Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Coopération parlementaire franco-allemande — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues français et allemands, la proposition de résolution relative à la coopération parlementaire franco-allemande, qui se traduit par la création d'une assemblée parlementaire franco-allemande, marque une nouvelle étape dans les relations entre nos deux pays visant à favoriser l'intégration européenne. Pour la première fois de l'histoire de la France et de l'Allemagne, c'est dans le domaine de la construction législative nationale qu'une meilleure convergence est recherchée : parmi les missions de l'Assemblée parlementaire franco-allemande figure celle de « formuler des propositions sur toute question intéressant les relations franco-allemandes en vue de tendre vers une convergence des droits français et allemand ». Je dis bien : « pour la première fois », car c'est bien une « première » que cette démarche qui nous conduit à explorer de nouvelles formes de coopération.

C'est, à dire vrai, essentiellement sur le plan institutionnel qu'il s'agit d'une première, car nous, socialistes et sociaux-démocrates, n'avons pas attendu cette assemblée franco-allemande pour renforcer notre coopération législative dans des domaines qui se situent à la frontière entre le législatif national et le législatif européen. C'est ainsi que, depuis 2016, de manière totalement informelle, nous, députés socialistes et sociaux-démocrates membres des commissions des finances et du budget des parlements nationaux des vingt-huit pays membres de l'Union, nous réunissons tous les six mois pour défendre des positions communes sur certains sujets. Il s'agit d'une démarche novatrice, qui s'est révélée très constructive.

L'Assemblée parlementaire franco-allemande, qu'il nous est proposé de créer, me semble donc s'inscrire dans le prolongement de cette démarche : il s'agit non pas d'enfermer le couple – ou le « moteur » – franco-allemand dans une forme exclusive et exécutive mais, au contraire, de le renforcer en coordonnant le national et l'européen et en le faisant vivre en dehors du couple exécutif, qui est souvent la seule image qu'en ont les Français et les Allemands, depuis de Gaulle et Adenauer, en passant bien sûr par le couple Mitterrand-Kohl.

Faire vivre cette assemblée franco-allemande et lui permettre d'obtenir des avancées suppose de renforcer la méthode adoptée pour nos travaux communs. Ainsi, il est nécessaire que cette assemblée, conduite dans une perspective de renforcement de l'Union européenne, permette d'éviter les divergences qui ont affaibli l'Europe tout entière dans certains domaines – qu'il s'agisse par exemple de la sphère économique, des enjeux de protection sociale ou de la résolution de la crise migratoire. L'absence de solution commune dans ces domaines se traduit de facto par une forme d'anti-coopération, voire de compétition, qui nuit à la construction d'un véritable sentiment d'appartenance européenne.

Afin que cette démarche débouche rapidement sur des résultats concrets, il serait souhaitable que la première réunion de l'Assemblée parlementaire franco-allemande puisse délibérer sur la liste des sujets pour lesquels il existe aujourd'hui des divergences importantes et que chacun de ces sujets puisse faire l'objet de travaux et de propositions de la part des commissions compétentes – je pense, bien sûr, au niveau de la dette pour la France, au niveau de l'investissement pour l'Allemagne et à l'introduction de la TVA sociale, opérée en 2007 en Allemagne et qui a conduit, de fait, à une sorte d'anti-coopération. Tous les sujets qui fâchent doivent être mis sur la table.

J'en viens à la deuxième proposition : l'Allemagne apparaît en avance par rapport à la France en matière de contrôle de subsidiarité et, plus généralement, en matière de coordination législative entre le Parlement européen et le Bundestag. En effet, le Bundestag dispose depuis plusieurs années d'une véritable représentation permanente à Bruxelles. L'Allemagne a investi dans le contrôle parlementaire, tant au niveau national qu'au sein du Parlement européen. Elle possède, à bien des égards, une longueur d'avance sur ses partenaires. De son côté, l'Assemblée nationale ne dispose que de deux fonctionnaires à Bruxelles. Il pourrait donc être envisagé que les deux représentations parlementaires, française et allemande, bien que distinctes, partagent des locaux communs, sur le modèle des représentations diplomatiques communes de certains pays de l'Union européenne.

Enfin, troisième proposition : le renforcement du lien entre groupes parlementaires est indispensable.

L'objectif ultime de cette assemblée franco-allemande doit être de renforcer l'Union européenne, en s'appuyant sur un couple franco-allemand qui travaille ensemble au-delà du seul travail du Président de la République et de la chancelière. Elle doit aider à favoriser la construction d'une identité européenne, mise à mal par celles et ceux qui veulent le repli sur soi, alors qu'elle doit permettre à nos interlocuteurs de nous reconnaître en tant qu'Européens. Comme le soulignait François Mitterrand, dont le conseil résonne plus que jamais : « Ne séparez jamais la grandeur de la France de la construction de l'Europe » !

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