticisme et le cynisme n'ont jamais fait avancer les choses. L'Europe et le couple franco-allemand méritent mieux que cela. Aujourd'hui, le statu quo n'est plus possible. Régulièrement, l'entente franco-allemande irrite les autres, mais « l'irritation se transforme en douleur si la France et l'Allemagne ne sont pas d'accord », comme le soulignait Jean-Claude Juncker à Aix-la-Chapelle.

Reconnaissons au texte que nous examinons sa force et sa portée : il vise à donner une qualité nouvelle à notre coopération bilatérale au profit de l'Union européenne dans son ensemble. À nous, les parlementaires, de jouer pleinement notre rôle ! Prenons le risque de réussir !

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